— Vous avez été sauvé par un chevalier brandissant son Excalibur orthopédique...
Hein ? Langdon essaya de se redresser.
— Attendez encore un peu, Robert, murmura Sophie d'une voix douce, une main fermement posée sur son front.
– 307 –
— Je crois avoir démontré à votre jeune amie les bienfaits collatéraux de mon infirmité. On est toujours sous-estimé !
Les yeux rivés sur le moine, Langdon essayait d'imaginer ce qui s'était passé.
— Il portait un cilice, expliqua Teabing.
— Un quoi ?
— Parfaitement, répliqua Teabing, en désignant sur le sol une sorte de ceinture de cuir garnie de pointes ensanglantées.
Autour de la cuisse. Je n'ai pas trop mal visé.
Langdon se frotta le crâne.
— Mais... comment le saviez-vous ?
— Mon cher Robert, je suis un spécialiste de l'histoire de la chrétienté, et il y a des sectes qui sont particulièrement démonstratives... oserais-je dire.
— L’Opus Dei, murmura Langdon, se souvenant d'un fait divers récemment relaté dans la presse.
Trois hommes d'affaires de Boston en vue avaient été accusés, par quelques collègues inquiets, de porter un cilice sous leur costume trois-pièces. Les soupçons s'étaient révélés faux, car il ne s'agissait que de trois surnuméraires de l’Opus Dei qui ne pratiquaient pas la mortification corporelle. Ils n'étaient en fait que des catholiques fervents, suivant de très près l'éducation de leurs enfants, et membres dévoués de leur paroisse. Les médias en avaient évidemment profité pour s'attarder sur la description des habitudes plus choquantes - et donc plus vendeuses - de leurs frères numéraires... dont faisait certainement partie le moine allongé sur le parquet de Teabing.
Le Britannique examinait de près la ceinture barbelée.
— Mais pourquoi diable l’Opus Dei serait-il à la recherche du Graal ?
Langdon était trop sonné pour réfléchir à la question.
— Robert, demanda Sophie en se dirigeant vers le coffret.
Qu'est-ce que c'est que ça ?
Elle tenait à la main la petite rose qui s'était détachée du couvercle.
— Elle recouvrait un texte gravé sur le couvercle. On devrait pouvoir y trouver le mot de passe qui ouvre le cryptex.
– 308 –
Avant que Sophie ou Teabing aient eu le temps de réagir, la lueur bleue de gyrophares, accompagnée d'un hurlement de sirènes, surgit au bas de la colline, remontant la longue allée.
Teabing fronça les sourcils.
— Mes chers amis, il me semble que nous avons une décision à prendre. Et ce, sans perdre de temps...
– 309 –
66
L'arme au poing, Collet et ses agents enfoncèrent la porte d'entrée du château. Ils se déployèrent en éventail pour inspecter toutes les pièces du rez-de-chaussée. Les policiers trouvèrent dans le salon un projectile dans le plancher, des traces de lutte, une petite flaque de sang, une curieuse ceinture de cuir à pointes de métal et un rouleau de ruban adhésif entamé. Mais pas âme qui vive, dans aucune des pièces.
Au moment où l'inspecteur allait envoyer ses hommes au sous-sol et dans le parc, il entendit des voix au premier étage.
— Ils sont là-haut !
Ils se précipitèrent dans l'escalier, fouillèrent les corridors et une enfilade de chambres obscures, se rapprochant des voix, qui semblaient venir de la dernière pièce, située au fond d'un immense couloir. Les policiers avançaient lentement, bloquant toutes les issues possibles.
La porte était grande ouverte. Les voix s'étaient soudain tues, remplacées par le ronronnement d'un moteur.
Collet donna le signal de l'assaut. S'engageant dans l'embrasure, il trouva le bouton électrique et alluma la lumière.
Suivi de ses hommes, il pivota rapidement sur lui-même et poussa un cri, l'arme dirigée vers... rien.
Une magnifique chambre d'amis. Déserte.
Le grondement d'un moteur de voiture sortait d'un tableau électronique noir, accroché au mur près du lit, identique à ceux qu'il avait vus dans les autres chambres. Un système d'interphone. Il s'y précipita. Le panneau comportait une douzaine de boutons surmontés chacun d'une étiquette.
BUREAU... CUISINE... BUANDERIE... CELLIER...
— D'où vient ce bruit de voiture ?
CHAMBRE SIR LEIGH... SOLARIUM... GRANGE...
BIBLIOTHÈQUE...
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La grange ! En moins de trente secondes il avait atteint le pied de l'escalier. Empoignant par le bras un de ses hommes, il sortit en courant, fit le tour du château, traversa la pelouse arrière, et arriva hors d'haleine à la porte d'un vieux bâtiment de pierre grise. Avant même d'entrer, Collet entendit derrière la porte un bruit de moteur qui s'éloignait. Il tira son arme, se rua à l'intérieur et enfonça l'interrupteur.
La partie droite de la grange hébergeait un atelier rudimentaire - tondeuses à gazon, outils de mécanicien et de jardinage. Sur le panneau d'interphone accroché au mur, l'un des interrupteurs était baissé :
CHAMBRE D'AMIS II.
Collet fît volte-face, la rage au ventre. Ils nous ont attirés au premier étage. Il alla inspecter l'aile gauche de la grange, où s'alignaient des stalles d'écuries. Sans chevaux. Le propriétaire les avait converties en boxes pour y loger ses voitures. Le parc automobile était impressionnant : une Ferrari noire, une splendide Rolls-Royce flambant neuve, un coupé Aston Martin de collection, et une Porsche 356.
La dernière stalle était vide, le sol maculé de taches d'huile.
Ils ne pourront pas quitter la propriété. L'entrée de l'allée était barricadée par deux voitures de police.
— Inspecteur ? appela son compagnon, en montrant du doigt le fond du dernier box.
Derrière la grange, au-delà de la porte grande ouverte, on apercevait une côte boueuse.
Collet se précipita dehors mais ne put discerner qu'une forêt au loin. Ni phares, ni feux arrière. La vallée boisée était probablement sillonnée par un réseau de chemins forestiers et de pistes pour la chasse, mais Collet était certain que les fugitifs ne pourraient pas traverser un terrain aussi accidenté.
— Envoyez quelques hommes là-bas, ordonna-t-il. Ils sont peut-être déjà embourbés quelque part.
Ces petites voitures de sport, ça ne vaut rien sur ce type de terrain...
– 311 –
— Mais...?
Le policier montra du doigt un panneau de bois où étaient accrochées des clés de voiture, sous des étiquettes d'identification.
FERRARI... ROLLS... ASTON MARTIN... PORSCHE...
Le dernier crochet était vide. En lisant l'étiquette correspondante, Collet comprit que ses problèmes ne faisaient que commencer.
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67
Le Range Rover était un Java Black Pearl à quatre roues motrices, transmission manuelle, phares en polypropylène, grilles de protection pour feux arrière, et conduite à droite.
Langdon était heureux de ne pas être au volant.
Sous la direction de Teabing, Rémy manœuvrait à merveille, avec le clair de lune pour seul éclairage, dans la descente à travers champs. Il venait de franchir une butte de terre tous feux éteints et dévalait maintenant une longue pente qui les éloignait du château. Il semblait se diriger vers la silhouette d'un bois qu'on devinait au loin.
Tenant à deux mains le coffret sur ses genoux, Langdon se retourna vers Teabing et Sophie, assis sur la banquette arrière.
— Comment va votre tête ? lui demanda Sophie d'une voix inquiète.
Il lui renvoya un sourire forcé.
— Beaucoup mieux.
Il avait affreusement mal.
Teabing se retourna vers l'albinos ligoté, roulé en boule dans le coffre derrière lui. Il se rassit bien droit, l'arme du moine posée sur les genoux, comme un chasseur de safari posant avec son trophée pour une photo souvenir.