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— À dire vrai, je ne vois pas de lien entre cette clé et le Graal.

— Parce qu'il est censé se trouver en Angleterre ?

— Pas seulement. Son emplacement est le secret le mieux gardé de l'Histoire. Les membres du Prieuré doivent faire leurs preuves pendant plusieurs dizaines d'années avant d'accéder aux échelons supérieurs de la hiérarchie, et d'être mis dans la confidence. Le secret est protégé par un système compliqué de cloisonnement de l'information, et même si le Prieuré compte de nombreux membres, seuls quatre d'entre eux connaissent la cachette : le Grand Maître et ses trois sénéchaux. Il n'y a qu'une très mince probabilité pour que Jacques Saunière ait été l'un d'eux...

Il en était, pensa Sophie en appuyant sur l'accélérateur. Une image gravée dans sa mémoire prouvait formellement la position qu'occupait son grand-père dans la société secrète.

— Et quand bien même il en aurait été l'un des dirigeants, continua Langdon, il n'aurait pas été autorisé à communiquer ce secret à un étranger. Le Prieuré ne laisse jamais un profane pénétrer dans le cercle restreint des initiés.

Si, moi, au moins une fois.

Elle se demandait si c'était le moment de parler à Langdon de la scène à laquelle elle avait assisté dans le sous-sol du château normand. Depuis dix ans maintenant, ce souvenir lui inspirait une telle honte qu'elle n'en avait jamais parlé à

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personne. Elle frémit à sa seule évocation. Des sirènes se firent entendre au loin et elle se sentit soudain envahie d'une grande lassitude.

Ils descendaient l'avenue Kléber.

— Voilà la rue de Longchamp, cria Langdon, qui n'arrivait plus à contenir son excitation.

Elle bifurqua sur la gauche.

— Surveillez les numéros pendant que je cherche à me garer, dit-elle. On y est bientôt.

Le numéro 24, se disait Langdon, en se rendant compte qu'il levait instinctivement les yeux à la recherche d'un clocher d'église. Ne sois pas ridicule, Robert. Une église des Templiers oubliée dans ce quartier ?

— Voilà ! s'exclama Sophie.

Il suivit son regard. C'était un bâtiment moderne, une citadelle trapue et anguleuse, dont le haut de la façade était décoré d'une unique croix grecque en tubes de néon rouge, surmontant l'inscription :

BANQUE ZURICHOISE DE DÉPÔT

Langdon fut soulagé de ne pas avoir mentionné son hypothèse. L'une des déformations professionnelles des spécialistes de symboles était de chercher un sens caché dans des situations qui n'en renfermaient pas. Il avait oublié que la croix aux quatre branches égales avait été adoptée par la Suisse pour orner son drapeau.

Cela faisait au moins un mystère de résolu.

Lui et Sophie détenaient la clé d'un coffre à numéro.

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41

En descendant de la Fiat arrêtée devant l'entrée de Castel Gandolfo, Mgr Aringarosa fut surpris par un courant d'air ascendant qui balayait le haut de la falaise. J'aurais dû mieux me couvrir, pensa-t-il en luttant contre les frissons. Le moindre signe de faiblesse ou d'appréhension était ce soir à éviter.

Le château était plongé dans l'obscurité, sauf quelques fenêtres éclairées au dernier étage. La bibliothèque. Il courba la tête dans le vent sans même jeter un coup d'œil aux dômes de l'observatoire.

Le même petit jésuite l'accueillit à la porte. Il avait l'air endormi et se montra nettement moins aimable que lors de la précédente visite de l'évêque.

— Nous commencions à nous demander ce qui vous était arrivé, dit-il en regardant sa montre d'un air plus ennuyé que véritablement inquiet.

— Je suis désolé, les avions sont de moins en moins fiables...

Le prêtre marmonna quelques mots inaudibles, avant d'ajouter :

— Ils vous attendent là-haut. Je vais vous accompagner.

La bibliothèque était une vaste pièce carrée, entièrement recouverte de boiseries, plafond compris. Sur tous les murs, d'imposants rayonnages débordaient de livres. Le sol dallé de marbre ambré avec sa frise de carreaux de basalte noir témoignait de la splendeur passée du palais.

Une voix grave résonna depuis le fond de la pièce:

— Bonsoir, monseigneur !

Aringarosa essaya de localiser la personne qui parlait, mais l'éclairage était ridiculement faible, comparé à l'illumination qui avait accueilli sa première visite. L'heure de la sombre vérité.

Ces messieurs étaient tapis dans l'ombre, comme s'ils avaient honte de leur mission.

Il s'avança d'un pas lent, presque royal et distingua les silhouettes de trois hommes, assis derrière une longue table qui

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occupait le fond de la pièce. Il reconnut au centre l'obèse secretarius vaticana, le grand responsable des affaires juridiques, flanqué de deux cardinaux italiens de la curie, et se dirigea vers eux.

— Je vous présente mes humbles excuses pour mon arrivée tardive... la différence de fuseaux horaires... vous devez être fatigués.

— Pas du tout, dit le secrétaire, les mains croisées sur son énorme ventre. C'est nous qui vous remercions d'être venu de si loin. Le moins que nous puissions faire était de rester éveillés.

Pouvons-nous vous offrir une tasse de café ?

— Je préfère éviter toute perte de temps. J'ai un avion à prendre. Si nous passions tout de suite à ce qui nous occupe ?

— Bien sûr. Vous avez été plus rapide que nous le pensions...

— Vraiment ?

— Vous aviez encore un mois devant vous...

— Votre avertissement date d'il y a cinq mois. Pourquoi attendre ?

— Certes. Nous sommes enchantés de votre diligence.

Le regard d'Aringarosa parcourut toute la longueur de la table avant de se poser sur un gros attaché-case noir.

— Je pense qu'il s'agit de ce que j'ai demandé ?

— Exactement.

Le prélat avait l'air mal à l'aise.

— Nous sommes toutefois quelque peu inquiets. Il nous semble que c'est très...

— Dangereux, finit l'un des cardinaux. Êtes-vous certain que nous ne pouvons pas vous adresser un virement quelque part ? Il s'agit d'une somme exorbitante.

La liberté se paie.

— Je n'ai aucune crainte pour ma sécurité. Dieu veille sur moi. Les trois hommes avaient l'air d'en douter.

— Je pense que vous avez respecté ma demande...

Le secrétaire hocha la tête.

— Des titres au porteur sur la Banque du Vatican, négociables partout dans le monde.

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Aringarosa marcha jusqu'à la valise et l'ouvrit. Deux épaisses liasses de titres en occupaient tout l'espace, gravés du sceau de la Banque du Vatican, et de la mention PORTATORE.

Le gros dignitaire avait l'air tendu.

— Je dois vous dire, reprit-il, que nous aurions préféré vous régler en argent liquide...

Je serais bien incapable de transporter une telle somme en cash, pensa l'évêque en refermant la valise.

— Ces titres sont négociables en liquide, comme vous venez de me le dire.

Après avoir échangé avec ses acolytes un regard gêné, le secrétaire insista :

— Certes, mais leur origine est facilement identifiable...

C'est précisément pour cette raison que le Maître avait exigé ce mode de paiement. Comme une sorte d'assurance.

Désormais, nous sommes tous impliqués dans ce marché.

— La transaction est parfaitement légale, objecta Aringarosa. L'Opus Dei est une prélature du Vatican, et le Saint-Père est seul juge de la répartition des subsides de l'Église.