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Une douleur aiguë lui transperça le dos, entre les deux épaules. Il poussa un hurlement, refusant d'admettre qu'il allait mourir, sans même pouvoir se défendre, à l'arrière de cette voiture. J'accomplissais l’œuvre de Dieu. Le Maître avait promis qu'il me protégerait.

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Un flot de liquide chaud ruisselait le long de sa colonne vertébrale. Il imaginait son sang se répandant sur tout son corps. Une douleur fulgurante lui vrilla les cuisses et il se sentit près de l'évanouissement - ce mécanisme de défense qui protège le corps d'une trop grande souffrance.

La douleur avait gagné tous ses muscles. Il serra plus fort les paupières. La dernière image de sa vie n'aurait pas le visage de son meurtrier. Il essaya d'imaginer celui d'Aringarosa, encore jeune, debout devant la petite église d'Espagne, que Silas et lui avaient construite de leurs propres mains. Au commencement de ma vie.

Tout son corps brûlait.

— Tiens, bois ça ! fit la voix de son assassin, avec un accent français. Ça aidera le sang à circuler.

Silas, ouvrant des yeux étonnés, tourna la tête. La silhouette floue de l'homme en smoking lui tendait un verre. Le couteau ouvert était posé sur la banquette, la lame brillante et propre, à côté d'un serpentin de sparadrap et d'un tas de cordes emmêlées.

— Bois ! Si tu as mal, c'est parce que ton sang recommence à circuler dans tes muscles, fit l'homme.

La douleur se muait en fourmillements aigus.

Il but. L'alcool lui brûla la gorge. Mais la gratitude l'envahit.

Le destin avait été cruel envers lui, cette nuit. Pourtant, Dieu avait fini par intervenir.

Il ne m'a pas abandonné.

La Divine Providence, aurait dit Mgr Aringarosa.

— J'aurais bien voulu te détacher plus tôt, mais c'était impossible, à cause de la police, d'abord au château, et ensuite à l'aéroport, fit l'homme en smoking. Tu me comprends n'est-ce pas, Silas ?

Il souriait.

— Vous connaissez mon nom ? Silas réussit à s'asseoir.

— Est-ce vous, le Maître ? poursuivit-il en frictionnant ses muscles raides, oscillant entre l'incrédulité, la reconnaissance et la confusion.

Cette hypothèse provoqua un franc éclat de rire chez son interlocuteur qui hocha la tête.

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— J'aimerais bien... Non, je suis comme toi, je travaille pour lui. Il m'a d'ailleurs parlé de toi en termes très élogieux. Je m'appelle Rémy.

— Je ne comprends pas. Si vous travaillez pour lui, comment se fait-il que les deux autres soient venus chez vous avec la clé de voûte ?

— Ce n'est pas chez moi. Le château de Villette appartient au plus grand historien mondial du Graal, sir Leigh Teabing.

— Mais c'est là que vous habitez...

Rémy sourit, ne sachant comment expliquer cette coïncidence.

— Il était parfaitement prévisible que Langdon débarque chez Teabing. Il avait besoin d'aide. Quel meilleur refuge pouvait-il choisir que le château de Villette ? Le fait que j'y habite est justement la raison pour laquelle le Maître m'a contacté. Comment crois-tu qu'il s'est procuré tous ces renseignements sur le Graal ?

Silas était littéralement émerveillé. Le Maître avait recruté celui qui avait accès à toute la documentation de sir Teabing.

C'était absolument génial.

— J'ai encore beaucoup de choses à te dire, poursuivit Rémy en tendant à Silas son Heckler & Koch. Mais nous avons tous les deux un travail à faire...

Il tendit le bras vers l'avant de la Jaguar et sortit de la boîte à gants un petit pistolet qui tenait dans la paume de sa main.

Accueilli sur le tarmac de Biggin Hill par l'inspecteur chef de la police du Kent, le commissaire Fache écoutait son collègue britannique lui relater en détail ce qui s'était passé dans le hangar de sir Teabing.

— J'ai fouillé moi-même l'appareil. Il n'y avait que le pilote.

Et je tiens à signaler que, si sir Teabing cherche à me poursuivre, je...

— Vous avez interrogé le pilote ?

— Impossible, il est français et votre juridiction...

-— Conduisez-moi dans l'avion.

Après son arrivée dans le hangar, il fallut moins d'une minute à Fache pour remarquer une tache de sang à l'endroit où

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la Jaguar avait été garée. Il marcha à grands pas vers l'appareil et tambourina vigoureusement sur la carlingue.

— Police judiciaire française ! Ouvrez !

Le pilote terrifié apparut dans l'embrasure de la porte et descendit la passerelle.

Trois minutes plus tard, aidé de son arme de poing, Fache avait obtenu de lui des aveux complets, confirmant que Langdon, Sophie et le moine albinos avaient bien voyagé sur son appareil. Le pilote avait même ajouté qu'avant de quitter l'avion, son client avait enfermé un objet dans son coffre-fort -

une boîte en bois dont le contenu semblait avoir occupé trois des passagers pendant toute la durée du vol...

— Ouvrez-moi ce coffre ! ordonna le commissaire.

— Mais je ne connais pas la combinaison !

— Dommage, j'étais sur le point de renoncer à confisquer votre licence...

— Je peux peut-être demander à un mécanicien d'essayer de le forcer ?

— Je vous donne une demi-heure. Le pilote se précipita sur sa radio.

Fache alla se servir un verre d'alcool au fond de l'appareil.

Comme il n'avait pas dormi de la nuit, on ne pouvait pas dire qu'il buvait avant midi. Il s'assit dans l'un des confortables sièges baquets et tenta de faire le point. La bourde de ces flics anglais risque de me coûter cher. La police avait lancé des avis de recherche concernant une Jaguar limousine noire.

Son portable sonna dans la poche de sa veste.

— Allô ? fît-il d'une voix lasse. C'était l'évêque espagnol.

— Commissaire Fache ? Je viens de m'arranger pour être à Londres d'ici à une heure.

— Je croyais que vous vous rendiez à Paris...

— Je suis très inquiet. J'ai changé mes projets.

— Vous n'auriez pas dû.

— Avez-vous récupéré Silas ?

— Non. Ses ravisseurs ont faussé compagnie aux policiers britanniques avant mon arrivée.

— Mais vous m'aviez assuré que vous empêcheriez leur avion d'atterrir ! fit Aringarosa d'un ton sec.

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— Monseigneur, étant donné la situation délicate dans laquelle vous vous trouvez, je vous conseille de ne pas abuser de ma patience. Je trouverai Silas et les autres le plus tôt possible.

Où allez-vous atterrir ?

— Un instant, je vous prie.

Aringarosa se renseigna auprès du pilote et reprit le téléphone.

— Le pilote essaie d'obtenir l'autorisation d'Heathrow. Je suis le seul passager, mais le vol n'est pas enregistré.

— Dites-lui d'atterrir à Biggin Hill, dans le Kent. Je vais arranger ça. Si je ne suis pas là à votre arrivée, je mettrai une voiture à votre disposition.

— Merci, commissaire.

— Comme je vous l'ai laissé entendre tout à l'heure, monseigneur, n'oubliez pas que vous n'êtes pas le seul à risquer de tout perdre dans cette affaire.

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85

« Cherchez la sphère qui devrait sa tombe orner... »

Chacun des gisants de Temple Church était étendu sur le dos, la tête reposant sur un oreiller de pierre rectangulaire.

Sophie frissonna au souvenir des globes que brandissaient les femmes du Hieros Gamos de Montmorency. Elle se demanda si le rituel avait été accompli dans ce sanctuaire même. Cette salle circulaire semblait construite sur mesure pour une telle cérémonie.

La chapelle de Temple Church devait être parfaitement adaptée à ce type de rituel. « Un théâtre en rond », avait dit Robert. Un simple banc de pierre courait sur toute sa circonférence.