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— Puis-je demander à Monsieur, interrogea soudain le domestique, s'il a l'intention de

s'installer définitivement en Angleterre ?

— Ne vous inquiétez pas, Rémy. Si je préfère retourner vivre chez la reine, je n'ai aucune envie d'infliger à mon palais un régime saucisses-purée pour le restant de mes jours. Je compte bien que vous accepterez de demeurer à mon service.

J'ai jeté mon dévolu sur une superbe villa dans le Devon et nous allons immédiatement y faire expédier nos affaires. L'aventure, Rémy, l'aventure !

Langdon ne put s'empêcher de sourire. En écoutant Teabing se répandre sur les détails de son retour triomphal dans son pays, il se sentit gagné par son enthousiasme.

Il contemplait distraitement par sa fenêtre les arbres qui défilaient, leurs troncs blanchâtres sous les faisceaux des phares. Dans le rétroviseur que les branches basses avaient rabattu, il regarda longuement Sophie, assise en silence sur la

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banquette arrière. Malgré tous ses ennuis, il était finalement bien content d'être en aussi bonne compagnie.

Comme si elle se savait regardée, elle se pencha vers lui et lui posa les deux mains sur les épaules :

— Comment ça va ?

— Pas trop mal.

Elle se renversa sur le dossier de la banquette arrière, un léger sourire aux lèvres. Il se rendit compte qu'il souriait aussi.

Plié en deux dans le coffre du 4 x 4, Silas pouvait à peine respirer. Il avait les deux bras attachés aux chevilles derrière son dos, avec de la ficelle de cuisine et du Chatterton. La moindre bosse de la route se répercutait douloureusement sur ses épaules écartelées. Ses ravisseurs lui avaient au moins enlevé son cilice. Mais le Chatterton collé en travers de sa bouche l'empêchait de respirer autrement que par ses narines, lesquelles étaient encombrées par la poussière du coffre où on l'avait confiné. Il fut saisi d'une quinte de toux.

— Je crois qu'il étouffe, fit le chauffeur, inquiet. L'Anglais qui l'avait frappé avec sa béquille se retourna vers lui et le regarda froidement.

— Heureusement pour vous, les Britanniques ne jugent pas la courtoisie d'un homme sur sa délicatesse envers ses amis, mais sur la compassion dont il sait faire preuve pour ses ennemis.

Il plongea une main derrière la banquette et décolla sans ménagement le Chatterton de la bouche de Silas.

Ce dernier avait les lèvres en feu, mais l'air qui entra dans ses poumons semblait envoyé par Dieu.

— Pour qui travaillez-vous ? lui demanda l'Anglais.

— J'accomplis l'œuvre de Dieu, articula-t-il péniblement, entre ses mâchoires endolories par le coup de pied de la femme.

— Vous appartenez à l’Opus Dei. Ce n'était pas une question.

— Vous ignorez tout de moi, fit Silas.

— Pourquoi l’Opus Dei veut-il s'emparer de la clé de voûte ?

Silas n'avait pas l'intention de répondre. La clé de voûte conduisait au Saint-Graal, et sa possession était nécessaire à la protection de la foi.

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J'accomplis l'œuvre de Dieu. La Voie est en péril.

Il fut soudain saisi de crainte à l'idée d'avoir failli à la mission que lui avaient confiée le Maître et Mgr Aringarosa. Il n'avait aucun moyen de les avertir du cours catastrophique des événements. La clé de voûte est entre les mains de mes ravisseurs. Ils trouveront le Graal avant nous !

Dans l'obscurité étouffante, Silas se mit à prier, forçant ses douleurs à appuyer sa supplique.

Un miracle, Seigneur ! Faites un miracle !

Il ne pouvait savoir qu'il en obtiendrait un, quelques heures plus tard.

— Robert ? demanda Sophie. Je viens de vous voir faire un drôle de sourire...

Il se retourna vers elle et se rendit compte que son cœur battait plus vite. Il venait d'avoir une curieuse idée.

L'explication pourrait-elle être aussi simple ?

— Pourriez-vous me prêter votre téléphone portable?

— Tout de suite ?

— Je viens de penser à quelque chose...

— Quoi?

— Je vous en parlerai dans une minute. Passez-le-moi, s'il vous plaît.

Elle était perplexe :

— J'espère que Fache ne m'a pas mise sur écoute... Tâchez quand même que cela ne dure pas plus d'une minute... au cas où. Elle lui tendit son téléphone.

— Comment je fais pour appeler les États-Unis ?

— Double zéro. Mais il faut que vous appeliez en PCV. Je n'ai pas l'international.

Langdon composa son numéro, en se disant que les soixante secondes qui allaient suivre répondraient peut-être à la question qui le préoccupait depuis le début de la nuit.

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L'éditeur new-yorkais Jonas Faukman venait de se mettre au lit quand la sonnerie du téléphone retentit . Il est un peu tard pour appeler ! grommela-t-il en décrochant.

Un opérateur était au bout du fil.

— Acceptez-vous un appel en PCV de Robert Langdon ?

Désemparé, Jonas alluma sa lampe.

— Euh... oui, bien sûr. Un déclic.

— Jonas ?

— Vous me réveillez, Robert, et en plus vous me faites payer la communication !

— Pardonnez-moi. Je vais être bref, mais il faut absolument que je sache quelque chose. Ce dernier manuscrit que je vous ai remis, est-ce que...

— Je suis désolé, Robert. Je vous avais dit que je vous enverrais les épreuves cette semaine, mais j'ai été débordé.

Lundi sans faute. C'est promis.

— Je me fiche des épreuves. Est-ce que vous en avez envoyé des extraits à d'autres éditeurs, ou auteurs, sans m'en parler ?

Faukman hésita un instant. Le dernier manuscrit de Langdon - une étude sur le culte de la déesse - comportait plusieurs chapitres consacrés à Marie Madeleine, qui allaient faire du bruit. Même s'il s'agissait d'un travail très sérieusement documenté et déjà traité par d'autres auteurs, l'éditeur voulait s'assurer l'aval d'un certain nombre d'historiens et de sommités du monde des arts avant de le publier. Il avait sélectionné une dizaine de spécialistes auxquels il avait envoyé quelques extraits du manuscrit de Langdon, avec une lettre leur demandant une ou deux phrases de commentaire pour la quatrième de couverture. Son expérience lui avait appris que la plupart des écrivains sautent toujours sur la moindre occasion de voir leur nom imprimé.

— Répondez-moi, Jonas, insistait Langdon, à qui avez-vous envoyé mon manuscrit ?

Faukman haussa les sourcils, devinant que Langdon était plutôt fâché.

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— Il était parfait, Robert, bredouilla-t-il. Je voulais vous faire la surprise d'une dizaine de signatures...

— En avez-vous envoyé un exemplaire au conservateur en chef du Louvre ?

— Pour qui me prenez-vous ? Vous faites plusieurs fois référence à ses collections, vous citez ses livres dans votre bibliographie, et c'est un monsieur qui pèse lourd dans les ventes à l'étranger. Ce n'était pas sorcier de penser à lui... Il y eut un long silence au bout du fil.

— Quand le lui avez-vous envoyé ? demanda enfin Langdon.

— Il y a un mois environ. J'ai également évoqué votre prochain séjour à Paris, en suggérant que vous pourriez vous rencontrer. Est-ce qu'il vous a contacté ? Attendez ! Ce n'est pas cette semaine que vous deviez être à Paris ?

— Je suis à Paris.

— Et vous m'appelez en PCV de là-bas ?

— Vous déduirez ça de mes droits d'auteur, Jonas. Et Saunière vous a-t-il répondu ? Qu'est-ce qu'il a pensé du manuscrit ?

— Je ne sais pas. Je n'ai pas eu de nouvelles.