Le prélat se pencha sur la table :
— C'est certain... mais nous n'avons aucun moyen de savoir ce que vous avez l'intention d'en faire, et s'il s'agit d'opérations tant soit peu illégales...
— Étant donné ce que vous m'avez imposé, coupa-t-il, vous n'avez plus aucun droit de regard sur l'utilisation de cet argent...
Il y eut un long silence.
Ils savent que j'ai raison.
Ils ne peuvent rien contre moi.
— Et maintenant, je pense que vous avez un document à me faire signer ?
Ils frissonnèrent tous les trois sur leur chaise, trop heureux de le voir quitter les murs du palais. Le secrétaire général tendit avec empressement une feuille de papier.
Aringarosa la parcourut des yeux. Elle portait le sceau papal.
— Elle est identique au texte que vous m'avez envoyé ?
— Exactement.
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Surpris de ne ressentir aucune émotion en signant un reçu à l'en-tête du Saint-Siège, l'évêque crut entendre soupirer à l'unisson les trois prélats assis en face de lui.
— Merci, monseigneur, fît le secrétaire du Vatican.
L'Église n'oubliera jamais le service que vous lui avez rendu.
Aringarosa s'empara de la valise, soupesant le pouvoir tout neuf que son contenu lui promettait Les quatre hommes échangèrent un regard, comme s'il restait quelque chose à dire, mais rien ne vint. Aringarosa tourna les talons et se dirigea vers la porte. Lorsqu'il arriva sur le seuil, l'un des cardinaux le rappela :
— Monseigneur !
— Oui ?
— Quelle est votre prochaine étape ? L'évêque était bien conscient que la question portait plus sur son avenir spirituel que sur sa destination géographique, mais il jugeait le moment bien mal choisi pour aborder pareil sujet.
— Paris ! lança-t-il en sortant de la pièce.
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La Banque Zurichoise de Dépôt accueillait ses clients à comptes numérotés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, leur offrant toute la diversité de services des banques suisses modernes. Dans ses succursales de Zurich, Kuala Lumpur, New York et Paris, elle proposait, depuis quelques années, des comptes bloqués à code informatique et sauvegarde anonyme digitalisée.
La source essentielle de ses revenus provenait, et de très loin, du plus traditionnel de ses services - le Lager anonyme -
également connu sous le nom de coffre-fort personnel. Les clients désireux d'y déposer toutes sortes d'objets, qu'il s'agisse de titres boursiers ou de tableaux de valeur, pouvaient le faire sans donner leur nom, grâce à une série de systèmes de sécurité, à toute heure du jour et de la nuit.
Sophie stoppa le taxi devant la banque, pendant que Langdon contemplait la façade austère du bâtiment, se disant que l'humour et la fantaisie ne devaient guère régner à l'intérieur de cet énorme pavé d'acier brossé, rectiligne et sans aucune ouverture, posé en retrait de la rue, qu'éclairaient les cinq mètres de néon rouge dessinant une croix suisse sur sa façade.
La garantie d'anonymat qu'offraient les banques suisses était depuis longtemps un formidable aimant pour les capitaux du monde entier. Mais ce genre d'institution faisait l'objet de controverses dans la communauté artistique internationale, car elles fournissaient aux voleurs d’œuvres d'art un moyen rêvé de cacher leur butin, au besoin pendant des années, jusqu'à ce qu'ils estiment qu'il n'était plus dangereux de chercher à le négocier. Les coffres de ces banques, protégés de la curiosité policière par la loi, ne portaient pas de nom mais un numéro, ce qui garantissait aux malfaiteurs qu'on ne pourrait jamais retrouver leur trace.
Sophie avança la voiture jusqu'au grand portail qui fermait l'accès carrossé au sous-sol de la banque. Au sommet de la
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grille, une caméra vidéo était braquée sur eux, et Langdon eut l'impression très nette qu'elle n'était pas factice.
Sophie baissa sa vitre devant la borne électronique qui se présentait du côté conducteur. Un écran digital donnait des instructions en sept langues, en commençant par l'anglais.
INSÉREZ VOTRE CLÉ
Langdon lui tendit la petite clé dorée. Un orifice triangulaire s'ouvrait au-dessous de l'écran.
— Quelque chose me dit que c'est bon, fit Langdon.
Elle enfonça la tige entière dans l'orifice. Il était apparemment inutile de la tourner, car les deux battants de la grille s'ouvrirent immédiatement. Sophie lâcha la pédale du frein et avança jusqu'à un deuxième portail, flanqué d'une deuxième borne affichant les mêmes instructions. Derrière eux, la première grille se referma, donnant à Langdon la désagréable sensation d'être pris au piège.
Il lutta contre sa sensation d'enfermement. Espérons que la seconde porte s'ouvre aussi.
INSÉREZ VOTRE CLÉ
La grille s'ouvrit dès que Sophie eut inséré la clé. Quelques instants plus tard, ils pénétraient dans le sous-sol de l'édifice, par un garage relativement petit et mal éclairé, qui pouvait accueillir une dizaine de voitures. Au centre du parking, un tapis rouge posé à même le sol en ciment conduisait à une énorme porte apparemment blindée.
Le message est ambigu, pensa Langdon. Soyez les bienvenus, mais n'entrez pas.
Sophie gara le taxi près de l'entrée et éteignit le moteur.
— Vous devriez peut-être laisser le pistolet ici. Avec plaisir.
Il le glissa sous son siège.
Ils remontèrent le tapis rouge jusqu'à la porte en acier. Pas de poignée, mais un orifice semblable aux deux précédents, sans aucune instruction cette fois.
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— De quoi décourager les mauvais élèves..., souffla Langdon.
Sophie lâcha un petit rire nerveux.
— Allons-y ! fit-elle en insérant la tige de la clé.
Avec un léger bourdonnement, le panneau métallique s'ouvrit vers l'intérieur. Ils franchirent le seuil en échangeant un regard, et la porte se referma derrière eux.
Ils se trouvaient dans un hall d'entrée qui, contrairement aux boiseries ou aux marbres habituels dans les banques, était entièrement tapissé de panneaux d'acier brossé rivetés aux murs.
— J'aimerais connaître leur décorateur, souffla Langdon.
Sophie était visiblement impressionnée. Le sol, les comptoirs, les portes et même les chaises, tout était revêtu du même métal que les murs. Le message était clair : « Vous entrez dans un coffre-fort. »
Derrière l'un des comptoirs, était assis un homme de forte carrure. Il éteignit son poste de télévision en les voyant entrer et leur adressa un sourire plein d'amabilité.
— Bonsoir ! Que puis-je pour vous ? demanda-t-il, mêlant l'anglais et le français d'une voix douce et courtoise, mal assortie à ses puissants pectoraux.
L'accueil bilingue était visiblement un geste commercial volontaire, destiné à mettre tous les clients à l'aise dès leur arrivée.
Sans dire un mot, Sophie posa la clé sous son nez.
L'homme se redressa immédiatement sur son siège.
— Très bien, madame. L'ascenseur est au fond. Je préviens tout de suite que vous arrivez.
— Quel étage?
Il la dévisagea avec étonnement.
— C'est votre clé qui l'indique automatiquement à l'ascenseur.
— Ah oui ! s'excusa-t-elle en souriant.
Le gardien les suivit des yeux jusqu'à ce qu'ils soient entrés dans la cabine. Dès la fermeture de la porte, il s'empara du téléphone, mais pas pour prévenir de l'arrivée imminente de
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deux clients, l'insertion de la clé dans le dispositif d'appel de l'ascenseur ayant déjà envoyé automatiquement le signal adéquat.
Il appelait le chef de l'équipe de nuit. En attendant la communication, il ralluma son téléviseur, qui répéta l'information qu'il venait d'entendre, ce qui lui permit de revoir les deux visages concernés.