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Collège Garden attirait des touristes intimidés par la visite de l'abbaye.
— Je crois qu'on veut nous attirer dehors pour nous mettre en confiance. Qu'avons-nous à craindre dans le jardin ?
Sophie fit une grimace dubitative.
— Mais on y entre sans passer par le portique de sécurité, non ?
Langdon fronça les sourcils. Elle marquait un point.
Il aurait préféré avoir ne fût-ce qu'une opinion sur le mot de passe, un élément à négocier contre la libération de Teabing.
C'est moi qui l'ai mêlé à cette histoire et je ferai ce qu'il faudra pour l'en sortir, s'il existe la moindre chance. Sophie n'avait toujours pas l'air rassuré.
— Le message nous dit de traverser la Salle capitulaire avant de sortir. On pourrait peut-être commencer par faire le tour par l'extérieur, pour aller jeter un coup d'œil à ce jardin ?
— Bonne idée, acquiesça Langdon.
Il se souvenait vaguement qu'on accédait par le cloître à la Salle capitulaire, une grande salle octogonale où le Parlement britannique d'autrefois se réunissait avant qu'on ait construit sa version moderne. Ils longèrent la cloison du jubé, gagnèrent le bas-côté sud et traversèrent au pas de course un passage voûté que précédait un grand panneau posé sur un chevalet.
Vers :
GRAND CLOÎTRE
CHAPELLE SAINTE-FOY
MUSÉE
SALLE DU COFFRE
CRYPTE ROMANE
CLOÎTRE ROMAN
SALLE CAPITULAIRE
Mais ils marchaient trop vite pour remarquer la petite affichette en carton punaisée dans un coin - semblable à celle qu'ils auraient pu lire en entrant par le portail nord - laquelle annonçait la fermeture pour rénovation de certains secteurs de l'abbaye.
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Ils débouchèrent aussitôt dans le grand cloître, cinglé par une forte averse, dont ils longèrent l'arcade est en suivant les panneaux « Salle capitulaire ». Le vent soufflait avec un gémissement rauque qui lui rappela un de ses jeux préférés quand il était gamin : il collait sa bouche au goulot d'une bouteille de verre pour émettre toutes sortes de sifflements.
Sous les arcades étroites et basses bordant le jardin, Langdon éprouva le malaise qui le saisissait toujours dans des espaces confinés. Après tout, comme il s'en fît la remarque, cette enceinte fermée portait le nom de cloître - étymologiquement «
lieu clos » - et la claustrophobie n'est-elle pas la hantise des lieux clos ?
Se concentrant sur l'extrémité du passage voûté qu'il longeait, Langdon suivit les indications « Salle capitulaire ».
Les gouttes de pluie, rebondissant dans la cour du cloître, éclaboussaient le pavage sous l'arcade. Ils croisèrent un couple qui retournait à grands pas vers la nef, pressé de s'abriter de la douche. Le cloître était complètement désert à présent, mais c'était incontestablement le secteur le moins séduisant de l'abbaye sous cette pluie balayée de rafales.
À mi-chemin du promenoir, le passage conduisant à la Salle capitulaire était barré par un cordon, auquel était accrochée une pancarte :
FERMÉES POUR RÉNOVATION :
Salle du coffre
Chapelle Sainte-Foy
Salle capitulaire
Le long couloir voûté était encombré d'éléments d'échafaudage et de toiles de bâchage. Juste derrière ce chantier, Langdon repéra une sortie à gauche menant vers la chapelle Sainte-Foy, et une autre à droite vers la Salle du coffre.
Tout au fond, la porte de la Salle capitulaire ouvrait sur le grand espace octogonal éclairé par les vitraux donnant sur Collège Garden.
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— Nous venons de quitter le cloître est, fit Langdon, la sortie sud vers le jardin doit se trouver à droite au fond de la salle.
Sophie avait déjà enjambé le cordon. À mesure qu'ils longeaient ce couloir sombre, les hurlements du vent décroissaient derrière eux. La Salle capitulaire était un bâtiment annexe et le long couloir qui la précédait avait visiblement pour fonction de garantir aux parlementaires la confidentialité de leurs débats.
— Elle a l'air immense, cette salle ! souffla-t-elle à Langdon qui l'avait rejointe dans le passage à peine éclairé.
Langdon avait oublié les dimensions du lieu. Monumental.
Du couloir, il entrevoyait déjà l'interminable parquet et les extraordinaires fenêtres en ogive, à l'extrémité de l'octogone -
immense pièce à voûte gothique d'une hauteur de cinq étages.
On devait sûrement y jouir d'une vue magnifique sur le jardin.
Arrivés sur le seuil, Langdon et Sophie durent plisser les yeux. Comparée aux cloîtres, la Salle capitulaire ressemblait à un solarium. Ils avaient déjà parcouru plusieurs mètres lorsqu'ils découvrirent que la porte sud ouvrant sur Collège Garden n'existait pas.
Ils se trouvaient dans un énorme cul-de-sac.
Le grincement d'une lourde porte se refermant derrière eux les fît se retourner vers l'entrée.
Langdon crut un instant qu'il rêvait.
Au pied du grand vitrail sud, un homme corpulent braquait nonchalamment un pistolet sur eux. Il était appuyé sur deux béquilles d'aluminium.
C'était Leigh Teabing.
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Ce n'était pas de gaieté de cœur que sir Leigh Teabing tenait en joue, de son Médusa, Robert Langdon et Sophie Neveu.
— Mes chers amis, depuis votre arrivée inopinée chez moi hier soir, je n'ai cessé de faire l'impossible pour tenter de vous épargner. Mais votre insistance m'a mis dans une position difficile.
Il vit les expressions choquées et indignées de Sophie et Langdon, mais se convainquit qu'ils comprendraient vite l'engrenage fatal responsable de ce dénouement inattendu.
J'ai tant de choses à vous dire à tous les deux... Tant de choses que vous ne comprenez pas encore.
— Croyez bien, reprit-il, que je n'ai jamais eu la moindre intention de vous impliquer dans cette affaire, ni l'un ni l'autre.
C'est vous qui êtes venus me chercher...
Sa voix était empreinte de tristesse.
— Mais qu'est-ce qui vous prend, Leigh ? bredouilla Langdon, complètement abasourdi. Nous pensions que vous étiez en danger. Nous sommes venus ici pour vous aider !
— Comme j'étais convaincu que vous le feriez. Il est grand temps que nous nous expliquions.
Langdon et Sophie ne pouvaient détacher leurs yeux du pistolet que Teabing braquait sur eux.
— Je vous rassure, ce petit joujou n'est destiné qu'à me garantir votre attention. Si j'avais voulu me débarrasser de vous, il y a longtemps que vous seriez déjà dans l'autre monde. Quand vous vous êtes présentés chez moi hier soir, j'ai pris tous les risques pour vous épargner. Je suis un homme d'honneur et je me suis juré de ne sacrifier que ceux qui ont trahi le Saint-Graal.
— Mais de quoi parlez-vous? Qu'est-ce que c'est que cette histoire rocambolesque ? s'écria Langdon.
— J'ai découvert une terrible vérité, reprit Teabing en soupirant. J'ai appris pourquoi le Prieuré de Sion n'avait jamais révélé au monde les documents Sangreal. Ils ont renoncé à le divulguer. Voilà pourquoi il ne s'est rien passé quand nous
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avons changé de millénaire, quand nous sommes entrés dans la Fin des Temps.
Langdon n'eut pas le temps de protester.
— Le Prieuré avait reçu la mission sacrée de faire connaître la vérité à la communauté chrétienne, de publier les documents sur le Graal lorsque arriverait la Fin des Temps. Depuis des siècles, les Grands Maîtres de la confrérie, Leonardo Da Vinci, Botticelli, Isaac Newton et les autres, ont encouru de gros risques pour protéger la lignée du Sang Real et les textes anciens qui en étayaient l'existence. Mais le jour venu, Jacques Saunière a changé d'avis.