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ROSLIN

Comme Langdon l'expliqua à Sophie, il s'agissait de l'ancienne orthographe du nom que portaient le village, le château et la chapelle, une appellation dérivée de la Rose Ligne, l'ancien méridien sur lequel elle avait été construite. A moins qu'elle ne désignât, et les passionnés du Graal préféraient cette deuxième explication, la ligne de la Rose, la lignée de Marie Madeleine.

L'heure de la fermeture approchait.

– 479 –

En ouvrant la porte, Langdon sentit une bouffée d'air tiède lui caresser le visage, comme si ce vieil édifice poussait un soupir de lassitude à la fin d'une longue journée. La voûte en pierre de l'entrée était entièrement sculptée de fleurs pentapétales.

La Rose, le cœur intime de la Déesse.

« Le paradis des symboles », lui avait dit un confrère.

Toutes les surfaces, les arches, les piliers étaient ornés de symboles religieux, païens ou maçonniques : croix chrétiennes, étoiles de David, sceaux maçonniques, croix de Templiers, cornes d'abondance, signes astrologiques, décoration végétale, fruits, fleurs de lys, roses pentapétales, colombes et rameaux d'olivier. Considéré comme le chef-d'œuvre de l'architecture de l'ordre en Europe, Rosslyn était à la hauteur de sa réputation.

Pas une seule pierre n'avait échappé au savoir-faire des maîtres maçons. La Mecque du Graal célébrait toutes les traditions et par-dessus tout le culte de la nature et de la déesse.

Dans l'une des cinq travées du fond, un groupe de touristes en file indienne suivait un jeune homme le long d'un itinéraire reliant entre eux six piliers qui traçait sur le sol un symbole invisible que Langdon connaissait bien.

L'étoile de David, songea Langdon. Ce n'est pas une coïncidence.

Le sceau du roi Salomon. Cet hexagramme avait été autrefois l'emblème secret des prêtres chargés d'observer le ciel et il avait ensuite été adopté par les rois d'Israël, David et Salomon.

Le guide, qui les avait vus entrer, leur fit signe qu'ils pouvaient, malgré l'heure tardive, se promener librement dans la chapelle. Langdon avança dans le chœur et se retourna vers Sophie, qui semblait réticente à le suivre. Bouche bée sur le pas de la porte, elle parcourait le sanctuaire d'un regard rêveur.

— Quelque chose vous arrête ? demanda-t-il en revenant sur ses pas.

Elle regardait fixement la voûte de pierre.

– 480 –

— Je crois... je crois que je suis déjà venue ici.

— Mais vous m'avez dit que vous n'aviez jamais entendu parler de Rosslyn...

— C'est vrai... Je ne me rappelais pas... Mon grand-père a dû m'amener ici quand j'étais toute petite. J'ai l'impression de reconnaître cet endroit...

Elle montra du doigt le fond du chœur.

— Ces piliers sculptés... Je suis sûre de les avoir déjà vus.

Langdon contempla les deux colonnes ouvragées, tout au bout du sanctuaire. Alors que celle de gauche était striée de simples lignes verticales, celle de droite, beaucoup plus chargée, était enguirlandée sur toute sa hauteur d'une curieuse spirale de pierre aux motifs floraux délicatement ciselés.

— J'en suis absolument certaine, répéta Sophie au pied du pilier torsadé en hochant la tête, incrédule.

— Je n'en doute pas, mais ce n'était pas nécessairement ici... — Que voulez-vous dire ?

— Que ces deux piliers sont les éléments architecturaux les plus reproduits au monde. On en trouve partout.

— Des copies de Rosslyn ?

— Non, des piliers. Comme je vous l'ai expliqué en voiture, la chapelle de Rosslyn est une réplique du Temple de Salomon de Jérusalem, et ces deux piliers sont identiques à ceux qui en encadraient l'entrée. Celui de gauche, c'est « Boaz », le pilier du maître ; et celui de droite, c'est « Jachin », le pilier de l'apprenti.

On les retrouve dans presque tous les temples maçonniques.

Il avait également parlé à Sophie des liens étroits qui unissaient Templiers et francs-maçons dont les grades élémentaires, apprenti, compagnon et maître, remontaient aux débuts de l'aventure des Templiers. Le dernier poème de Jacques Saunière faisait d'ailleurs explicitement référence à ces maçons qui avaient décoré la chapelle de Rosslyn de leurs offrandes sculptées dans la pierre, et en particulier sa longue voûte couverte d'étoiles et de planètes.

— Je ne suis jamais entrée dans un temple maçonnique, insista Sophie, les yeux toujours fixés sur les piliers. Ces deux piliers, c'est ici que les ai vus, j'en suis presque sûre.

– 481 –

Elle se retourna vers le chœur, comme pour y chercher un autre détail qui puisse confirmer son souvenir.

Les touristes sortaient du sanctuaire et le jeune guide s'avança vers eux, un large sourire aux lèvres. C'était un beau jeune homme âgé de vingt-cinq à trente ans, avec un accent du terroir et des cheveux blond vénitien.

— Je vais bientôt fermer la chapelle. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ?

Trouver le Graal, faillit répondre Langdon.

— Le code ! s'exclama soudain Sophie. Il y a un code ici.

— Effectivement, c'est tout à fait juste, fit le jeune Écossais, apparemment ravi d'un tel enthousiasme.

— Au plafond, continua-t-elle. Quelque part... par là, vers la droite.

— Je vois que vous connaissez la chapelle, madame.

Langdon avait oublié ce petit détail folklorique, une des nombreuses légendes qui entouraient Rosslyn Chapel. Le désordre apparent des étoiles et des fleurs qui décoraient la voûte à clés pendantes masquait, pour certains, une cartographie codée des accès à la crypte, tandis que, pour d'autres, c'est la voûte elle-même qui figurait le Graal. Les cryptographes s'ingéniaient depuis des siècles à en percer le mystère. En vain, malgré la généreuse récompense offerte par la Fondation Rosslyn.

— Je serai ravi de vous le montrer...

Mon premier code, songeait Sophie en s'éloignant, dans un état second, sous la longue arcade de pierre ouvragée. Ayant remis le coffret à Langdon, elle s'autorisa momentanément à oublier le Graal, les Templiers et le Prieuré de Sion... En arrivant sous la voûte codée et en examinant ses symboles, elle sentit affluer les souvenirs. Elle se rappelait sa première visite ici et, étrangement, ce souvenir réveillait un indéfinissable sentiment de tristesse.

Elle était encore petite fille... c'était environ un an après la mort de ses parents, lors d'un bref voyage en Ecosse avec son grand-père, avant de rentrer à Paris.

– 482 –

Il faisait sombre, ils s'étaient attardés dans la chapelle après l'heure de fermeture. Sophie était fatiguée.

— Grand-père, on peut s'en aller? avait-elle demandé, recrue de fatigue.

— Bientôt, ma chérie. Il me reste une dernière chose à faire avant de partir. Tu ne veux pas aller m'attendre dans la voiture ?

Elle se rappelait la mélancolie qui perçait dans sa voix.

— C'est une affaire de grande personne ?

— Oui. Je vais faire vite, je te le promets.

— Est-ce que je peux rester pour deviner le code de la voûte

? avait-elle demandé. Ça, j'ai bien aimé.

— Il faut que je sorte pendant quelques minutes. Tu n'auras pas peur de rester toute seule ?

— Bien sûr que non, il ne fait même pas nuit !

— Très bien.

Sophie s'était aussitôt allongée sur les dalles, les yeux fixés sur le puzzle géant qui s'étalait au-dessus d'elle.

— Je vais le déchiffrer avant que tu reviennes.

— C'est une course alors...

Il s'était penché, l'avait embrassée sur le front et s'était dirigé vers la porte latérale toute proche.

— Je laisse la porte ouverte. Si tu as besoin de moi, tu n'as qu'à m'appeler.