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En plaquant l'incrustation à l'envers contre la lampe, elle constata qu'elle ne s'était pas trompée. Le rayon lumineux traversait le mince placage de bois et le texte apparut.

Instantanément lisible.

— Et c'est de l'anglais ! maugréa Teabing, la tête basse. Ma langue natale...

Au fond de la carlingue, Rémy Legaludec prêtait l'oreille pour essayer d'entendre la conversation. Mais le bruit du moteur était trop fort. La tournure que prenaient les événements ne lui disait rien qui vaille. Rien du tout. Il baissa les yeux sur le moine ligoté à ses pieds. L'albinos était parfaitement calme, comme résigné à son sort - à moins qu'il ne fût en train de prier pour sa délivrance.

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À cinq mille mètres d'altitude, Langdon avait l'impression que la réalité physique s'était évanouie. Toutes ses pensées convergeaient vers le poème de Jacques Saunière qui se détachait en lettres lumineuses contre le faisceau de l'applique murale.

Sophie ne mit pas longtemps à trouver une feuille de papier sur laquelle elle entreprit de copier le texte. Lorsqu'elle eut terminé, ils lurent tour à tour le poème.

Dans un vieux mot de sagesse est la clé

Qui réunit sa famille éclatée

La tête bénie par les Templiers

Avec Atbash vous sera révélée

Il rappelait vaguement une série de définitions de mots croisés archéologiques... mais de la justesse des réponses dépendait l'ouverture du cryptex. Langdon le parcourut lentement des yeux.

Dans un vieux mot de sagesse est la clé... qui réunit sa famille éclatée... la tête bénie par les Templiers... avec Atbash vous sera révélée.

Avant d'avoir eu le temps de penser au mot de passe ancestral que pouvait receler ce quatrain, il sentit quelque chose de beaucoup plus fondamental résonner en lui. La métrique du poème. Des pentamètres iambiques.

Il avait rencontré cette forme à diverses reprises, à l'époque, pas plus tard que l'année précédente, où il menait des recherches sur des confréries occultes, lors d'une enquête dans les archives secrètes du Vatican. Pendant des siècles, le pentamètre iambique avait été la forme poétique préférée des lettrés du monde entier, qu'il s'agisse d'Archiloque, de Shakespeare, de Milton, de Chaucer ou encore de Voltaire. Ces visionnaires avaient choisi de s'exprimer dans une métrique dont beaucoup pensaient, autrefois, qu'elle avait un pouvoir

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mystique. Les racines du pentamètre iambique étaient profondément païennes.

L'iambe. Deux syllabes à l'accentuation alternée. Un accent tous les deux temps. Le Yin et le Yang. Un couple de contraires qui s'équilibrent. Regroupés par série de cinq. Le pentamètre.

Cinq, comme le pentacle de Vénus et le Féminin sacré.

— Ce sont des pentamètres ! explosa Teabing. Comme chez les poètes anglais ! La lingua pura !

Langdon acquiesça. Le Prieuré, comme tant de sociétés secrètes européennes opposées à l'Église, avait considéré l'anglais, pendant des siècles, comme la seule langue européenne pure. À la différence du français, de l'espagnol et de l'italien, toutes dérivées du latin - la langue du Vatican -, l'anglais était linguistiquement préservé de la machine de propagande de l'Eglise romaine, et c'est pourquoi elle était devenue une langue sacrée et secrète dans les Fraternités assez savantes pour l'apprendre.

Teabing bouillonnait d'enthousiasme :

— Ce poème ne fait pas seulement référence au Saint-Graal, mais aux Templiers et à la famille éclatée de Marie Madeleine...

Que rêver de plus ?

— Un mot de passe ! répliqua Sophie. Il nous reste tout de même à identifier ce « vieux mot de sagesse ».

— Abracadabra ? suggéra Teabing avec un regard malicieux.

Un mot de cinq lettres, songeait Langdon, en évoquant la myriade de possibilités que pouvait offrir le vocabulaire de la philosophie, de l'alchimie, des proverbes et dictons, des grands courants mystiques, des différentes liturgies religieuses, du rituel des sociétés secrètes, des incantations de Wicca, des mantras païens, de l'astrologie et autres arts divinatoires... la liste était sans fin.

— Un mot de passe qui semble aussi lié aux Templiers, insista Sophie, relisant le troisième vers à voix haute : La tête bénie par les Templiers...

— Mon cher Leigh, c'est vous le spécialiste, suggéra Langdon.

Teabing poussa un soupir avant de se lancer :

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— Une tête bénie... Il s'agit sans doute d'une effigie funéraire, que vénéraient les Templiers sur la tombe de Marie Madeleine. Ce qui d'ailleurs ne nous avance pas beaucoup, étant donné que nous ignorons justement son emplacement...

— Le dernier vers parle d'une révélation par Atbash, dit Sophie. J'ai déjà entendu ce mot...

— Rien d'étonnant, répliqua Teabing. Vous avez dû l'apprendre en première année de fac. Le chiffre Atbash est l'un des codes les plus anciens de l'histoire.

Mais bien sûr, se dit Sophie. Le fameux système de cryptographie hébreu.

La jeune fille avait été initiée au code Atbash au début de ses études. Inventé par la Cabale dès le V e siècle avant Jésus-Christ, il était présenté aux étudiants comme exemple type de chiffrage par substitution rotatoire. Il consistait tout simplement à remplacer la première des vingt-deux lettres de l'alphabet hébreu par la dernière, la deuxième par l'avant-dernière, et ainsi de suite.

— L'Atbash est merveilleusement adapté à notre sujet, ajouta Teabing. On trouve des textes cryptés en Atbash dans toute la Cabale, dans Les Manuscrits de la mer Morte, et même dans l'Ancien Testament, où certains mystiques et chercheurs israélites découvrent encore de nouvelles significations cachées.

Il est donc tout à fait logique que le Prieuré Tait aussi utilisé.

— Le seul problème, fît remarquer Langdon, c'est que nous ne savons pas à quoi l’appliquer...

Teabing poussa un soupir.

— Il doit y avoir un mot codé sur cette stèle. C'est lui qu'il faut trouver.

À la mine renfrognée de Langdon, Sophie devina que ce ne serait sûrement pas une mince affaire.

Atbash est peut-être la clé, se dit-elle, mais où trouver la porte qu'elle ouvre ?

Après trois minutes de silence songeur, Teabing secoua la tête :

— Mes chers amis, je suis complètement sec ! Je vais réfléchir à tout ça en allant chercher de quoi nous sustenter - et

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voir ce que deviennent mon domestique et notre invité, s'exclama-t-il en se dirigeant vers l'arrière de l'avion.

Sophie le suivit d'un regard las.

Il faisait encore nuit noire dehors. Elle avait l'impression d'avoir été projetée dans l'espace sans savoir où elle allait atterrir. Et l'expérience qu'elle avait des énigmes de son grand-père lui faisait pressentir que ce poème devait contenir une information qu'ils n'avaient pas encore découverte.

Il y a autre chose. Un autre sens... astucieusement dissimulé... mais présent malgré tout.

Ce qui l'inquiétait plus que tout, c'était la pensée que le contenu du cryptex ne se réduise nullement à une carte géographique indiquant remplacement du Graal. Teabing et Langdon semblaient très confiants, mais Sophie avait une expérience suffisante des chasses au trésor imaginées par son grand-père pour savoir qu'il ne lâchait pas aussi facilement ses secrets...