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Reynier le repose avec mille précautions et se décide enfin à rejoindre sa vie.

Tant qu’il en a encore une…

* * *

Il est minuit et Luc est toujours assis sur sa terrasse, plongé dans la lecture d’un livre commencée quelques jours plus tôt.

Il fait encore si chaud qu’il rêve de piquer une tête dans la piscine. Mais Reynier n’apprécierait pas, c’est évident.

Luc pose le bouquin et s’étire. N’ayant pas sommeil, il décide de faire le tour du parc, histoire de se dégourdir les jambes. Et si le chirurgien l’observe, il sera satisfait qu’il fasse une ronde.

Le jeune homme récupère son arme puis descend jusqu’au portail et remonte ensuite le long du mur d’enceinte. Alors qu’il s’apprête à rentrer chez lui, il croise Amanda qui rejoint également ses appartements.

— Qu’est-ce que tu fais dehors à cette heure-là ? s’étonne-t-elle.

— Je faisais une ronde.

— Ah… Évidemment.

— Et toi ? Ils t’ont libérée, ça y est ?

— Oui, ça y est, ils ont terminé leur repas…

— Comment était l’ambiance ? interroge Luc.

— Bof… M. Reynier n’avait pas l’air dans son assiette. Maud non plus, d’ailleurs. Ça se comprend, remarque. Avec ce qui s’est passé ces derniers temps !

— C’est sûr.

— Tu as sommeil ? demande la gouvernante.

— Pas vraiment.

— Alors je t’invite à boire un dernier verre chez moi ! J’ai du Get et de la glace, ça te tente ?

Face à l’hésitation du jeune homme, elle insiste :

— Allez, tu peux boire un verre, non ? Juste un verre, pas plus…

— OK, accepte-t-il en souriant.

En entrant chez elle, il est surpris de la température qui règne à l’intérieur.

— Eh oui ! Mon appart est mieux que le tien. Il est plus grand, mieux équipé et… climatisé !

Luc hausse les épaules.

— Le mien me convient très bien.

Pendant qu’elle sort les verres, la bouteille, la glace et quelques friandises salées, Luc jette un œil à la pièce.

— C’est toi qui as décoré ?

— Oui… enfin, j’ai juste mis deux ou trois photos sur les murs et quelques objets sur les étagères. Histoire de me sentir un peu chez moi.

Luc s’intéresse à deux petites figurines colorées qui flottent dans un vase rectangulaire rempli d’eau.

— Ils sont bizarres, tes poissons rouges ! dit-il.

— Ce sont des marionnettes d’eau, explique Amanda. C’est de l’artisanat vietnamien.

— C’est original et pas besoin de les nourrir, en plus !

— Ça sert à faire des spectacles…

— Tu les as achetées au Vietnam ?

— Je n’ai jamais mis les pieds au Vietnam…

Continuant son inspection, Luc remarque un petit cadre en laiton, finement ciselé, posé sur un semainier. Il le prend pour voir de plus près la photo qu’il protège de manière si délicate.

— C’est qui ?

Comme il n’obtient pas de réponse, il se retourne. Amanda le considère avec un embarras évident.

— Ma mère, dit-elle enfin.

— Elle est belle.

 Était, corrige la gouvernante.

Luc repose précipitamment le cadre.

— Pardon, dit-il.

— Viens t’asseoir.

Il prend place sur le petit canapé et elle s’installe à côté de lui. Tout à côté.

— Elle est morte il y a quelque temps et je n’ai jamais connu mon père, résume-t-elle en remplissant les verres de glace pilée.

Luc est étonné qu’elle se laisse aller de la sorte à ce genre de confidences intimes. Mais d’un regard tout en douceur, il l’encourage à continuer à se livrer.

— Je suis fille unique, alors je n’ai plus de famille.

— Désolé, répond simplement le jeune homme.

Elle reste silencieuse un moment, comme si elle revivait un instant douloureux. Puis elle poursuit sa confession :

— Maman était une femme formidable… Je la regrette beaucoup. Elle m’a élevée seule, avec son petit salaire d’aide-soignante.

— Elle était née en France ?

Amanda sourit.

— Oui, mais elle était d’origine vietnamienne. Mon père était français. Enfin, je crois.

— Elle ne t’a jamais parlé de lui ? s’étonne Luc.

— Vaguement… Mais rien d’intéressant, je t’assure.

Elle lève son verre, signe que la discussion est close.

— À la nôtre ! dit-elle.

La lumière est tamisée, Amanda a même mis un peu de musique en sourdine. Luc a l’impression d’être tombé dans un piège.

Un piège de velours et de soie.

Pourvu que Maud ne m’ait pas vu entrer chez Amanda, sinon je vais encore avoir droit à une scène !

Il a toujours son pistolet, coincé dans la ceinture de son jean et qui lui blesse les reins. Il s’en débarrasserait volontiers sur la table basse, mais craint d’effrayer la gouvernante.

Soudain, elle pose une main sur sa cuisse et remonte jusqu’à son entrejambe. Luc hésite un instant. Il déteste les complications et ce simple geste augure les pires problèmes. Mais comment résister à ses yeux sombres ? À son sourire décidé et ravageur ?

— Ne t’inquiète pas, murmure-t-elle comme si elle pouvait lire dans ses pensées. Tu me plais, c’est tout…

Luc ne dit rien. Mais son regard la dévore déjà.

— On baise et après on oublie, continue la gouvernante. Ça te va ?

En guise de réponse, il caresse son visage et l’attire vers lui. Il l’embrasse, découvre la douceur exceptionnelle de ses lèvres. Amanda soulève son polo et tombe sur le pistolet.

— Une seconde, dit le jeune homme.

Il récupère l’arme et la dépose sur la table, tandis qu’Amanda suit chacun de ses gestes. Elle semble subjuguée par le Glock. Bien plus que par son propriétaire. Elle s’écarte de lui et effleure le pistolet du bout des doigts.

— C’est juste un flingue, murmure Luc, pressé de passer aux choses sérieuses.

Amanda saisit le Glock, l’approche de son visage. On dirait qu’elle est seule avec l’arme, que Luc n’existe plus.

— C’est beau, dit-elle.

— Hein ? Tu rigoles, ou quoi ?

— Non… Je trouve ça fascinant.

— Sérieusement ?

— Oui… Tu te rends compte ? D’une simple pression, on peut donner la mort.

— Et tu trouves ça fascinant  ?

Lentement, elle dirige l’arme vers Luc. Il ne bouge pas d’un millimètre. Tant qu’elle n’ôte pas la sécurité…

— À quoi tu joues ? demande-t-il calmement.

Son sourire a quelque chose d’inquiétant. Et le canon du Glock reste pointé sur le torse de Luc. Pourtant, son visage ne trahit aucune nervosité.

— Tu devrais poser cette arme, dit-il.

— Tu as peur ?

— Non… Pourquoi me tuerais-tu ? Tu as envie de moi, je le sais. Et mort, je serais beaucoup moins sexy, je t’assure !

Soudain, elle part dans un éclat de rire cristallin et Luc en profite pour lui confisquer le Glock en douceur.

— Oublie ce pistolet, dit-il en la prenant dans ses bras.

— Avoue que tu as eu peur, murmure-t-elle près de son oreille.

Il ne répond pas tout de suite, s’appliquant à déboutonner son chemisier. Elle a une peau incroyable. La couleur et le goût du miel.

— Allez, dis-moi que tu as eu peur ! répète-t-elle.

Il plonge ses yeux dans les siens. Mystérieux à souhait.

Il reste collé à elle, mais d’une main saisit le pistolet. Il le fait remonter sur sa peau, depuis sa taille jusqu’à son cou. Il sent que le contact du métal lui procure d’infinis frissons.