Выбрать главу

— Appelons l'ambassade. Je peux leur expliquer la situation, et ils enverront quelqu'un me chercher.

— Vous rêvez, mon pauvre Robert ? Dès qu'ils ont quitté leurs murs, les diplomates relèvent d'une juridiction française.

Ils seraient accusés d'aider un fugitif recherché par la police.

Impossible. Si vous les appelez maintenant, ils vous enjoindront de vous rendre à Fache pour limiter les dégâts. Tout en vous promettant, bien sûr, d'intervenir par la voie diplomatique pour faciliter votre défense. Combien d'argent liquide avez-vous sur vous ?

Langdon ouvrit son portefeuille et en vérifia le contenu.

— Une centaine de dollars, et une vingtaine d'euros.

— Des cartes bancaires ?

— Oui, bien sûr.

Ils arrivaient sur la majestueuse place Charles-de-Gaulle, le plus grand rond-point de France, dont les douze branches convergent en étoile sur l'Arc de triomphe, érigé par Napoléon à la gloire de son épopée militaire.

Sophie gardait les yeux fixés sur son rétroviseur.

— On les a semés ! soupira-t-elle. Pour le moment... Mais si nous restons dans cette voiture, ils ne tarderont pas à nous retrouver.

Il était clair qu'elle avait un plan.

Langdon se surprit à penser : II n'y a qu'à en voler une autre, maintenant que nous sommes des criminels...

— Que comptez-vous faire ? demanda-t-il.

— Faites-moi confiance.

– 158 –

Jusqu'à présent, la confiance n'avait pas été vraiment payante, mais il n'avait guère le choix. Il releva la manche de sa veste pour regarder l'heure, sur le cadran Mickey Mouse de la montre que ses parents lui avaient offerte pour ses dix ans. Elle faisait parfois ouvrir des yeux ronds à son entourage, mais Langdon n'en avait jamais possédé d'autre. C'est par les dessins animés de Walt Disney qu'il avait découvert la magie de la forme et de la couleur, et ce petit objet était pour lui un rappel quotidien qu'il devait garder un cœur d'enfant.

2 h 51.

— Elle est amusante, votre montre, dit Sophie, qui amorçait le tour de la place.

— C'est une longue histoire, dit-il en rabaissant sa manche.

— J'imagine..., fit-elle avec un petit sourire.

Elle tourna à gauche dans l'avenue de Friedland, qu'elle descendit à toute allure ainsi que le boulevard Haussmann.

Lorsqu'ils passèrent devant l'église Saint-Augustin, Langdon devina quel était son but.

La gare Saint-Lazare.

La cour de Rome était pratiquement déserte. Deux taxis étaient garés derrière l'hôtel Concorde. Sophie fit le détour par la place du Havre et se gara derrière eux. Avant que Langdon ait eu le temps de s'informer sur ses intentions, elle descendit de voiture, et alla discuter avec le chauffeur du premier. Langdon la vit glisser une liasse de billets par la vitre entrouverte. Le taxi démarra en trombe.

Langdon avait rejoint Sophie sur le trottoir.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il en courant derrière elle.

Elle était déjà entrée dans la galerie marchande et se dirigeait vers l'escalator qui montait à la Salle des pas perdus.

— On va acheter deux billets pour le prochain train.

La petite échappée jusqu'à l'ambassade était devenue une fuite pure et simple de la capitale, que Langdon trouvait de moins en moins amusante.

– 159 –

34

Au volant d'une insignifiante Fiat noire, le chauffeur qui était venu chercher Mgr Aringarosa à l'aéroport se remémorait la glorieuse époque où tous les véhicules du Vatican étaient de grosses limousines luxueuses, arborant des médaillons chromés sur leur calandre et des portières ornées des armoiries du Saint-Siège. Le bon vieux temps. Les voitures de la cité vaticane étaient aujourd'hui beaucoup moins ostentatoires et presque toutes banalisées. Le Vatican prétendait que cette économie était destinée à mieux répartir les crédits dans les diocèses du monde catholique, mais en prenant place dans la modeste berline, Aringarosa présuma qu'il s'agissait plutôt d'une mesure de sécurité. Le monde était devenu fou, et dans bien des régions d'Europe, afficher sa foi en Jésus-Christ revenait à peindre une cible sur la carrosserie.

Resserrant sa soutane noire, il s'installa sur la banquette arrière. Il se rendait à Castel Gandolfo, comme il l'avait fait cinq mois auparavant.

Ce voyage de l'an dernier... , soupira-t-il. La nuit la plus longue de toute ma vie.

La curie romaine l'avait appelé à New York pour lui demander de se présenter de toute urgence à Rome, sans lui fournir d'explication. « Vous trouverez votre billet à l'aéroport.

» Le Saint-Siège se donnait beaucoup de mal pour recouvrir d'un voile de mystère tout ce qui concernait les membres supérieurs de son clergé.

Aringarosa soupçonnait que cette convocation était due au souhait du Vatican de s'approprier l'un des récents symboles de puissance de l’Opus Dei - qui venait d'inaugurer son nouveau siège new-yorkais. Architectural Digest avait salué en cet édifice

« un flambeau du catholicisme, parfaitement intégré à son environnement moderne », et ces derniers temps, le Vatican désirait offrir de lui l'image la plus moderne possible.

Aringarosa ne pouvait qu'accepter l'invitation, même à contrecœur. Il avait très peu de sympathie pour l'administration papale actuelle du Saint-Siège et, comme tous les

– 160 –

traditionalistes, il avait suivi avec une grande inquiétude, dès la première année, l'installation du pape fraîchement élu dans ses nouvelles fonctions. Un libéral comme Rome n'en avait jamais connu, Sa Sainteté devait son élection au conclave le plus insolite et le plus controversé de l'histoire du Vatican. Au lieu de manifester de l'humilité devant sa nomination inattendue, le nouveau pape n'avait pas perdu une seconde pour tirer profit de sa fonction suprême. Il avait encouragé l'inquiétant vent de libéralisme qui soufflait sur le collège des cardinaux et déclaré que sa mission consistait à « rajeunir la doctrine du Vatican et à moderniser le catholicisme à l'entrée du troisième millénaire ».

Pour Mgr Aringarosa, ces déclarations signifiaient clairement que le souverain pontife était assez arrogant pour croire qu'il pouvait réécrire les lois divines. Avec l'objectif illusoire de regagner l'adhésion des âmes qui s'étaient détachées d'un catholicisme qu'elles trouvaient inadapté au monde moderne.

Mgr Aringarosa n'avait cessé d'user de son influence -

confortée par la force de persuasion du copieux compte en banque de l’Opus Dei - pour persuader le Saint-Père qu'alléger les contraintes du Dogme n'était pas seulement une hérésie ou une lâcheté, mais aussi un véritable suicide politique. Il avait insisté sur le fiasco du concile de Vatican II, qui n'avait servi qu'à vider les églises, réduire les contributions au denier du culte, et tarir la source des vocations. On manquait de prêtres dans tous les diocèses du monde.

« Les croyants attendent de leur Église qu'elle les encadre et les dirige - pas qu'elle les cajole et cède à tous leurs caprices

», répétait-il inlassablement.

Le jour de sa convocation par le Saint-Siège cinq mois plus tôt, l'évêque espagnol avait été surpris de constater que son taxi ne se dirigeait pas vers le Vatican, mais qu'il contournait la capitale et s'engageait sur une route de montagne sinueuse.

— Où m'emmenez-vous ? avait-il demandé.

— À Castel Gandolfo. C'est là que vous êtes attendu, monseigneur.

La résidence d'été du pape ? Sans y être jamais allé, Aringarosa savait que la villa pontificale abritait aussi la Spécula

– 161 –

Vaticana, l'observatoire d'astronomie du Vatican, qui passait pour l'un des plus sophistiqués d'Europe. Il n'avait jamais été très à l'aise avec les prétentions scientifiques de l'administration papale. Quels liens pouvait-il y avoir entre la science et la foi ?