Выбрать главу

— Il t’a aspergée de sang ? dit Reynier.

— Oui ! hurle Charlotte. Y en avait des litres !

Elle se remet à pleurer et Armand attrape sa main pour la serrer dans la sienne.

— Calme-toi, chérie. Calme-toi, je t’en prie.

— J’ai cru que j’allais mourir… J’en ai même avalé !

— Il t’a touchée ? demande Armand. Il t’a frappée ou…

— Non… Il m’a juste fait mal au bras pour me tenir. Et… Et il m’a collé une gifle parce que j’ai essayé de m’enfuir.

— Et ensuite ?

— Il m’a jetée hors de la camionnette, sur la route. Et il m’a dit que je ferais mieux de rentrer chez moi. Il m’a dit aussi que si on prévenait la police il… Il tuerait nos enfants.

— Nos enfants  ? répète Armand avec effroi.

Charlotte hoche plusieurs fois la tête.

— Il connaissait même leurs prénoms… Maud et Lukas.

Elle se remet à pleurer, essuie ses larmes avec la paume de sa main. Reynier regarde le sol comme s’il allait s’ouvrir sous ses pieds et l’engloutir.

Luc s’approche du couple, se penche vers Charlotte.

— Il a dit quelque chose d’autre ? Il a dit ce qu’il cherchait ?

— Non… Mais il a ajouté que…

Elle s’arrête une seconde, les deux hommes suspendus à ses lèvres.

— Que tout ce sang, c’était celui que tu avais sur les mains, dit-elle en regardant son mari.

* * *

Luc effectue sa ronde du soir. La température a légèrement baissé, il peut enfin respirer. Apercevant une faible lumière dans le bureau du professeur, il tape trois petits coups sur la vitre. Armand apparaît aussitôt.

— Bonsoir, dit Luc. Je suis en train de faire ma ronde et je voulais prendre des nouvelles de votre épouse…

— Faites le tour, on se retrouve sur la terrasse.

— D’accord.

La fenêtre se referme et Luc se dirige vers la piscine. Reynier le rejoint rapidement.

— On marche un peu ? propose-t-il.

— Si vous voulez.

Ils repartent en direction du parc, sans échanger un mot.

— Je ne veux pas que Maud nous entende, dit le chirurgien quand ils sont suffisamment loin de la maison.

— Bien sûr, répond Luc. Comment va votre femme ?

— Elle s’est calmée, elle va mieux. Mais elle a dû prendre au moins dix douches depuis qu’elle est rentrée…

— Ça doit être traumatisant… Vous croyez que c’était du sang humain ?

— Je n’en sais rien.

— Vous comptez avertir la police ?

— Pourquoi me posez-vous cette question ? Vous savez très bien que non ! dit Reynier d’un ton nerveux. Vous avez entendu ce qu’a dit Charlotte, non ? Vous étiez là ! Il a dit que si on les prévenait, il tuerait Maud et Lukas !

— Oui, j’ai entendu, mais…

— Il faut qu’on règle ce problème nous-mêmes, conclut Reynier.

— Nous-mêmes  ? Mais nous ne sommes pas des justiciers, monsieur !

Reynier se plante face à lui.

— Pour la dernière fois, je ne veux pas que les flics se mêlent de mes affaires. C’est clair ?

Luc refuse d’acquiescer.

— Faites comme vous voulez, répond-il simplement. Mais je crains que vous ne parveniez pas à vous en tirer tout seul.

— Je vais retrouver l’identité de ce salopard et le faire payer ! Il s’en est pris à ma fille et maintenant à ma femme…

— Justement, il faudrait prévenir…

— Stop ! s’écrie Reynier. Inutile de revenir là-dessus. Je ne prendrai pas ce risque, c’est clair ? Cet enfoiré finira bien par commettre un faux pas et vous et moi lui ferons passer l’envie de recommencer.

Luc secoue la tête.

— Vous êtes malade, ma parole !

— Je ne peux pas les prévenir… Vous ne comprenez donc rien ?

Luc allume une cigarette.

— Oh si, je comprends ! dit-il d’une voix sombre. Je comprends que vous êtes coupable de quelque chose de grave. Et pas seulement de ne pas avoir déclaré vos dessous-de-table.

Les deux hommes se fixent un moment dans la pénombre. Mais aucun ne baisse les yeux.

— Si les flics se mettent à fouiner dans les comptes de la clinique, je peux mettre la clef sous la porte, révèle Armand.

— C’est seulement une histoire de comptes ?

— Seulement  ? Mais dans quel monde vivez-vous, mon garçon ? rétorque Armand avec un sourire amer. S’ils me tombent dessus, je suis mort. Vous comprenez ça ? Mort !

— Je vois… Et pour ne pas perdre votre clinique, vous êtes prêt à perdre votre fille ou votre femme ? provoque le jeune homme.

— Ne dites pas des choses pareilles ! Bien sûr que non… De toute façon, les flics ne nous seront d’aucune utilité.

— Peut-être que Charlotte a vu la plaque d’immatriculation du fourgon ?

— Je le lui ai demandé, dit Reynier en se remettant à marcher. Et la réponse est non. Les flics ne le retrouveront pas, je vous dis. Il faut qu’on se débrouille tout seuls.

Cette fois, c’est Luc qui s’immobilise.

— Ce sera sans moi, dit-il.

Reynier fait demi-tour pour se poster devant lui.

— Vous n’allez tout de même pas me laisser tomber ?

— Je ne veux pas entrer dans votre jeu, monsieur. Et je suis persuadé que vous me cachez des choses…

Ils sont près du bassin et Armand invite Luc à s’asseoir sur le banc.

— Écoutez, Luc, j’ai besoin de vous. Maud a besoin de vous. Ce fumier n’en restera pas là et vous le savez… Les flics ne feront rien pour nous protéger, j’en suis certain. La preuve : ils ne lui ont pas mis la main dessus après l’agression de ma fille…

Luc ne peut pas nier l’évidence et décide de laisser parler son interlocuteur. Voir jusqu’où il veut l’emmener.

— J’ai commis des fautes, vous le savez. Si les comptes de la clinique sont épluchés, je vais devoir payer des sommes astronomiques. Et sans doute faire de la prison. Je ne veux pas laisser des dettes à Maud. Vous pouvez accepter cette idée ?

— Ce que j’ai du mal à accepter, c’est que vous vous êtes illégalement enrichi. Et je suis sûr que ça ne s’arrête pas là. Parce que cet homme ne vous reproche pas d’avoir fraudé le fisc. Il vous reproche d’avoir du sang sur les mains… Et apparemment, une bonne quantité.

— Il ment ! s’écrie Reynier. Il ment, je vous dis ! Il ment ou il se trompe…

Luc ne semble pas convaincu par ce cri du cœur. Il reste silencieux, Reynier est obligé d’insister.

— Écoutez, Luc, je vous ai accordé ma confiance et je vous demande de m’accorder la vôtre. De ne pas me laisser tomber alors que j’ai tant besoin de vous… Dites-moi ce que vous voulez et vous l’aurez.

Luc écrase sa cigarette par terre. Aux pieds du chirurgien.

— Je ne veux rien, monsieur. Rien du tout.

— Allons, Luc…

— C’est bon, je vais rester. Mais ne me demandez pas de vous faire confiance !

— Merci, Luc. Merci beaucoup…

— Je ne peux pas veiller sur Maud et votre épouse en même temps. Sauf quand elles sont ici, bien entendu… Si elles sortent, je ne peux pas me couper en deux !

— J’en ai conscience… Et je vais leur demander la plus grande prudence.

— Vous savez, aujourd’hui, ce type aurait pu tuer votre femme. S’il avait voulu, c’était l’occasion rêvée. Elle était seule, sur une route déserte… Et pourtant, il ne l’a pas fait.

— Que cherchez-vous à me dire ?