Le visage de Teabing était livide. Qu'est-ce qui lui prend ?
Les recherches d'une vie entière, tous ses rêves, sur le point de se volatiliser...
— Mais pourquoi tenez-vous tant au Graal ? demanda Langdon. Pour le détruire ? Avant la Fin des Temps ?
Sans répondre, Rémy se tourna vers Silas.
— Prends-lui la clé de voûte.
Langdon recula devant le moine, le cryptex au-dessus de la tête, prêt à le lancer.
— Je préférerais le briser que de le laisser entre de mauvaises mains.
— Robert ! De grâce ! s'écria Teabing. Ne faites pas cela !
C'est la clé du secret du Graal ! Rémy ne tirera jamais sur moi...
Nous nous connaissons depuis dix...
Le domestique tira en l'air. Cette petite arme produisit un énorme coup de tonnerre dont l'écho se démultiplia contre les arcades, tétanisant tout le monde sur place.
— Je ne plaisante pas, fit Rémy. La prochaine fois, je viserai le dos de Teabing. Allez remettre la clé de voûte à Silas.
L'Américain baissa les bras et tendit le cryptex à contrecœur. Silas s'avança et le lui arracha.
Ses yeux rouges brillaient de joie. Il glissa le cylindre dans la poche de sa robe et recula, le pistolet toujours braqué sur Langdon et Sophie.
– 400 –
Teabing sentit les doigts de Rémy se serrer sur sa nuque et l'entraîner vers la sortie de la rotonde, ses béquilles traînant sur le dallage.
— Laissez-le ! implora Langdon.
— Nous l'emmenons faire un petit tour en voiture, dit Rémy. Si vous appelez la police, je le supprime. C'est clair ?
— Emmenez-moi, plutôt. Laissez-le tranquille, implora Langdon.
— Certainement pas, ricana Rémy. Je tiens trop à lui. Et il peut encore m'être utile...
Silas l'avait rejoint à reculons et, tout en maintenant Sophie et Langdon en joue, il passa avec lui sous l'arcade qui menait à la grande nef.
— Pour qui travaillez-vous ? demanda Sophie d'une voix claire.
— Vous seriez étonnée de l'apprendre, mademoiselle, répondit Rémy.
– 401 –
87
Le feu était éteint depuis longtemps, c'était pourtant devant la cheminée du salon que l'inspecteur Collet avait choisi de faire les cent pas en déchiffrant les fax qu'on lui apportait. Il lisait le rapport que la PJ venait de lui télécopier. Ce n'était pas du tout ce qu'il attendait.
André Vernet y était décrit comme un citoyen modèle.
Casier judiciaire vierge, pas même une contravention. Diplômé de l'Institut d'études politiques, option économique et financière, c'est lui qui avait élaboré le nouveau dispositif de sécurité de la succursale parisienne de la Zurichoise de dépôt, un modèle du genre. Ses paiements par carte bancaire les plus récents concernaient des œuvres et livres d'art, des disques de musique classique - surtout du Brahms - des grands vins millésimés...
Zéro sur toute la ligne, soupira Collet.
La seule information intéressante qu'il avait reçue concernait un agrandissement d'empreintes digitales qui semblaient appartenir au domestique de Teabing.
Son collègue de la police scientifique, assis dans un fauteuil de cuir, était plongé dans une copie du rapport.
— Alors ? demanda l'inspecteur.
— Ce sont bien les empreintes de Legaludec. Il est fiché pour des babioles, de petits cambriolages, branchements téléphoniques sauvages, rien de sérieux. Hospitalisé en urgence pour une trachéotomie, il s'est éclipsé sans payer la note. Il jeta un coup d'œil réjoui à Collet, « allergie aux cacahuètes... »
Collet acquiesça d'un air entendu. Plusieurs années auparavant, il avait vu le cas d'un client de restaurant décédé en quelques instants d'un choc anaphylactique, pour avoir avalé une seule bouchée d'un chili préparé à l'huile d'arachide.
— Legaludec devait se dire que le majordome de sir Leigh Teabing ne serait jamais inquiété.
— C'est son jour de chance.
— OK. On va transmettre tout ça à Fache. Un autre agent entra dans le salon.
– 402 –
— Inspecteur ? On vient de trouver quelque chose dans la grange. Vous pouvez venir voir ?
Ils sortirent tous les trois.
En entrant dans le bâtiment, l'agent montra du doigt une échelle adossée à une trappe ouverte dans le plafond.
— Elle n'était pas là tout à l'heure..., fit Collet.
— C'est moi qui l'ai montée. On était en train de relever les traces de pneus quand je l'ai remarquée, posée par terre. Ce qui m'a étonné, c'est que les barreaux étaient couverts de boue encore fraîche. Elle doit servir régulièrement. J'ai vérifié que sa longueur correspondait à la hauteur du plafond et je suis monté voir. Je pensais trouver un grenier à foin...
Depuis l'entrée, on ne voyait en haut de l'échelle qu'un rectangle noir, dans lequel se dessina le visage d'un autre policier.
— Venez voir ici, inspecteur, ça vaut le coup d'œil !
Collet s'exécuta sans grande conviction. L'échelle était un modèle ancien en bois, qui se rétrécissait au sommet. Collet faillit manquer le dernier barreau mais parvint à se rétablir in extremis avec l'aide de l'agent qui lui tendit son poignet pour le hisser, tant bien que mal, sur le plancher du grenier. Sous le toit de la grange, s'ouvrait un grand espace, impeccablement peint en blanc, éclairé par une série de spots sur trépied.
— Par ici, chef. Toutes les empreintes sont identiques. On les a envoyées au central, on ne devrait pas tarder à avoir la réponse.
Collet le suivit vers la paroi du pignon opposé. Sur une grande table à tréteaux était installée une impressionnante station informatique. Deux PC à écrans plats grand format munis d'enceintes acoustiques, imprimante, scanner, graveur de DVD, console audio à canaux multiples avec son bloc d'alimentation indépendant, batterie de micros.
— Vous avez examiné ce matériel ? demanda Collet.
— C'est une station d'écoute.
— Téléphonique ?
— Pas seulement. Il y a aussi un système très sophistiqué de micros cachés. Le type est un vrai pro. Micros miniatures, cellules photoélectriques rechargeables, barrettes de mémoire
– 403 –
RAM haute capacité... je ne suis pas sûr que nous soyons mieux équipés que lui.
L'agent tendit à Collet un petit boîtier noir de la taille d'une calculette, d'où pendait un câble de trente centimètres de long, terminé par une petite lame de métal très fin, pas plus grande qu'un timbre-poste.
— La base est un disque dur audio enregistreur équipé d'une batterie solaire. Et la petite plaque d'alu qui est au bout du cordon, c'est un micro miniaturisé à cellule photoélectrique.
L'inspecteur connaissait cet outil très perfectionné, qui datait de deux ou trois ans. On pouvait fixer le disque dur derrière une lampe, dans une applique murale, le long d'une tringle à rideaux. Le petit micro se collait sur n'importe quel type de support. À condition de bénéficier de quelques heures par jour de lumière, solaire ou électrique, il pouvait transmettre indéfiniment les données sonores qu'il captait.
— Et comment captent-ils ? questionna Collet. L'agent désigna un câble branché sur l'un des ordinateurs et qui traversait le mur de la grange.
— Par ondes radio. Il suffit de poser une petite antenne sur le toit.
Collet savait que ces micros espions, généralement disposés dans des bureaux, enregistraient dans la journée les conversations qu'ils retransmettaient la nuit, afin de ne pas être repérés, sous forme de fichiers audio compressés. Une fois ces fichiers transmis, le disque dur s'autoeffaçait et il était prêt à recommencer l'opération le lendemain.