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Très bien, pensa Fache. Il suivit des yeux le camion et finit par le perdre de vue. Il entendit Collet appeler tous les agents en faction autour du musée pour les lancer à sa poursuite en voiture. L'inspecteur leur indiquerait l'itinéraire au fur et à mesure, en repérant sur son écran les déplacements du signal.

Ça y est, se dit Fache. D'ici à quelques minutes, ils auraient intercepté le camion. Langdon n'irait pas loin.

Il remit son arme dans l'étui, sortit dans le couloir et appela Collet par radio.

— Que ma voiture m'attende à l'entrée de l'aile Denon ! Je veux être là pour l'arrestation.

Il repartit d'un pas rapide vers le bureau de Saunière, en se demandant si Langdon avait survécu à sa chute.

Cela n'avait guère d'importance.

Il a pris la fuite, il est coupable.

À moins de quinze mètres de la porte des toilettes, Langdon et Sophie étaient plaqués derrière l'une des cloisons du fond de la Grande Galerie. Ils avaient réussi à se glisser là juste avant d'entrevoir Fache, l'arme au poing, se précipitant dans la pièce.

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La minute qui venait de s'écouler était confuse dans l'esprit de Langdon.

Il venait de refuser de fuir le lieu d'un crime qu'il n'avait pas commis, lorsque Sophie s'était plongée dans la contemplation des vitres striées de fils électriques. Elle avait regardé le quai au-dessous, comme pour calculer la hauteur de la chute.

— En visant bien, vous pourriez partir par là... En visant bien ? Langdon s'était approché d'elle pour regarder dehors.

Il avisa un énorme semi-remorque qui approchait du feu rouge du pont du Carrousel. Sa benne était recouverte d'une bâche bleue mal tendue. Langdon espérait se tromper sur les intentions de Sophie.

— Il est hors de question que je saute...

— Sortez le mouchard GPS !

Totalement médusé, il fouilla dans sa poche et en tira le petit disque métallique. Sophie le lui prit des mains, se précipita au lavabo et s'empara d'un morceau de savon ramolli dans lequel elle enfonça le mouchard en appuyant des deux pouces.

Elle tendit à Langdon la savonnette et sortit à deux mains une lourde poubelle cylindrique rangée sous le lavabo. Avant que Langdon ait eu le temps de protester, elle se précipita vers la fenêtre, précédée de la poubelle qu'elle brandissait comme un bélier. Elle la projeta de toutes ses forces contre une vitre, qui vola en éclats.

Une alarme assourdissante se déclencha immédiatement.

— Donnez-moi le savon ! hurla Sophie.

Elle l'enferma dans la paume de sa main et se pencha au-dehors. La cible visée était vaste à souhait, une grande bâche immobile, à moins de trois mètres du trottoir. Le feu allait bientôt passer au vert. Sophie prit une longue respiration et lança son projectile dans la nuit.

Le morceau de savon plongea à la verticale et atterrit sur un bord de la benne avant de disparaître sous la bâche, au moment où le feu devenait vert.

— Félicitations ! s'exclama-t-elle en entraînant Langdon vers la porte. Vous venez de réussir votre évasion.

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Ils surgirent dans le corridor et disparurent dans l'ombre juste avant que Fache déboule en courant de la Grande Galerie.

L'alarme s'était arrêtée et on entendait les sirènes des voitures de la PJ s'éloigner de la cour du Louvre. La meute s'éloigne, songea Langdon rasséréné. Fache quitta les toilettes en courant.

— Il y a un escalier de secours, à cinquante mètres d'ici, fit Sophie. Maintenant que la police a décampé, on peut sortir d'ici.

Langdon décida de ne plus dire un mot de la soirée. Cette fille était décidément beaucoup plus futée que lui.

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19

De l'église Saint-Sulpice, on dit parfois qu'entre tous les monuments parisiens, c'est celui dont l'histoire est la plus originale. Construit sur les ruines d'un ancien temple dédié à la déesse Isis, le sanctuaire reproduit à quelques centimètres près le plan de Notre-Dame. Le marquis de Sade et Charles Baudelaire y furent baptisés, et c'est là que fut célébré le mariage de Victor Hugo. Le séminaire rattaché à l'église, de réputation peu orthodoxe, hébergeait jadis les réunions de diverses sociétés secrètes.

Ce soir, dans la grande nef silencieuse comme un tombeau, la seule trace de vie était le léger parfum d'encens laissé par la messe du soir. Silas sentit une certaine gêne chez sœur Sandrine qui le précédait dans la nef. Cette réaction ne l'étonnait plus.

Son physique étrange mettait si souvent les gens mal à l'aise...

— Vous êtes américain ? dit-elle soudain.

— Je suis français de naissance, mais j'ai reçu la vocation en Espagne et j'étudie maintenant aux États-Unis.

La sœur hocha la tête. C'était une petite femme, au regard bleu et tranquille.

— Et vous n'avez jamais encore visité Saint-Sulpice ?

— Je me rends compte à présent que c'était presque un péché...

— Elle est beaucoup plus belle en plein jour.

— Je n'en doute pas. Mais je vous suis quand même très reconnaissant de me laisser la découvrir cette nuit.

— C'est M. le curé qui me l'a demandé. Vous avez visiblement des amis très influents.

Vous ne pouvez pas savoir à quel point, pensa Silas.

En suivant la religieuse le long de l'allée centrale, Silas fut surpris par la sobriété du décor, si différent des dorures et des couleurs qui ornaient les cathédrales espagnoles. La nudité classique de la nef ne faisait qu'en agrandir l'espace et, en levant les yeux vers la large voûte en berceau, Silas avait l'impression de marcher sous la coque d'un immense navire retourné.

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L'image est adaptée, se dit-il. Le bateau de la fraternité allait bientôt sombrer corps et biens. Anxieux d'accomplir sa tâche sans tarder, il se demandait comment se débarrasser de la religieuse. Elle était bien plus petite que lui et il n'aurait eu aucune difficulté à la neutraliser, mais il s'était juré de ne pas recourir à la violence. Elle fait partie du clergé, et ce n'est pas sa faute si la confrérie a choisi ce sanctuaire pour y cacher sa clé de voûte. Il n'y a aucune raison qu'elle paie pour les péchés des autres.

— Je me sens très gêné, ma sœur, de vous avoir fait réveiller.

— Je vous en prie. Vous êtes à Paris pour si peu de temps, m'a-t-on dit. Est-ce l'architecture ou l'histoire qui vous intéresse plus particulièrement ?

— Ma démarche est surtout spirituelle...

— Cela va sans dire, répliqua-t-elle avec un petit rire aimable. Je me demandais seulement par où commencer ma visite.

Silas avait le regard rivé sur l'autel.

— Je n'ai pas besoin que vous me fassiez faire le tour de l'église. Je peux très bien m'y promener seul.

— Cela ne me dérange pas, puisque je suis debout...

Silas s'immobilisa. Ils étaient arrivés au premier rang de chaises, et le maître-autel était à moins de quinze mètres. Il tourna vers la religieuse son corps massif, et la vit reculer instinctivement, sans pour autant détourner son regard de ses yeux rouges.

— Je ne voudrais pas vous paraître impoli, ma sœur, mais je n'ai pas l'habitude d'admirer une église sans y avoir d'abord prié. Cela vous ennuie-t-il si je prends un peu de temps pour me recueillir seul?

— Très bien, fit la sœur après une seconde d'hésitation. Je vous attendrai dans la sacristie.

Silas posa doucement sa lourde main sur l'épaule de la religieuse.

— Ma sœur, je me sens tellement coupable de vous avoir dérangée au milieu de la nuit... Je ne veux pas vous obliger à rester debout pour moi. Je préférerais que vous retourniez vous