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Elle prit une profonde inspiration et se précipita vers la table que la police avait placée près du cadavre, s'interdisant cette fois tout regard vers celui-ci, pour ne s'intéresser qu'aux objets laissés sur la table par la police. S'emparant d'une petite lampe à ultraviolet, elle la glissa dans la poche de son

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survêtement, et repartit en courant vers la porte grande ouverte de la Salle des États.

Au moment où elle entrait, un bruit de pas venant de l'intérieur la cloua sur place.

Il y a quelqu'un!

Une forme fantomatique apparut brusquement dans la lueur rosée. Sophie fit un bond en arrière.

— Ah ! Vous voilà ! chuchota Langdon, dont la silhouette se profilait à côté d'elle.

Le soulagement de Sophie fut de courte durée.

— Robert ! Je vous avais dit de filer droit à l'ambassade... Si Fache...

— Où étiez-vous passée ?

— Je suis allée chercher une lampe à lumière noire. S'il m'a laissé un message ici...

Langdon reprit son souffle et la fixa dans les yeux.

— Sophie, écoutez-moi ! Les lettres PS, ça ne vous rappelle pas autre chose ? Réfléchissez !

Craignant qu'on ne les entende, Sophie l'entraîna à l'intérieur et referma la double porte.

— Je vous l'ai déjà dit, ce sont les initiales de Princesse Sophie.

— Je sais, mais ne les avez-vous jamais vues inscrites ailleurs ? Est-ce que votre grand-père ne les utilisait pas pour autre chose ? En monogramme, sur du papier à lettres, sur un objet personnel ?

Elle sursauta. Comment Robert pouvait-il savoir ? Elle les avait bien vues un jour, ces deux lettres, sur une sorte de monogramme. C'était la veille de ses neuf ans. Elle fouillait toute la maison en cachette, espérant trouver son cadeau. Déjà à cette époque, elle ne supportait pas les secrets. Qu'est-ce qu'il va m'offrir cette année ? Elle ouvrait tous les placards, tous les tiroirs. Est-ce qu'il m'a acheté la poupée dont je lui ai parlé ?

Où aurait-il pu la cacher ?

N'ayant rien trouvé dans aucune des autres pièces, elle rassembla tout son courage et se glissa dans la chambre de son grand-père. C'était une zone absolument interdite, mais il faisait sa sieste sur un divan du rez-de-chaussée.

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Je vais juste jeter un petit coup d'œil !

Sur la pointe des pieds, le plancher craquant sous ses pas, elle alla ouvrir son placard, et vérifia à tâtons toutes les étagères. Rien. Elle regarda sous le lit. Toujours rien. Elle s'approcha de sa commode et fouilla un à un tous les tiroirs, en veillant à ne rien déranger. Il y a sûrement quelque chose pour moi là-dedans ! Avant d'ouvrir le dernier, elle n'avait toujours pas trouvé de poupée. Déçue, elle y plongea la main et en sortit des vêtements noirs qu'elle n'avait jamais vus sur son grand-père. Elle allait refermer le tiroir lorsqu'elle aperçut un petit objet qui brillait dans le fond. On aurait dit une chaîne de montre, mais son grand-père n'en portait jamais. Son cœur fit un bond en devinant de quoi il s'agissait.

Un collier !

Elle sortit précautionneusement la chaîne d'or du tiroir.

Une petite clé y pendait, lourde et scintillante. Fascinée, elle la souleva. Elle ne ressemblait à rien de connu. La plupart des clés étaient plates, avec une tige ronde. Celle-ci avait une tige triangulaire, constellée de petites taches. La tête était en forme de croix, mais pas de celles qu'elle connaissait. Ses quatre bras avaient la même longueur, comme le signe plus des additions.

Un curieux dessin était gravé au centre : deux lettres entrelacées, entourées d'une drôle de fleur.

— P-S..., murmura-t-elle.

Qu'est-ce que ça peut bien être ?

— Sophie ?

Son grand-père apparut dans l'embrasure de porte.

Elle sursauta et fit tomber la chaîne sur le plancher.

Elle la fixait des yeux, n'osant regarder grand-père en face.

— Je... je cherchais mon cadeau d'anniversaire, bredouilla-t-elle, tête baissée, consciente d'avoir trahi sa confiance.

Il resta silencieux pendant une éternité. Puis il dit d'une voix très calme :

— Ramasse la clé, Sophie.

Elle s'exécuta et il s'approcha d'elle.

— Ma petite fille, il faut que tu apprennes à respecter l'intimité d'autrui.

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Il s'agenouilla devant elle et lui prit doucement la clé des mains.

— C'est une clé très spéciale, ma chérie. Si tu l'avais perdue...

Sa voix douce mettait Sophie encore plus mal à l'aise.

— Je te demande pardon. Je ne le ferai plus. Je croyais que c'était un collier que tu voulais m'offrir pour mon anniversaire.

Il la regarda encore longuement.

— Je vais te le redire encore une fois, Sophie, parce que c'est important : il faut respecter l'intimité des autres.

— Oui, grand-père.

— Nous en reparlerons une autre fois. Pour le moment, il y a du désherbage à faire.

Elle descendit en courant dans le jardin.

Le lendemain matin, il ne lui offrit pas de cadeau, et elle ne s'attendait plus à en recevoir. Il lui souhaita même pas un bon anniversaire de toute la journée. Après le dîner, elle monta se coucher, traînant les pieds dans l'escalier. En se mettant au lit, elle trouva sur son oreiller une petite carte sur laquelle était inscrite une énigme. Elle sourit avant même de l'avoir déchiffrée. Je sais ce que c'est! Elle en avait trouvé une semblable le matin du Noël précédent.

Une chasse au trésor !

Elle se mit au travail avec empressement, et trouva rapidement la solution de l'énigme, qui l'envoya dans une autre partie de la maison, où l'attendait une autre devinette, dont la réponse la précipita au rez-de-chaussée, et ainsi de suite... Elle traversa ainsi toute la maison d'une pièce à l'autre, d'indice en indice, jusqu'à ce que le dernier la reconduise à sa chambre. Elle monta l'escalier quatre à quatre et s'arrêta net sur le seuil : devant son lit trônait une bicyclette neuve, le guidon enrubanné de rouge. Elle poussa un cri de joie.

— Je sais que tu avais demandé une poupée, dit son grand-père en sortant de derrière le rideau de la fenêtre. Mais j'ai pensé que tu préférerais ce cadeau-là.

Le lendemain, il lui avait appris à pédaler et à se tenir sur la selle, courant à côté d'elle dans les allées du jardin. Lorsqu'elle

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s'était lancée sur l'épaisse pelouse, elle avait perdu l'équilibre et ils avaient tous les deux roulé dans l'herbe en riant.

— Je suis désolée pour hier, grand-père, avait-elle dit en se jetant dans ses bras.

— Je sais, ma chérie. Tu es pardonnée. Comment veux-tu que je t'en veuille ? Les grands-pères et les petites-filles se pardonnent toujours.

Transgressant ce qu'elle savait être un tabou, elle lui demanda :

— Je n'avais jamais vu de clé comme celle-ci. Elle est très jolie. Qu'est-ce qu'elle ouvre ?

Il sembla hésiter longuement avant de répondre.

Grand-père ne ment jamais.

— Une boîte dans laquelle je garde beaucoup de secrets.

Elle fît la moue.

— J'ai horreur des secrets !

— Je sais, mais ceux-là sont très importants. Et un jour, tu apprendras à les apprécier autant que moi.

— Il y avait des lettres sur la clé, et une fleur.