— Nous ne pouvons pas vous laisser partir, déclara le policier. Veuillez, je vous prie, retourner tous les deux dans l'appareil. La police française doit atterrir d'une minute à l'autre.
Teabing se tourna vers Edwards.
— Écoutez, mon cher Simon, tout cela est parfaitement ridicule ! Nous n'avons personne à bord. Il n'y a que le pilote, mon domestique et moi. Peut-être pourriez-vous faire fonction d'intermédiaire, et aller vérifier par vous-même.
Edwards se savait piégé.
— Effectivement je peux monter regarder...
— Pas question ! coupa l'inspecteur, apparemment au courant des dérogations accordées par les petits aéroports privés.
Simon Edwards n'aurait pas hésité à mentir pour éviter de perdre un client.
— C'est moi qui vais y aller, ajouta-t-il.
– 370 –
Teabing secoua vigoureusement la tête.
— Certainement pas. Cet avion est une propriété privée et, tant que vous n'aurez pas de mandat de perquisition, vous ne monterez pas à bord. Je vous propose un compromis raisonnable. M. Edwards peut très bien procéder à la fouille.
— Je refuse. Teabing se fit glacial.
— Désolé, inspecteur, mais je n'ai aucune raison de céder à vos caprices. Vous m'avez déjà assez retardé, et je dois partir. Si vous tenez absolument à m'en empêcher, il va falloir me tirer dessus.
Là-dessus, il prit Rémy par le bras et l'entraîna vers sa Jaguar.
Le policier ne ressentait que de l'aversion pour Leigh Teabing qui passa devant lui en le narguant. Ces privilégiés se croyaient toujours au-dessus des lois !
Ils ne le sont pas. Il se retourna, visant le dos de l'historien.
— Arrêtez-vous, ou je tire ! hurla-t-il.
— Allez-y ! cria Teabing sans ralentir le pas, ni même se retourner. Mes avocats se feront un plaisir de s'occuper de vous personnellement lors du procès. Sans parler de ce qui vous attend si vous osez perquisitionner mon avion sans mandat.
L'inspecteur britannique ne craignait pas les épreuves de force. Il n'avait certes pas de mandat mais l'avion venait de France et le commissaire Fache lui avait délégué ses pouvoirs. Il servirait certainement mieux sa carrière en allant inspecter l'intérieur de cet avion et en découvrant ce que Teabing tenait tant à cacher à la police.
— Arrêtez-les ! ordonna-t-il à ses hommes. Je fouille l'avion
! Les policiers se lancèrent, prêts à tirer, derrière les deux fuyards et les encerclèrent avant qu'ils aient pu atteindre la voiture.
— Dernier avertissement ! cria Teabing en se retournant. Si vous montez dans cet avion, vous le regretterez amèrement.
Le brigadier brandit son arme et avança vers l'escalier. Une fois arrivé en haut, il commença par jeter un coup d'œil circulaire à l'intérieur de l'appareil. Et entra. Qu'est-ce que...
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A l'exception du pilote que la peur clouait sur son siège, l'avion était vide. Il alla vérifier les toilettes, le compartiment réservé aux bagages, se pencha sous les sièges... en vain. Aucune trace de vie humaine.
Mais qu'est-ce qui lui a pris, à ce commissaire de la PJ ?
Teabing n'avait pas menti.
Ravalant la boule qui montait dans sa gorge, il ressortit sur la passerelle et cria à ses hommes :
— Laissez-les partir ! On nous a mal renseignés.
— Vous pouvez vous attendre à la visite de mes avocats !
lança Teabing. Et sachez à l'avenir qu'on ne peut faire aucune confiance à la police française !
Rémy lui ouvrit la portière arrière de la Jaguar et l'aida à s'asseoir avant d'aller s'installer au volant. La limousine démarra, et les policiers s'effacèrent pour la laisser sortir du hangar.
— Bien joué ! claironna Teabing en se calant dans son siège.
Ils sortaient de l'aéroport et Rémy accélérait. Teabing se baissa vers l'habitacle spacieux qui s'étendait entre les deux banquettes.
— Tout le monde est bien installé ? Langdon fit « oui »
d'une voix peu convaincue. Sophie et lui étaient toujours allongés sur le sol, à côté du moine ligoté.
Dès que l'avion était entré dans le hangar, Rémy avait ouvert la porte de l'appareil et déplié la passerelle, pour permettre à Sophie et Langdon de descendre. Ils avaient traîné le moine derrière eux et s'étaient tapis avec lui à l'arrière de la limousine. Les policiers étaient arrivés pendant que l'avion terminait son demi-tour.
Une fois la Jaguar sortie de l'aéroport, Langdon et Sophie s'assirent sur la banquette opposée à celle de Teabing, laissant le moine couché à leurs pieds.
— Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? demanda leur hôte en ouvrant le bar. Eau gazeuse, chips ? cacahuètes ?
Et comme ils secouaient la tête :
— Très bien. Occupons-nous donc de la tombe de notre chevalier...
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82
— Fleet Street ? s'étonna Langdon en dévisageant Teabing assis en face de lui.
Il y a une crypte dans Fleet Street ? Jusque-là, Leigh s'était amusé à garder un silence
imperturbable sur l'endroit où ils trouveraient la tombe du chevalier. Elle leur fournirait, à en croire le poème, le mot de passe du deuxième cryptex.
Teabing se tourna vers Sophie en arborant un large sourire.
— Auriez-vous la gentillesse, mademoiselle Neveu, de montrer une nouvelle fois le quatrain à notre professeur de Harvard ?
Sophie sortit de sa poche le cylindre d'onyx enveloppé du parchemin. Ils avaient décidé de laisser le coffret et le premier cryptex dans le coffre-fort de l'avion de Teabing, pour ne se charger que du strict nécessaire. Elle déroula le vélin et le tendit à Langdon.
Il avait beau l'avoir déjà lu plusieurs fois avant l'atterrissage, aucun lieu ne lui était venu à l'esprit. En le parcourant à nouveau, Langdon s'imprégna lentement des mots, espérant y trouver plus de clarté maintenant qu'il était sur la terre ferme.
Un chevalier à Londres gît, qu'un Pope enterra.
Une ire extrême le fruit de ses œuvres causa.
Cherchez la sphère qui devrait sa tombe orner.
Tel un cœur fertile à la chair rosée.
Une seule allusion paraissait claire à Langdon : « Cœur fertile à la chair rosée »... était une référence directe à Marie Madeleine, porteuse de la descendance de Jésus. Mais qui pouvait être ce chevalier dont le travail avait déplu à Dieu ?
Pourquoi avait-il été inhumé par un pope ? Et pourquoi fallait-il chercher sur sa tombe un objet qui n'y était pas ? La sphère qui devrait sa tombe orner.
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— Alors, Robert ? Cela ne vous dit rien ? plaisanta Teabing, déçu mais visiblement ravi de bénéficier d'une longueur d'avance. Et vous, mademoiselle Neveu ?
Sophie secoua la tête.
— Mais que feriez-vous sans moi, mes pauvres enfants ?
Bon, je vais essayer de vous guider. En fait, c'est extrêmement simple. Tout est dans le premier vers. Pouvez-vous nous le relire, Robert, s'il vous plaît ?
— Un chevalier à Londres gît, qu'un Pope enterra.
— Cela ne vous évoque rien ?
— Un chevalier enterré par un pope ? Qui aurait eu des funérailles orthodoxes ?
Teabing pouffa de rire.
— Il fallait y penser ! Quel bel œcuménisme, mon cher Robert ! Le chef du Vatican ne s'appelle-t-il pas pope en anglais
? Regardez plutôt le deuxième vers. Ce chevalier s'est apparemment attiré la colère de l'Église. Réfléchissez. Pensez au contentieux entre Rome et les Templiers. Un chevalier qu'un pape a enterré...