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Pour le protéger ? Ou pour le forcer à adorer Jésus ? Plus troublant encore, elle tend au-dessus de son fils sa main gauche aux doigts recourbés comme la serre d'un aigle. Enfin, l'ange tourne la tête vers le spectateur et pointe l'index droit en direction de Jean-Baptiste. Est-ce la main de l'ange qui cherche à interrompre le geste de la Vierge, ou celle de Marie qui veut empêcher Uriel de désigner Jean-Baptiste ?

Langdon amusait toujours beaucoup ses étudiants, lorsqu'il leur apprenait que Leonardo Da

Vinci avait finalement calmé les émois des sœurs de Milan, en exécutant - ou en faisant exécuter -, des années plus tard, une version « expurgée » de la scène, où il avait supprimé le doigt de l'ange et le geste inquiétant de la Vierge. Ce tableau beaucoup plus orthodoxe était désormais exposé à la National Gallery de Londres. Mais, comme la plupart des historiens d'art, Langdon lui préférait de loin l'original intrigant du Louvre.

— Qu'avez-vous trouvé derrière le tableau ? demanda Langdon.

— Je vous le montrerai lorsque nous serons dans l'enceinte de l'ambassade, répondit-elle sans le regarder.

— Vous allez me le montrer ? fit-il, surpris.

— C'est un petit objet estampé d'une fleur de lys et de deux initiales.

Langdon s'enfonça dans son siège, complètement abasourdi.

— Il vous a laissé un objet ? Sophie hocha la tête.

— Estampé d'une fleur de lys et des initiales P.S. Langdon n'en croyait pas ses oreilles.

On va y arriver, se dit Sophie.

Ils longeaient l'hôtel Crillon et elle avait enfin l'impression de pouvoir respirer normalement.

La petite clé n'avait pas quitté sa pensée. Elle revivait le jour où elle avait découvert la croix dorée à tige triangulaire, les fines échancrures, la petite fleur en bas-relief et les initiales P.S.

gravées autour.

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Elle n'avait jamais repensé à ce bijou qui l'avait fascinée dans son enfance et, maintenant qu'elle travaillait dans la police, son étrange facture ne l'étonnait plus autant qu'autrefois.

C'était une clé à matrice variable, impossible à reproduire, et qui opérait par lecture électronique de la série de petits points hexagonaux gravés au laser sur tout son pourtour. La serrure ne s'ouvrait que si l'œil électronique reconnaissait sur la tige les petits trous hexagonaux, leurs emplacements et leurs intervalles.

Mais comment trouver la fameuse boîte à secrets qu'elle était censée ouvrir ? Elle comptait sur Langdon pour l'éclairer.

Il s'était, après tout, montré capable de la décrire sans l'avoir vue. La croix qui surmontait la tige impliquait une référence à une organisation chrétienne quelconque.

Et pourtant mon grand-père n'était pas chrétien...

Elle en avait eu la preuve dix ans auparavant. Et curieusement, c'était une autre clé, beaucoup plus ordinaire cette fois, qui lui avait permis l'accès à cette révélation dont elle ne s'était jamais remise...

Rentrant de Londres pour les vacances de Pâques, deux ou trois jours avant la date prévue, elle avait hâte de surprendre son grand-père, et de lui expliquer les passionnantes méthodes de cryptage qu'elle venait d'apprendre. Mais elle avait trouvé l'appartement vide. Légèrement déçue, elle s'était dit qu'il n'attendait pas son retour si tôt, et qu'il devait encore être au musée.

Mais pas un samedi après-midi. Il part toujours en week-end...

Avec un large sourire, elle s'était précipitée dans le parking de l'immeuble. Sa voiture n'était pas là. Il détestait conduire dans Paris et ne la sortait que pour se rendre dans le petit château qu'il possédait en Normandie. Après des mois passés dans les rues encombrées de Londres, Sophie avait hâte de retrouver le grand air et de commencer dès maintenant ses vacances. Pourquoi ne pas aller le surprendre là-bas ? On n'était qu'en début de soirée et elle décida de partir sur-le-champ. Elle emprunta la voiture d'une amie et prit la direction de Creully. Il

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était plus de dix heures lorsque, après avoir traversé les collines désertes des environs que la pleine lune baignait de sa lueur, elle s'engagea dans la longue allée de près de deux kilomètres qui menait à travers un parc boisé, jusqu'à la retraite de son grand-père. À mi-chemin, on apercevait déjà le manoir — un énorme bâtiment de pierre, niché dans les arbres au pied d'une colline.

Elle s'attendait à trouver son grand-père déjà couché, et fut agréablement surprise à la vue des fenêtres éclairées. Une joie vite tempérée par la vue des nombreuses voitures garées devant le manoir -Mercedes, BMW, Audi, et même une Rolls-Royce...

Après la première déception, elle éclata de rire.

Eh bien ! Lui qui se prétend reclus et solitaire...

Ainsi, Jacques Saunière, apparemment beaucoup plus mondain qu'il ne le prétendait, profitait de l'absence de sa petite-fille pour recevoir au château. Et quels invités ! Il s'agissait visiblement de la meilleure société parisienne.

Dans sa hâte à le surprendre, elle s'était précipitée sur la porte d'entrée qu'elle avait trouvée fermée à clé. Elle frappa plusieurs fois, mais personne ne vint lui ouvrir. Intriguée, elle fit le tour du château et essaya la porte arrière, verrouillée elle aussi. Pas de réponse. Troublant.

Elle s'arrêta un moment pour tendre l'oreille. On n'entendait que la brise normande qui s'engouffrait dans la vallée.

Pas de bruits de voix.

Pas de musique.

Silence complet.

Elle marcha jusqu'au pignon, escalada un tas de bûches et pressa son visage sur la fenêtre du salon. C'était absurde.

Il n'y a personne, ici !

Toutes les pièces qu'elle voyait en enfilade étaient désertes.

Mais où sont tous ces gens ?

Le cœur battant, elle courut jusqu'au bûcher pour y chercher la clé d'appoint que son grand-père y gardait sous une grosse boîte d'allumettes. Elle revint vers la porte d'entrée, l'ouvrit et pénétra dans le vestibule, éclairé et désert. Le système d'alarme se mit à clignoter, ce qui signifiait qu'elle avait dix

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secondes pour taper le code au compteur près de la porte et le désactiver.

Pourquoi a-t-il branché l'alarme s'il a des invités ?

Elle s'empressa de saisir les chiffres du code.

Il n'y avait personne au rez-de-chaussée. À l'étage non plus.

Elle redescendit au salon, de plus en plus perplexe.

C'est alors qu'elle entendit quelque chose.

Des voix étouffées. Qui semblaient venir de sous le plancher. C'étaient des voix, qui chantaient... ou plutôt qui scandaient une sorte de mélopée. Elle eut soudain peur.

D'autant qu'à sa connaissance le château n'avait pas de sous-sol.

En tout cas, je ne l'ai jamais vu.

Elle balaya la pièce du regard et remarqua la seule chose qui n'était pas à sa place habituelle : l'antiquité préférée de son grand-père - une grande tapisserie d'Aubusson, qui couvrait la moitié du mur est, à gauche de la cheminée, avait été tirée sur le côté de sa tringle de cuivre, dégageant le lambris derrière elle.

Sophie fit quelques pas vers le mur. Le bruit de voix augmenta.

Elle y colla son oreille. C'était bien un chant, dont elle ne distinguait pas les paroles.

Il y a un espace vide derrière la cloison !

Elle passa la main le long des boiseries et tomba sur un clapet joliment ouvragé, de la largeur d'un doigt. Elle y glissa son index et tout le panneau coulissa sans bruit sur celui qu'il jouxtait. Les voix montaient du fond de la cavité obscure qui s'ouvrait derrière.

Elle s'introduisit dans l'ouverture et déboucha au sommet d'un petit escalier en spirale, en pierres grossièrement taillées, qu'elle descendit prudemment.