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— Mais pourquoi m'aurait-il adressée à vous s'il n'était pas d'accord avec vos recherches ? À propos, Robert, dans ce manuscrit que votre éditeur lui a envoyé, vous montrez-vous favorable à la publication des documents du Graal, ou estimez-vous qu'ils doivent rester secrets ?

— Ni l'un ni l'autre. Je ne prends pas position. Ce livre traite des symboles liés au Féminin sacré - il se contente de raconter l'histoire de son iconographie. Je ne prétends absolument pas présumer la localisation des documents du Graal, ni donner un avis quelconque sur la nécessité de leur publication.

— Mais si vous écrivez un livre sur le sujet, c'est bien parce que vous estimez que les informations doivent être révélées...

— Il y a une énorme différence entre le fait de décrire une alternative à l'histoire officielle du Christ et...

Il marqua une pause.

— Et quoi ?

— Et celui de présenter ces milliers de documents anciens comme preuves historiques irréfutables que le Nouveau Testament n'est qu'un tissu de faux témoignages.

— Mais c'est pourtant ce que vous m'avez dit.

— Ma chère Sophie, répliqua Langdon en souriant, toutes les religions du monde sont fondées sur des thèses fabriquées.

C'est la définition même du mot foi - l'adhésion à ce que l'on imagine être vrai, et que l'on ne peut pas prouver. Toutes les religions, depuis celle de l'Egypte ancienne jusqu'au catéchisme

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moderne, décrivent Dieu à travers des métaphores, des allégories, des hyperboles. Ce sont ces images qui permettent à l'esprit humain d'envisager ce qui est par définition inenvisageable. Les problèmes commencent lorsqu'on se met à croire à la lettre aux symboles qui ont été fabriqués pour illustrer des abstractions.

— Vous seriez donc plutôt favorable à ce que ces informations restent secrètes ?

— En tant qu'historien, je suis opposé à toute destruction de documents et je serais très heureux que les spécialistes des religions puissent disposer de matériaux supplémentaires sur la vie exceptionnelle de Jésus-Christ.

— Donc, vous rejetez les deux politiques, celle du secret comme celle de la publication ?

— Vraiment ? Je crois que la Bible sert de boussole à des centaines de millions de gens sur cette terre, au même titre que le Coran, la Torah ou le Canon Pâli. Si vous et moi avions la possibilité de fournir au monde des documents probants qui contredisent les croyances des musulmans, des israélites, des bouddhistes ou des animistes, devrions-nous le faire ? Prouver que Bouddha n'est pas né d'une fleur de lotus ? Ni Jésus d'une vierge ? Ceux qui connaissent bien leur foi comprennent qu'il s'agit de métaphores.

Sophie semblait sceptique.

— J'ai des amis chrétiens qui croient dur comme fer que Jésus a marché sur l'eau, qu'il a changé l'eau en vin aux noces de Cana, et que sa mère était vierge...

— C'est exactement ce que je veux dire, insista Langdon.

L'allégorie religieuse est devenue une forme de réalité, qui aide des millions de gens à vivre et à devenir meilleurs.

— Mais il se trouve que cette réalité est fausse...

— Pas plus que le nombre imaginaire de la cryptographie mathématique, ce « I » qui vous aide à déchiffrer vos documents secrets...

Sophie fronça les sourcils.

— Vous jouez sur les mots !

Après un silence, Langdon lui demanda :

— Rappelez-moi quelle était votre question, déjà ?

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— J'ai oublié... Il sourit.

— Je l'aurais parié.

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83

La montre Mickey Mouse de Langdon indiquait près de sept heures trente lorsque la limousine le déposa, avec Sophie et Teabing, dans Inner Temple Lane. Le trio suivit un lacis de petites rues jusqu'à une sorte de cour où la façade de pierre grossièrement taillée de Temple Church miroitait sous la pluie.

Des pigeons roucoulaient dans les hauteurs de la vieille église.

Celle-ci était entièrement construite en pierre de Caen.

L'édifice circulaire surmonté d'une tourelle centrale, et flanqué sur un côté d'une nef rajoutée ressemblait plus à un fort militaire qu'à un lieu de culte. Consacrée le 10 février 1185 par Héraclius, patriarche de Jérusalem, Temple Church avait survécu à huit siècles de bouleversements politiques et au Grand Incendie de Londres. Gravement endommagée par les bombes incendiaires de la Luftwaffe en 1940, et restaurée à l'identique après la guerre, l'église avait retrouvé son austère majesté d'antan.

La simplicité du cercle, pensait Langdon, heureux de faire connaissance avec le sanctuaire. L'architecture était simple et rudimentaire, rappelant davantage le Castel Sant'Angelo de Rome que le Panthéon. L'annexe disgracieuse et rectiligne qui la prolongeait sur un côté n'altérait heureusement pas l'harmonie originale du petit temple païen.

— Nous sommes samedi matin, dit Teabing en claudiquant vers le portail. On ne devrait pas être gêné par un service religieux.

La porte d'entrée était située au fond d'un petit porche de pierre. Sur le mur de gauche, un tableau d'affichage d'une modernité incongrue annonçait les horaires d'ouverture, des concerts et des services religieux.

Teabing se rembrunit.

— L'église n'ouvre pas aux visiteurs avant deux heures.

Après avoir essayé en vain de pousser la porte, il plaqua l'oreille contre le panneau de bois pendant quelques secondes, et se retourna vers Langdon, un sourire malicieux aux lèvres.

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— Regardez donc sur le panneau le nom du pasteur qui dirige le service demain matin, voulez-vous ?

À l'intérieur de l'église, le sacristain était en train de passer l'aspirateur sur le banc de communion, lorsqu'il entendit frapper à la porte d'entrée. Il ne bougea pas. Le père Harvey Knowles avait ses clés, et n'arrivait jamais avant neuf heures du matin. C'était probablement un touriste ou un mendiant. Il se remit à la tâche, mais les coups reprirent, beaucoup plus bruyants. Comme si on tapait sur la porte avec une barre de métal. Vous ne savez pas lire ? Le sacristain éteignit son aspirateur et se dirigea en maugréant vers l'entrée. Il déverrouilla la porte et l'ouvrit. Trois personnes attendaient sous le porche. Des touristes.

— L'église ouvre à neuf heures trente, messieurs dames.

Le plus corpulent des deux hommes, apparemment le chef, s'avança vers lui, appuyé sur des béquilles métalliques.

— Je suis sir Leigh Teabing, annonça-t-il avec un accent typiquement aristocratique. Comme vous le savez très certainement, j'accompagne M. et Mme Christopher Wren, quatrième du nom.

Il s'effaça pour faire place à un couple derrière lui une jolie jeune femme à la superbe chevelure auburn et un homme d'une quarantaine d'années, grand, mince, aux cheveux bruns. Son visage parut vaguement familier au sacristain.

Il ne savait que répondre. Sir Christopher Wren était le plus célèbre bienfaiteur de Temple Church. C'est lui qui avait restauré l'église après le Grand Incendie de Londres. Mais il était mort au début du XVIII e siècle.

— Je... enchanté... Madame, monsieur...

L'homme aux béquilles fronça les sourcils.

— Heureusement que vous ne travaillez pas dans le commerce, vous n'êtes pas très convaincant. Où est le père Knowles ?

— On est samedi, il n'arrive jamais très tôt. L'homme aux béquilles se renfrogna.

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— Qu'est devenue sa gratitude ? Il m'a affirmé qu'il serait là. Nous devrons apparemment nous passer de lui. Nous n'en aurons pas pour longtemps.

Le sacristain bloquait toujours la porte.

— Désolé, mais qu'est-ce qui ne prendra pas longtemps ?

L'infirme, s'approchant, lui chuchota à l'oreille comme pour lui éviter un impair :