– 97 –
coucher. Je vais prier un peu, faire le tour de votre belle église et je repartirai comme je suis venu.
Elle semblait de plus en plus mal à l'aise.
— Vous n'allez pas vous sentir abandonné ?
— Pas du tout. La prière est une joie solitaire...
— Comme vous voudrez.
Silas enleva sa main.
— Dormez bien, ma sœur. Que la paix du Seigneur soit avec vous.
— Et avec vous aussi. Assurez-vous de bien refermer la porte en partant.
— Je n'y manquerai pas.
Il la regarda disparaître derrière le chœur et s'agenouilla devant une chaise du premier rang. Le cilice se resserra autour de sa cuisse.
Mon Dieu, c'est à vous que je dédie ma tâche d'aujourd'hui.
Dissimulée derrière un des piliers du chœur, sœur Sandrine observait le moine en prière. Saisie d'une peur soudaine, elle devait lutter pour demeurer immobile. L'espace d'un instant, elle se demanda s'il pouvait s'agir de l' ennemi dont ses frères évoquaient la venue comme une grave menace. Devrait-elle, cette nuit, exécuter les ordres qu'elle gardait secrets depuis tant d'années ? Elle décida de rester cachée dans l'ombre et de surveiller les moindres mouvements de son étrange visiteur.
– 98 –
20
Langdon et Sophie émergèrent de l'obscurité et se dirigèrent à pas de loup vers l'issue de secours qui donnait dans la Grande Galerie.
Langdon, qui avait l'impression de tenter d'assembler les pièces d'un puzzle dans le noir complet, devait maintenant y imbriquer un élément supplémentaire, extrêmement gênant. Le chef de la PJ veut m'arrêter pour meurtre.
— Pensez-vous, chuchota-t-il en suivant Sophie dans l'obscurité, que Fache pourrait lui-même avoir écrit le message sur le parquet ?
— Impossible, répondit-elle sans se retourner.
— Et pourquoi pas ? Il a l'air tellement pressé de me faire passer pour coupable. Il a peut-être pensé que ça pourrait servir sa cause ?
— La séquence de Fibonacci ? Les initiales PS ? Toutes ces allusions à Leonardo Da Vinci et à la déesse ? Ça ne peut venir que de mon grand-père.
Elle avait sûrement raison. Les allusions concordaient à la perfection - le pentacle, L'Homme de Vitruve, Leonardo Da Vinci, la déesse, et même la suite de Fibonacci. Un ensemble symbolique cohérent, auraient dit les iconographes. Dont tous les éléments sont inextricablement liés.
— Et puis il y a son coup de fil de cet après-midi, enchaîna Sophie. Il prétendait qu'il avait quelque chose à me dire. Je suis certaine que son message était une dernière tentative pour me confier une information importante, et qu'il estimait que vous pourriez m'aider à la comprendre.
Langdon fronça les sourcils. O diable draconien ! Oh, saint boiteux ! Si seulement il pouvait enfin deviner la signification de ce message, autant pour lui que pour Sophie. Depuis qu'il l'avait découvert, la situation n'avait fait qu'empirer. Son saut simulé depuis la fenêtre des toilettes ne contribuerait certainement pas à lui attirer la clémence de Fache, qui n'avait sans doute pas apprécié d'arrêter une savonnette en cavale.
– 99 –
— La porte de la cage d'escalier n'est pas loin, fit Sophie.
— Dites-moi, pensez-vous qu'il soit possible que les premiers chiffres du message permettent d'en comprendre la suite ?
Langdon avait déjà travaillé sur des manuscrits de Francis Bacon contenant des épigraphes cryptées, dans lesquelles certaines lignes aidaient à décoder le sens des autres.
— Je n'ai pas cessé d'y réfléchir, répondit Sophie. J'ai essayé les quatre opérations dans tous les sens... Impossible d'y trouver aucun ordre mathématique. Il a aligné les chiffres complètement au hasard. C'est un vrai charabia cryptographique.
— Mais ils appartiennent tous à la séquence de Fibonacci...
Cela ne peut pas être une coïncidence !
— Certainement pas. Mais pour mon grand-père, il s'agissait seulement de m'envoyer un signal. Comme en écrivant ce message en anglais, ou en incarnant mon dessin favori de Leonardo Da Vinci, comme avec le pentacle, il voulait attirer mon attention.
— Le pentacle avait une signification pour vous ?
— Oui. Je n'ai pas eu le temps de vous le dire, mais c'est un symbole que nous évoquions souvent quand j'étais petite. Nous jouions beaucoup au tarot. Et il s'arrangeait toujours pour que la suite de pentacles tombe sur moi. Je suis sûre qu'il trichait.
Le pentacle était devenu une sorte de blague rituelle entre nous.
Langdon frissonna. Ils jouaient au tarot ? Un jeu datant de l'Italie médiévale, truffé de symboles hérétiques cachés, auxquels lui-même consacrait un chapitre entier dans son prochain ouvrage. On y trouvait, parmi les vingt-deux cartes habituelles, la Papesse, l'Impératrice, et l'Étoile. À l'origine, le tarot avait été conçu comme un moyen de transmettre des doctrines condamnées par l'Église et c'est cet aspect mystérieux qui en avait fait plus tard un instrument de divination pour les cartomanciens.
La suite évoquant la divinité féminine est effectivement le pentagramme, pensa Langdon. Si Saunière trichait pour faire gagner sa petite-fille, le choix du pentacle était très judicieux.
– 100 –
Ils étaient arrivés en haut de l'escalier. Sophie ouvrit la porte sans que l'alarme se déclenche. Les portes intérieures ne devaient pas être sécurisées. Elle le précéda pour descendre les marches étroites d'un escalier tournant, et accéléra l'allure.
Langdon tenta de la rattraper.
— Lorsque votre grand-père vous a parlé du pentacle, a-t-il mentionné le culte de la déesse et le ressentiment de l'Église catholique à son égard ?
— Non. Ce qui m'intéressait, c'était les aspects mathématiques. La Divine Proportion, le nombre PHI, la séquence de Fibonacci... ce genre de choses.
— Il vous a appris le nombre PHI ?
— Bien sûr ! La Divine Proportion. Il disait même que j'étais à moitié divine, à cause des lettres de mon nom...
Langdon réfléchit un instant avant de murmurer : «
SoPHIe ».
Il se concentra sur le nombre PHI. La cohérence des indices laissés par Saunière ne cessait de se renforcer.
Leonardo Da Vinci, la suite de Fibonacci, le pentacle...
PHI.
Tout cela renvoyait à un concept unique, si important pour l'histoire de l'art que Langdon consacrait souvent plusieurs séances à cette question. Il se revoyait à Harvard, lors d'un de ses cours traitant de « La symbolique dans l'art », en train d'écrire au tableau son nombre préféré :
1,618
Il s'était retourné vers ses étudiants.
— Qui peut me dire le nom de ce nombre ?
Un fort en maths aux longues jambes avait levé le doigt.
— C'est le nombre PHI.
— Bravo, Stettner ! Messieurs, je vous présente PHI.
— À ne pas confondre avec PI, en manque de hash ! clama Stettner.
Langdon fut le seul à rire. Stettner, dépité, se tassa sur sa chaise.
– 101 –
— Ce nombre PHI, reprit le professeur Langdon, un virgule six cent dix-huit, est de la plus haute importance dans l'histoire de l'art. Quelqu'un peut-il me dire pourquoi ?
— Parce qu'il est beau ? avait suggéré Stettner, cherchant à se racheter. Les étudiants s'esclaffèrent
— En fait, répondit Langdon en riant, notre ami Stettner a encore raison. Le nombre PHI est généralement considéré comme le plus beau chiffre de l'univers, le nombre d'or.