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« c Eh ben, tu seras toujours en train de regarder La mélodie du bonheur. »

Aziraphale se figea.

« Et ça te plaira ,insista Rampa, impitoyable. Tu verras.

— Mon petitc

— Tu n’auras pas le choix.

— Écoutec

— Le Paradis est totalement dépourvu de bon goût.

— Làc

— Et y a pas un seul restaurant japonais. »

Une expression douloureuse passa sur le visage soudain très grave de l’ange. « Je ne peux pas discuter de ça en état d’ivresse, dit-il. Je vais dessoûler.

— Moi aussi. »

Tous deux firent la grimace tandis que l’alcool abandonnait leur système circulatoire, et ils se rassirent de façon un peu plus convenable. Aziraphale rajusta son nœud de cravate.

« On ne peut pas contrecarrer les plans divins », croassa-t-il.

Rampa inspecta son verre avant de le remplir à nouveau.

« Et les plans diaboliques ?

— Pardon ?

— Faut bien que ce soit un plan diabolique, non ? C’est nousqui le mettons en œuvre. Mon côté.

— Ah, mais ça fiait partie du grand plan divin .Ton côté ne peut rien faire sans que ça fiasse partie de l’ineffable plan divin, ajouta-t-il avec un brin d’autosatisfaction.

— Que tu crois !

— Non, c’est lec » Aziraphale claqua des doigts, agacé. « Le machin. Comment tu appelles ça, tu as une expression imagée ? Le résultat à la fin ?

— Le résultat final.

— Oui, c’est ça.

— Eh bienc Si tu en es tellement sûr.

— Y a pas le moindre doute. »

Rampa leva la tête avec une expression madrée.

« Alors tu ne peux pas être sûr – tu me corriges si je me trompe – tu ne peux pas être certain que le déjouer ne fiasse pas également partie du plan divin ? Je veux dire, tu es censé déjouer les manigances du Malin en toutes circonstances, je me trompe ? »

Aziraphale hésita.

« C’est vrai, effectivement.

— Tu vois une manigance, crac ! tu déjoues. J’ai tort ou pas ?

— Dans les grandes lignes, dans les grandes lignes. En réalité, j’encourage les humains à s’occuper du côté pratique du déjouement. Rapport à l’ineffabilité, tu comprends.

— Bien, bien. Donc, tout ce que tu as à faire, c’est de déjouer. Parce que, s’il y a une chose que je sais, c’est que sa naissance n’est qu’un début. Le facteur décisif, c’est l’éducation. Les Influences. Sans Elles, ce gamin n’apprendra jamais à utiliser ses pouvoirs. » Il hésita. « En tout cas, pas forcément comme prévu.

— Mon côté ne verra sûrement pas d’objection à ce que je déjoue les manigances du tien, supputa Aziraphale. Bien au contraire.

— Exact. Ça ferait bien reluire ton auréole. » Rampa adressa un sourire encourageant à l’ange.

« Mais qu’est-ce qui arrivera au gamin s’il ne reçoit pas une éducation satanique ?

— Rien, probablement. Il n’en saura jamais rien.

— Mais l’héréditéc

— Ne me parle pas d’hérédité ! Qu’est-ce que l’hérédité vient faire dans l’histoire ? Regarde Satan. Il a été créé ange, et il devient le Grand Adversaire en grandissant. Si tu veux discuter génétique, autant affirmer que le gosse deviendra un ange. Après tout, son papa avait un poste important au Paradis, dans le temps. Dire qu’il deviendra un démon plus tard, simplement parce que son père en est devenu un, c’est comme si tu affirmais qu’une souris à laquelle on coupe la queue donnera naissance à des souriceaux sans queue. Non. C'est l’éducation qui conditionne tout. Là-dessus, tu peux me faire confiance.

— Et si les influences sataniques n’ont pas libre cours ?

— Eh bien, au pire, l’Enfer devra recommencer à zéro. Et la Terre gagne onze ans de répit, au bas mot. Ça vaut peut-être le coup, non ? »

Aziraphale parut de nouveau songeur.

« Selon toi, l’enfant ne serait pas mauvais par nature ? demanda-t-il lentement.

— Il est potentiellementmauvais. Mais potentiellement bon, aussi, je suppose. C'est juste une énorme potentialité qui attend qu’on l’oriente. » Rampa haussa les épaules. « De toute façon, pourquoi est-ce qu’on discute de ces histoires de bien et de mal ? Nous savons bien, toi et moi, que ce sont juste des noms qui définissent de quel côté on se trouve.

— Je suppose que ça vaut la peine d’essayer », admit l’ange. Rampa hocha la tête d’un air encourageant.

« Alors, c’est d’accord ? » demanda le démon en tendant la main.

L’ange la serra avec prudence.

« Ce sera probablement plus intéressant que les saints, reconnut-il.

— Et ce sera pour le bien de l’enfant, en fin de compte. Nous lui servirons de parrains, pour ainsi dire. On surveillera son éducation religieuse, en quelque sorte. »

Aziraphale eut un sourire radieux.

« Tu sais, je n’avais pas vu les choses sous cet angle. Des parrains .Ce sera un travail d’enfer !

— C’est pas désagréable, une fois qu’on est habitué », répondit Rampa.

On l’appelait Scarlett. À cette époque, elle vendait des armes, mais elle commençait à s’en lasser. Elle ne conservait jamais longtemps la même profession. Trois, quatre siècles, au grand maximum. Il ne fallait pas s’enferrer dans la routine.

Ses cheveux étaient d’un auburn parfait, ni carotte, ni châtain : un roux cuivré, franc et luisant. Ils lui tombaient jusqu’à la taille, en mèches pour lesquelles les hommes auraient été capables de tuer, ce qui avait souvent été le cas, d’ailleurs. Ses yeux étaient d’un orange étonnant. On lui aurait donné vingt-cinq ans. C’est l’âge qu’elle avait toujours paru.

Elle possédait un camion poussiéreux, rouge brique, rempli d’armements divers, et elle montrait un don presque incroyable pour franchir à son bord toutes les frontières du monde. Elle faisait route vers un petit pays d’Afrique occidentale, où se déroulait une guerre civile de faible envergure, afin d’effectuer une livraison qui, avec un peu de chance, la changerait en guerre civile de grande envergure. Malheureusement, le camion était tombé en panne, et la réparation dépassait même ses capacités.

Pourtant, elle était douée pour la mécanique, de nos jours.

Elle se trouvait alors dans un centre-ville 12 . L’agglomération en question était la capitale du Kumbolaland, une nation africaine qui avait connu trois mille ans de paix. Elle s’était appelée le Sir-Humphrey-Clarcksonland pendant une trentaine d’années, mais comme le pays ne possédait pas la moindre ressource minérale et qu’il avait autant d’importance stratégique qu'une banane, on lui avait permis d’accéder à l’indépendance avec une hâte presque indécente. Le Kumbolaland était un pays pauvre, peut-être, ennuyeux, sans aucun doute, mais pacifique. Ses diverses tribus, qui s’entendaient parfaitement ensemble, avaient depuis longtemps fondu leurs épées pour en faire des socs de charrue. Une bagarre avait éclaté en 1952 entre un conducteur de bœufs éméché et un voleur de bœufs tout aussi éméché ; on en parlait encore.

La chaleur fit bâiller Scarlett. Elle s’éventa avec son chapeau à large bord, abandonna l’épave de son camion dans la poussière de la rue et entra dans un bar.

Elle acheta une bière en boîte, la vida puis lança un sourire au barman. « J’ai besoin de faire réparer mon camion. À qui puis-je m’adresser, dans le coin ? »

Le barman lui rendit un immense sourire aux dents blanches. Il avait été impressionné par sa façon de vider une canette. « Il n’y a que Nathan, Miss. Mais Nathan est reparti à Kaounda visiter la ferme de son beau-père. »

Scarlett paya une autre bière. « Alors ? Ce Nathan ? Vous savez quand il rentre ?

— La semaine prochaine, peut-être. Ou dans quinze jours, chère Miss. Ho, ce Nathan, c’est un vrai vaurien, vous savez ? »