Выбрать главу

Sophie observa très attentivement la double page.

— C'est là qu'on voit ce qu'est vraiment le Graal?

– 258 –

— Pas ce qu'il est, mais qui il est. Le Graal n'est pas une chose... c'est une personne.

– 259 –

56

Sophie dévisagea Teabing plusieurs secondes avant de se tourner vers Langdon :

— Le Saint-Graal est une personne ?

L'Américain hocha la tête.

— Oui, c'est même une femme.

Il lut dans ses yeux la même surprise que celle qui l'avait lui-même saisi la première fois qu'il avait entendu cette affirmation. Seule l'étude de la symbolique du Graal lui avait permis de comprendre son aspect féminin.

Teabing semblait avoir lui aussi constaté l'incrédulité de la jeune femme.

— Mon cher Robert, je crois que c'est maintenant à vous d'éclairer notre jeune novice.

Il se dirigeait vers une petite table, d'où il rapporta une feuille de papier qu'il déposa en face de son ami. Langdon sortit son stylo de sa poche.

— Dites-moi, Sophie, commença-t-il, vous connaissez sans doute les icônes modernes du masculin et du féminin ?

Il dessina les deux symboles : ♂ et ♀

— Oui, bien sûr.

— On pense souvent à tort que le symbole de l'homme représente un bouclier et une lance, et celui de la femme un miroir reflétant la beauté. Mais ils proviennent en fait de symboles astronomiques très anciens : ceux du dieu/planète Mars et de la déesse/planète Vénus, qui avaient autrefois une forme beaucoup plus simple.

Il traça un autre dessin sur le papier :

^

— Voici l'icône originale du masculin, une sorte de phallus stylisé.

— Quel réalisme !... dit Sophie.

— Si on veut..., fit Teabing.

– 260 –

Langdon reprit :

— On l'appelle la Lame. Elle représente l'agression et la virilité. Ce symbole phallique est encore utilisé comme insigne des grades militaires.

— Évidemment..., persifla Teabing, plus on a un grade élevé, plus on a un gros pénis. Les hommes seront toujours les hommes...

Langdon fit une grimace.

— Et comme on pouvait s'y attendre, l'icône de la féminité est son exact opposé. On l'appelle le Calice : V

Sophie leva vers lui un regard étonné. Elle avait compris.

— Le calice ressemble à une coupe, ou à un vase. Plus significatif, il symbolise l'utérus, emblème de féminité et de fécondité.

Il la regarda droit dans les yeux.

— Si la légende raconte que le Graal est un calice, c'est en fait une allégorie destinée à protéger sa véritable nature.

— C'est une femme..., conclut Sophie.

— Exactement. Le Graal est littéralement l'ancien symbole féminin, le Féminin sacré, la déesse, cette dimension religieuse perdue, éradiquée par l'Église. Les anciennes images sacrées du pouvoir procréateur de la femme représentaient une menace pour la puissance naissante d'une Église à prédominance masculine. Le Féminin sacré a donc été diabolisé, considéré comme impur. C'est l'homme, et non pas Dieu, qui a inventé le péché d'Eve, celle qui a croqué la pomme et provoqué la chute de l'humanité. La femme, autrefois donneuse de vie, est ainsi devenue l'ennemie de la foi.

— Je me permettrai d'ajouter, interrompit Teabing, que le concept de la femme comme source de vie était fondamental dans les religions anciennes ; Mais la philosophie chrétienne a détourné cette puissance créatrice au profit de l'homme, en occultant une réalité biologique. La Genèse nous dit qu'Eve a été créée à partir d'une côte d'Adam, rabaissant ainsi la femme au

– 261 –

rang de « sous-produit » de l'homme et, qui plus est, pécheresse. L'Ancien Testament sonne la fin du règne de la déesse.

— Le Graal, renchérit Langdon, symbolise la déesse perdue.

Les traditions païennes n'ont pas

disparu si rapidement avec la montée du christianisme. La quête du Graal perdu symbolise la recherche de l'ancien Féminin sacré. Le prétendu calice était pour les chevaliers du Graal un symbole-écran, un moyen de se protéger d'une Église qui avait banni la déesse, asservi la femme, brûlé les païens et les hérétiques.

— Mais je croyais que le Graal était un être humain ayant existé.

— C'en est un, ou plutôt une ! répliqua Langdon.

— Et pas n'importe laquelle ! lâcha Teabing en relevant péniblement de son fauteuil. Une femme détentrice d'un secret tellement grave que sa révélation menaçait de détruire les fondements de la chrétienté.

— Mais a-t-elle laissé une trace dans l'Histoire ? demanda Sophie, éberluée.

— Et comment ! s'exclama Teabing. Et maintenant, chers amis, si vous voulez bien me suivre dans mon bureau, je me ferai un honneur de vous montrer le portrait qu'en a fait Leonardo Da Vinci.

Il ramassa ses béquilles et se dirigea vers le hall d'entrée.

À quelques mètres de là, dans sa cuisine, Rémy Legaludec regardait à la télévision une chaîne d'informations qui diffusait les photos d'un homme et d'une femme... ceux-là mêmes auxquels il venait de servir le thé.

– 262 –

57

L'inspecteur Collet faisait le planton devant la Zurichoise de Dépôt, se demandant pourquoi le commissaire Fache tardait tant à arriver avec le mandat de perquisition. Les employés de la banque cachaient de toute évidence quelque chose. Ils prétendaient que Robert Langdon et Sophie Neveu s'étaient effectivement présentés à l'accueil au début de la nuit, mais n'avaient pas pu y entrer, faute des éléments d'identification nécessaires.

Dans ce cas, pourquoi refusent-ils de nous laisser entrer ?

La sonnerie de son portable retentit enfin. C'était un des policiers restés au PC du Louvre.

— Est-ce qu'on a le mandat de perquisition? demanda Collet.

— Vous pouvez laisser tomber la banque. On vient d'avoir un tuyau sur l'endroit où se trouvent Langdon et Neveu.

Collet tomba assis de tout son poids sur le capot de sa voiture.

— Vous plaisantez ?

— J'ai une adresse en banlieue. Quelque part près de Versailles.

— Est-ce que le commissaire Fache est au courant ?

— Je n'ai pas encore réussi à le joindre. Sa ligne est occupée.

— Donnez-moi l'adresse. Je file là-bas. Dites à Fache de m'appeler dès qu'il le pourra.

Il nota les coordonnées et sauta dans sa voiture. Il avait déjà démarré quand il s'aperçut qu'il n'avait même pas demandé comment on avait obtenu l'information. Peu lui importait, d'ailleurs. Il avait enfin une chance de rattraper ses gaffes précédentes en effectuant la plus belle arrestation de sa carrière.

Il envoya un message radio aux cinq véhicules qui le suivaient.

— Pas de sirènes, les gars. On ne va quand même pas les prévenir de notre arrivée...

– 263 –

À quarante kilomètres de là, une Audi noire se garait au bord d'un champ, en contrebas d'une petite route départementale. Silas sortit de la voiture et contempla derrière la clôture le vaste parc au fond duquel un château luisait dans le clair de lune.

Toutes les lumières du rez-de-chaussée étaient allumées.

Inhabituel à cette heure, se dit-il avec un sourire. Les indications que lui avait données le Maître s'étaient avérées d'une parfaite exactitude. Je ne quitterai pas cette maison sans la clé de voûte, se jura-t-il. Le Maître et Mgr Aringarosa peuvent compter sur moi.

Il vérifia le chargeur de son Heckler & Koch à treize coups avant de le lancer par-dessus la clôture. Puis, prenant appui sur ses deux bras, il enjamba la barrière, sans prêter attention aux éraflures que le cilice creusait dans sa cuisse. Il ramassa son arme et commença à remonter la pelouse.