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— Le commissaire nous attend sur les lieux du crime, monsieur Langdon, insista l'inspecteur en regardant sa montre.

Langdon, incapable de détacher ses yeux de la photo, ne l'entendait pas.

— Ce dessin sur l'abdomen et la position du corps...

Comment peut-on... ?

L'expression du policier s'assombrit.

— Vous faites fausse route, monsieur Langdon. Ce que vous voyez sur cette photo...

– 11 –

Il hésita.

— … C'est Saunière lui-même qui est l'auteur de cette mise en scène.

– 12 –

2

À moins de deux kilomètres de là, Silas, le colosse albinos, franchissait en boitant la porte cochère d'une luxueuse résidence en briques de la rue La Bruyère. Le cilice qu'il portait autour de la cuisse lui écorchait la peau, mais son âme chantait la joie de servir Dieu.

La souffrance est salutaire.

En pénétrant dans la résidence, il parcourut l'immense hall de son regard rouge et monta le grand escalier sur la pointe des pieds, pour ne pas réveiller ses conuméraires. La porte de sa chambre n'était pas fermée, les clés et verrous étant interdits ici.

Il la referma doucement derrière lui.

Il pénétra dans la pièce, au décor plus que spartiate, qui lui servirait de refuge pour la semaine : plancher nu, commode de pin brut, paillasse de toile posée dans un coin - le même mobilier que celui de sa chambre au foyer sanctuaire de New York.

Le Seigneur a pourvu à mon gîte comme au sens de ma vie.

Cette nuit, Silas avait enfin le sentiment de commencer à rembourser sa dette. Il ouvrit le dernier tiroir de la commode, en sortit le téléphone mobile qu'il y avait caché, et composa un numéro.

— Oui ? répondit une voix masculine.

— Je suis rentré, Maître.

— Parle, ordonna la voix qui semblait heureuse de l'entendre.

— Tous les quatre ont été supprimés ; les trois sénéchaux et le Grand Maître lui-même.

Une pause, comme pour une courte prière.

— Alors, je pense que tu as le renseignement.

— Les quatre aveux concordent.

— Et tu les crois vrais ?

— Il ne peut s'agir d'une coïncidence, Maître.

La voix s'anima.

— Magnifique ! Je craignais que l'obsession du secret qu'on leur prête ne soit la plus forte.

– 13 –

— La peur de mourir est une puissante motivation.

— Raconte-moi tout, mon garçon.

Silas savait que les renseignements donnés par ses quatre victimes feraient leur effet.

— Ils ont tous confirmé l'existence d'une clé de voûte, conformément à la légende.

Il entendit le Maître reprendre son souffle et sentit son excitation.

— Exactement ce que nous soupçonnions, Silas. Selon la tradition, la clé de voûte, œuvre des membres de la fraternité, était une tablette de pierre gravée de signes qui révélaient l'emplacement du Grand Secret. Une information si cruciale que sa protection constituait la raison d'être du Prieuré.

— Quand nous détiendrons la clé de voûte, répondit le Maître, nous toucherons au but.

— Nous en sommes tout près, Maître. La clé de voûte est à Paris.

— Paris ? Incroyable... c'est presque trop facile. Silas lui raconta les événements de la soirée.

Il expliqua que chacune des quatre victimes, quelques instants avant de mourir, s'efforçant désespérément d'obtenir la vie sauve en échange d'aveux, avait fourni exactement la même information : la clé de voûte était ingénieusement cachée dans un endroit précis de l'église Saint-Sulpice.

— Dans une Maison de Dieu ! s'exclama le Maître. Encore un camouflet...

— Après des siècles d'offenses !

Le Maître garda le silence, comme grisé par les vapeurs d'un aussi complet triomphe. Puis il poursuivit :

— Tu as rendu un grand service à la cause de Dieu, Silas.

Cela fait des siècles que nous attendus ce moment. Tu dois aller récupérer cette clé de voûte. Immédiatement. Tu connais l'importance des enjeux...

Silas en avait parfaitement pris la mesure, mais l'ordre du Maître lui semblait inapplicable.

— Mais cette église est impénétrable, surtout la nuit, comment pourrai-je y entrer ?

– 14 –

Avec l'assurance des puissants de ce monde, le Maître lui expliqua comment il devrait procéder.

En raccrochant, Silas avait la chair de poule.

Dans une heure, se dit-il, heureux que le Maître lui ait accordé ce délai pour pouvoir faire pénitence avant de pénétrer dans la Maison de Dieu. Je dois purger mon âme de ses péchés d'aujourd'hui. Mais ces quatre meurtres avaient été perpétrés pour une cause sainte ; la guerre contre les ennemis de Dieu se livrait depuis des siècles. Le pardon lui était assuré.

Pourtant, Silas le savait, l'absolution supposait la pénitence.

Il ferma les persiennes, se dévêtit et s'agenouilla au centre de la chambre. Baissant les yeux, il examina le cilice toujours serré autour de sa cuisse. Tous les véritables disciples de La Voie portaient cette lanière de crin hérissée d'aiguillons métalliques qui éraflent la peau à chaque pas, pour perpétuer le souvenir des souffrances du Christ et combattre les désirs de la chair.

Silas l'avait déjà portée plus longtemps que les deux heures quotidiennes réglementaires, mais aujourd'hui était une journée particulière. Il resserra la boucle d'un cran, gémit en sentant les aiguillons s'enfoncer dans sa chair et, poussant un long soupir, savoura les délices de la souffrance purificatrice.

La souffrance est salutaire, répéta-t-il inlassablement, suivant l'exemple du fondateur de l'œuvre. Le père José Maria Escriva, Maître de tous les Maîtres, était certes mort en 1975, mais sa sagesse était toujours vivante et plusieurs milliers de disciples à travers le monde répétaient à voix basse ses paroles quand, agenouillés sur le sol, ils s'adonnaient au rituel sacré de la « mortification corporelle ».

Silas tourna les yeux vers sa paillasse, sur laquelle était posée la discipline aux cordelettes raidies par le sang séché.

Incapable d'attendre plus longtemps la purification si ardemment désirée, Silas fit une rapide prière, saisit la discipline, ferma yeux et commença à s'en fouetter alternativement les deux épaules. Sans relâche.

Castigo corpus meum. Je punis mon corps.

– 15 –

Jusqu'à ce qu'il sente les gouttes de sang couler le long de son dos.

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3

Assis sur le siège passager de la Citroën ZX qui, gyrophare allumé, descendait en trombe la rue Saint-Honoré, la tête à demi sortie par la fenêtre dans l'air vif de la nuit d'avril, Robert Langdon tentait de remettre de l'ordre dans ses idées. Une douche rapide et un rasage approximatif lui avaient redonné figure humaine mais il était encore sous le choc de l'angoisse qu'avait suscitée en lui l'affreuse image du cadavre de Jacques Saunière.

Jacques Saunière est mort.

Il ne put réprimer un sentiment d'accablement en songeant à la mort du vieux conservateur.

Malgré sa réputation de reclus, ce dernier était considéré comme un défenseur des arts aussi compétent que passionné.

Ses recherches sur les codes et les symboles cachés dans les tableaux de Poussin et de Teniers faisaient partie des ouvrages de référence préférés de Langdon, qui s'était fait une fête de le rencontrer.

L'image du cadavre du conservateur le poursuivit. Pourquoi cette étrange mise en scène au moment de mourir ? Langdon se tourna et regarda par la fenêtre, s'efforçant de repousser cette vision. Dehors, dans les rues de la ville, l'effervescence commençait seulement à s'apaiser : des vendeurs de marrons chauds poussaient leur Caddie devant eux, un serveur déposait un sac-poubelle sur le bord du trottoir, un couple d'amoureux serrés l'un contre l'autre essayait de se réchauffer. L'air embaumait le jasmin. La Citroën zigzaguait entre les voitures avec autorité, fendant la circulation grâce à sa sirène deux-tons.