Je m'occuperai d'elle plus tard, se dit-il, se faisant déjà une joie de la mettre à pied.
Chassant Sophie Neveu de son esprit, il contempla en silence le chevalier en armure qui trônait sur le de Jacques Saunière. Puis il se tourna vers l'inspecteur Collet.
— Et l'autre, vous le suivez ?
Collet orienta son écran vers Fache. Clairement visible sur le plan, le point rouge clignotait dans le carré « TOILETTES
PUBLIQUES », situé au sud de la salle Salvador Rosa, à l'extrémité ouest de la Grande Galerie.
Le commissaire alluma une cigarette.
— Très bien ! J'ai un coup de fil à donner, dit-il en sortant de la pièce. Assurez-vous qu'il ne file pas.
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Vaguement étourdi, Langdon progressait vers le fond de la Grande Galerie, l'esprit absorbé par le message téléphonique de Sophie Neveu qu'il se répétait sans cesse. Au fond du large vestibule, des signaux lumineux indiquant les toilettes publiques le guidèrent à travers un labyrinthe de cloisons couvertes de dessins italiens, qui en masquaient l'entrée.
Il trouva enfin celle des toilettes pour hommes, poussa la porte et alluma la lumière.
La pièce était vide.
Il gagna le lavabo, se rinça les mains et le visage pour tenter de se réveiller. Un éclairage fluorescent agressif se reflétait sur les carreaux blancs, une odeur d'ammoniaque flottait dans l'air.
En s'essuyant les mains, il entendit la porte d'entrée grincer derrière lui.
Sophie Neveu entra, ses yeux verts luisant de peur.
— Ouf ! Vous êtes là ! Il faut faire vite...
Langdon la regardait avec stupéfaction. Il avait écouté plusieurs fois son message téléphonique, pensant d'abord qu'elle était folle, mais il avait fini par la prendre au sérieux. Ne manifestez aucune réaction à l'écoute de ce message. Restez parfaitement calme. Vous êtes en danger. Suivez très exactement toutes mes instructions... Totalement désemparé, il lui avait obéi à la lettre, débité à Fache l'histoire de l'accident, et demandé à pouvoir se rendre aux toilettes, sachant qu'il s'agissait de celles qui se trouvaient à l'extrémité de la Grande Galerie.
Elle reprit son souffle après un parcours du combattant destiné à déjouer la surveillance de ses collègues. Sous l'éclairage des néons, Langdon fut surpris de constater à quel point la douceur de ses traits contrastait avec son expression ferme et décidée. Ses yeux brillaient d'un vif éclat qui lui rappelait certains portraits de Renoir, ce flou dans un regard pourtant si net, ce mélange d'audace et de mystère...
— Je voulais vous avertir, monsieur Langdon. Vous êtes suivi par la police, placé sous surveillance cachée.
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Un léger accent donnait à sa voix une résonance particulière.
— Mais... pourquoi ? s'étonna-t-il.
Elle lui avait donné une explication au téléphone, mais il voulait l'entendre la dire de vive voix.
— Parce que, répondit-elle en s'avançant vers lui, le premier suspect du commissaire Fache, c'est vous.
Langdon avait beau s'attendre à cette affirmation, il la trouvait parfaitement ridicule. À en croire la jeune femme, ce n'est pas en tant que spécialiste des symboles qu'il avait été convoqué au Louvre cette nuit, mais pour subir son premier interrogatoire de meurtrier présumé. Et il se trouvait être la cible d'une des méthodes favorites de la DCPJ - la surveillance cachée - laquelle consistait à faire venir un suspect sur la scène d'un crime et à l'interroger dans l'espoir qu'il perdrait ses moyens et finirait par se trahir.
— Regardez dans la poche gauche de votre veste. Vous y trouverez la preuve de leur surveillance.
Langdon sentit son appréhension monter d'un cran. Que je cherche dans la poche de ma veste? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
— Allez ! Cherchez.
Il plongea la main dans la poche dont il ne se servait jamais, et ne trouva rien. Évidemment, qu'est-ce que vous attendiez ? Il se demanda si cette fille n'était pas tout simplement cinglée.
Mais en fouillant dans les coins, son doigt frôla un tout petit objet dur. Il le sortit à la lumière.
C'était un minuscule disque métallique, pas plus gros qu'une pile de montre. Il n'avait jamais rien vu de semblable.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Un émetteur GPS, un mouchard électronique. Cette petite rondelle métallique transmet en continu sa situation, par satellite, au moniteur de surveillance de la DCPJ, à moins d'un mètre près, sur toute la surface du globe. C'est une sorte de laisse électronique. L'agent qui est venu vous chercher à l'hôtel a dû le glisser dans votre poche.
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Langdon revit sa chambre d'hôtel... la douche rapide, les vêtements enfilés à la hâte, la sollicitude de l'inspecteur Collet qui lui tendait sa veste avant de sortir : « Il fait frais ce soir, monsieur Langdon... Le printemps à Paris n'est pas celui des chansons. » Langdon avait obéi en le remerciant.
Les yeux verts de Sophie brillaient.
— Je ne vous en ai pas parlé au téléphone, pour éviter que Fache vous voie fouiller vos poches. Il ne faut surtout pas qu'il sache que vous êtes au courant.
Langdon ne savait comment réagir.
— Ils ont fait cela parce qu'ils pensaient que vous chercheriez à vous enfuir. En fait, c'est ce qu'ils espéraient. Cela n'aurait fait que confirmer leurs soupçons.
— Mais pourquoi chercherais-je à m'enfuir ? Je suis innocent !
— Ce n'est pas ce que pense Fache. Langdon fit un pas vers la poubelle pour y jeter la petite rondelle.
— Non ! fit Sophie en retenant son bras. Remettez-le dans votre poche. Si vous le jetez, le signal ne bougera plus, et ils devineront que vous l'avez trouvé. La seule raison pour laquelle Fache vous a laissé vous éloigner, c'est qu'il peut vous suivre à la trace. S'il s'aperçoit que vous avez déjoué sa ruse...
Elle ne termina pas sa phrase et remit elle-même le signal dans la poche de Langdon.
— Gardez-le sur vous. Au moins pour l'instant.
Langdon se sentait un peu perdu.
— Mais comment Fache a-t-il pu imaginer que c'est moi qui avais tué Jacques Saunière ? protesta Langdon, accablé.
— Il dispose d'un indice assez convaincant. Un élément de preuve qu'il ne vous a pas montré...
Langdon ouvrit de grands yeux.
— Vous vous souvenez des trois lignes du message de Saunière ?
Il hocha la tête. Sophie baissa la voix.
— Malheureusement, on ne vous a montré qu'un message tronqué. Il y avait une quatrième ligne, que Fache a photographiée, mais qu'il a effacée avant votre arrivée sur les lieux.
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Rien de plus simple que d'effacer cette encre, Langdon le savait, mais pourquoi un policier avait-il supprimé une pièce à conviction ?
— Il ne voulait pas que vous la voyiez, cette quatrième ligne.
Du moins, pas avant de vous avoir arrêté.
Elle sortit de sa poche un tirage photo numérique qu'elle déplia et tendit à Langdon.
— Fache a envoyé des photos de la scène du crime au service de cryptographie, avec l'espoir que nous pourrions comprendre la signification de son message. En voici une version complète.
Elle lui tendit la feuille de papier.
Un gros plan montrait l'inscription sur le parquet.
La dernière ligne fit à Langdon l'effet d'un coup de poing dans l'estomac :
13-3-2-21-1-1-8-5
O DRACONIAN DEVIL !
OH, LAME SAINT !
P.S. TROUVER ROBERT LANGDON
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