— Vous avez une idée sur la cible de cette surveillance ?
— C'est ça qui est le plus incroyable, s'exclama le technicien en s'approchant de l'ordinateur et en lançant un logiciel.
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Anéanti par la fatigue et le remords, Langdon passa le tourniquet et s'enfonça dans les méandres de la lugubre station de métro Temple avec Sophie.
Je n 'aurais jamais dû impliquer Leigh dans cette histoire, il court un énorme danger.
La trahison de Rémy avait pris Langdon par surprise et pourtant elle était parfaitement rationnelle. Le commanditaire des meurtres avait besoin d'un informateur chez son ennemi. Ils sont venus chez Teabing pour la même raison que moi.
L'historien britannique était certes de toute façon menacé, à plus ou moins long terme, par les traditionalistes, mais Langdon se sentait directement responsable de son enlèvement.
Il faut le retrouver le plus vite possible, avant qu'il soit trop tard.
Sans tenir compte de la menace de Rémy, Sophie s'était précipitée vers le premier téléphone public qu'elle avait trouvé, pour appeler la police londonienne.
— C'est la meilleure façon de venir en aide à Leigh, avait-elle affirmé en composant le numéro.
Langdon n'avait pas approuvé tout de suite son plan, mais à force de discussions il avait fini par en comprendre la pertinence.
Le raisonnement de Sophie était parfaitement logique.
Teabing n'était pas en danger dans l'immédiat : ses ravisseurs avaient besoin de lui pour ouvrir le cryptex. Même s'ils connaissaient l'emplacement de la tombe, il leur restait à percer le mystère du mot de passe, cette fameuse sphère évoquée par le poème. Mais que feraient-ils de lui une fois qu'ils auraient percé l'énigme de la clé de voûte ? Leigh deviendrait alors un témoin gênant.
Si Langdon avait la moindre chance d'aider Leigh ou même de revoir la clé de voûte, il était crucial de trouver la tombe avant eux.
Malheureusement, Rémy avait pris une longueur d'avance.
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L'objectif de Sophie était de réussir à entraver sa progression. Et celui de Langdon, d'identifier ce tombeau.
Sophie devait dénoncer Rémy et Silas à la police londonienne pour les forcer à se cacher ou mieux pour qu'ils soient capturés.
Quant à Langdon, son projet était de se rendre à l'Institut de recherches religieuses de King's Collège, qui possédait une excellente base de données en théologie et histoire des religions.
C'était, lui semblait-il, leur seule chance de trouver rapidement des éclaircissements sur ce chevalier, Templier ou pas. Il se demanda ce que cette base de données lui répondrait quand il saisirait : Un chevalier à Londres gît, qu'un Pope enterra.
Il se mit à faire les cent pas, en espérant que la rame ne tarderait pas.
Dans la cabine, Sophie avait enfin réussi à obtenir la police.
— Police, commissariat de Snow Hill, j'écoute...
— Je voudrais signaler un enlèvement, dit Sophie.
— Votre nom ?
— Sophie Neveu, inspecteur de la police judiciaire française.
Le titre eut l'effet espéré.
— Très bien, madame. Je vous passe un responsable.
En attendant, Sophie commença à se demander si son interlocuteur goberait sa description des ravisseurs de Teabing.
Un homme en smoking. Presque trop facile à identifier. Même si Rémy changeait de vêtements, son complice se trouvait être un moine albinos en robe de bure : on ne pouvait pas les louper.
En plus ils trimbalaient un otage, donc impossible de prendre les transports en commun. Et pour couronner le tout, ils roulaient en Jaguar Sovereign.
L'attente de Sophie se prolongeait. Grouillez-vous ! Elle entendit une série de déclics et de sonneries comme si on la transférait de bureau en bureau.
Encore un clic, et, cette fois, une voix - qui parlait français :
— Inspecteur Neveu ? C'était Fache.
— Inspecteur Neveu? Dites-moi d'abord où vous êtes...
Sophie resta muette de surprise. Fache avait apparemment prévenu le central de l'alerter si elle appelait.
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— Écoutez, reprit Fache, j'ai commis hier soir une grave erreur. Je sais que Langdon est innocent. Toutes les charges retenues contre lui ont été abandonnées. Mais vous êtes tous les deux en danger. Venez me rejoindre le plus tôt possible !
Elle demeura bouche bée. Fache n'avait pas l'habitude de reconnaître ses torts.
— Pourquoi ne m’avez-vous pas dit que Jacques Saunière était votre grand-père ? Étant donné les circonstances, j'ai l'intention de passer entièrement l'éponge sur vos incartades d'hier soir. Mais pour l'amour du ciel, allez immédiatement vous réfugier au poste de police londonien le plus proche.
Il sait que nous sommes à Londres. Que sait-il d'autre ?
Elle entendit une sorte de ronflement mécanique derrière lui, puis un étrange déclic sur la ligne.
— Êtes-vous en train de localiser mon appel, commissaire ?
Fache durcit le ton.
— Mademoiselle Neveu, je vous demande instamment de coopérer. Vous avez comme moi beaucoup à perdre dans cette affaire. Essayons au moins de limiter les dégâts. J'ai commis une erreur de jugement hier soir et, s'il devait résulter de cette erreur qu'un universitaire américain et une inspectrice de la PJ
soient assassinés, ma carrière serait sérieusement compromise.
Ça fait des heures que je m'efforce de vous retrouver pour vous mettre à l'abri.
Un souffle de vent tiède balaya la station à l'approche de la rame qui entrait en gare avec un grondement sourd. Sophie tenait absolument à la prendre.
Langdon lança à Sophie un coup d'œil impatient.
— Commissaire Fache, je peux vous dire que l'un des deux ravisseurs s'appelle Rémy Legaludec, lâcha-t-elle. C'est le domestique de Teabing. Il vient d'enlever son patron dans Temple Church et...
— Agent Neveu, aboya Fache, il n'est pas question d'en discuter sur une ligne non sécurisée. Vous et Langdon, débrouillez-vous pour rappliquer à Scotland Yard le plus vite possible. Faites-vous accompagner par un flic. C'est un ordre !
Sophie raccrocha et entraîna Langdon en courant vers la rame de métro.
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La cabine auparavant immaculée de l'avion de Teabing, maintenant jonchée de copeaux de métal, sentait l'air comprimé et le propane. Une fois le coffre-fort ouvert, le commissaire Fache avait renvoyé tout le monde. Un verre à la main, il s'assit à la table et y déposa le lourd coffret en bois de rose.
Caressant d'un doigt le motif du couvercle, il le souleva doucement. Il trouva à l'intérieur un curieux objet en pierre, de forme cylindrique, dont les disques gravés ressemblaient à un cadenas à code. Cinq lettres étaient alignées en face de l'encoche
: S-O-F-I-A.
Il les regarda longuement, avant de soulever le cylindre pour l'étudier de plus près. Puis il tira lentement sur les deux extrémités pour l’ouvrir. Il était vide.
Il le reposa dans sa boîte et fixa longuement, d'un regard absent, le hangar à travers le hublot, essayant de trouver un lien entre la conversation qu'il venait d'avoir avec Sophie Neveu et les informations que Collet lui avait transmises. Il fut tiré de ses pensées par le téléphone.
C'était le standard de la PJ, qui s'excusait de le déranger, et lui signalait qu'André Vernet avait appelé à plusieurs reprises.
On avait beau répéter au banquier que le commissaire Fache était en déplacement à Londres, il n'y avait pas moyen de s'en débarrasser. Fache demanda en bougonnant qu'on lui transfère la communication.
— Monsieur Vernet, attaqua-t-il avant de laisser à son interlocuteur le temps de dire un mot, je suis navré de ne pas avoir pu vous appeler plus tôt. Comme je vous l'avais promis, nous n'avons pas mentionné le nom de votre banque à la presse.