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Luc repose son magazine et sourit à une infirmière qui passe par là, se hâtant vers une urgence imaginaire ou réelle. Dès qu’elle a disparu, Luc se lève pour faire quelques pas. Il s’arrête devant la porte du bureau de Reynier. L’antre depuis lequel il dirige sa florissante entreprise.

D’une main de fer, sans aucun doute.

Luc teste la poignée, la porte résiste. Dommage, il se serait bien imaginé dans le fauteuil du boss…

— Bonjour, Luc.

En se retournant le jeune homme se retrouve nez à nez avec le chirurgien. Il ne l’avait jamais vu vêtu de sa blouse blanche, ça lui fait un drôle d’effet. De toute façon, en smoking comme en pyjama, cet homme est toujours élégant, Luc doit bien le reconnaître.

— Bonjour, monsieur.

— Désolé de vous avoir fait attendre, poursuit Armand en donnant un tour de clef.

Luc découvre le bureau du professeur, spacieux et lumineux, avec une large baie vitrée donnant sur le parc arboré.

— Asseyez-vous, propose Reynier.

Luc pose tout son attirail de motard sur l’un des deux fauteuils, s’assoit dans l’autre.

— J’ai besoin d’un café… Vous en voulez un ?

— Oui, merci.

Reynier appuie sur un bouton, sa secrétaire répond immédiatement.

— Blandine, apportez-nous deux cafés, s’il vous plaît.

— Tout de suite, professeur.

Ici aussi, on lui obéit au doigt et à l’œil.

— Alors ? s’impatiente soudain Reynier.

— Ce n’est plus Michel Abramov qui habite à cette adresse. C’est un certain M. Brémond. J’ai pris sa boîte aux lettres en photo et puis, par acquit de conscience, j’ai attendu de voir l’homme sortir de sa maison. Et ce n’était pas l’agresseur de Maud, je vous le garantis. Désolé…

Le chirurgien ne cache pas sa déception.

— Merde…

— Peut-être que c’est bien Abramov qui vous en veut, poursuit Luc, mais il peut aussi avoir payé quelqu’un pour faire le sale boulot.

— Vous croyez ?

Le jeune homme hausse les épaules.

— Ce n’est pas impossible. Mais à ce stade, nous ne pouvons pas le savoir.

Le professeur attrape un stylo et forme des cercles sur le cuir de son bureau.

— C’est vraiment très contrariant.

— Je sais, monsieur.

Reynier balance son stylo et fait pivoter son fauteuil en direction du parc. Tournant le dos à Luc, il continue à maugréer.

— Très contrariant… J’espérais qu’on allait retrouver ce malade…

— Navré… Je vais faire des recherches pour retrouver Michel Abramov. Il faut que je voie son visage pour qu’on en ait le cœur net.

— Et comment allez-vous faire ?

— J’ai quelques relations qui vont pouvoir m’aider, explique Luc. Mais il faudrait que vous me donniez son numéro de Sécurité sociale, ça serait très utile.

— Pas de souci, je dois l’avoir dans son dossier.

— Si Abramov est toujours en vie et qu’il habite encore en France, je le saurai. À moins que…

— À moins que quoi ?

— À moins qu’il ait changé d’identité. Auquel cas, c’est foutu.

— On ne change pas d’identité comme de chemise, souligne Armand.

Puis il se retourne brusquement.

— Ma femme m’a appelé ce matin, annonce-t-il. Malgré mes ordres, Maud est sortie.

— Pour aller où ? demande Luc.

— Aucune idée. Et ce qui m’inquiète, c’est qu’en quittant le bloc, j’ai eu Amanda au téléphone et que Maud n’est toujours pas rentrée…

— Je vais aller la chercher, dit Luc calmement.

— Vraiment ? Et comment comptez-vous la retrouver ?

— C’est mon boulot.

— Votre boulot  ? répète le chirurgien avec un sourire cynique. Vous êtes chien de chasse ou garde du corps ? Vous pouvez flairer ma fille à des kilomètres à la ronde ?

— Non, c’est beaucoup plus simple que ça. Je suppose qu’elle a pris sa voiture ?

— Exact… Et alors ?

— Alors, j’ai posé un mouchard sous l’aile avant droite, annonce Luc.

Le professeur écarquille les yeux.

— Vous avez fait quoi  ?

— Vous avez très bien entendu.

— Mais…

— Ne faites pas cette tête, monsieur Reynier. Je ne l’ai pas activé et ne le ferai pas sans votre accord. C’était au cas où ce genre de situation se présenterait.

— Vous m’étonnerez toujours…

— J’espère bien. Alors, voulez-vous que je la retrouve ?

— Évidemment… Vous pouvez me dire où elle est ?

— Non, je ne peux pas. Je vais m’en servir pour la retrouver et lui proposer de rentrer à la maison. Mais elle est majeure et je n’ai pas à vous dire où elle se trouve si ce n’est pas ce qu’elle souhaite.

Le visage de Reynier change de couleur. L’Etna, juste avant l’irruption.

— Vous plaisantez, j’espère ?

— Pas le moins du monde. Ce qui m’importe, c’est de vérifier qu’elle est en sécurité. Pas de la fliquer et de vous faire un rapport.

Le chirurgien se lève et s’apprête à hurler lorsque sa secrétaire entre dans le bureau avec le café.

— Posez ça là, ordonne-t-il.

Blandine s’éclipse bien vite, heureuse de ne pas être la cible de la colère de son patron. Luc prend la parole, ne laissant pas le temps à Reynier de déverser son fiel.

— Je vais d’abord lui téléphoner et si la situation me semble inquiétante, j’activerai le mouchard pour la localiser.

— Vous croyez que je n’ai pas essayé d’appeler ma fille ? fulmine le professeur.

— Si c’est moi, elle décrochera sans doute.

Il a l’impression que Reynier va lui sauter à la gorge.

— Appelez-la. Maintenant !

— Non, monsieur. Si elle ne veut pas que vous sachiez où elle est, il est hors de question que vous puissiez entendre notre conversation.

— Bordel de merde ! hurle le chirurgien. C’est moi qui vous paye et vous allez obéir !

Luc se lève à son tour. Histoire que leurs yeux soient à la même hauteur.

— Du calme, professeur. Inutile de vous énerver, vous n’obtiendrez rien de plus. Je suis payé pour assurer la sécurité de votre fille, pas pour l’espionner.

Reynier tente de recouvrer un semblant de calme.

— Ce qui vous importe, c’est qu’elle revienne saine et sauve à la maison, non ?

— Évidemment ! s’écrie Armand.

— Alors laissez-moi gérer ça.

— Bon, nous reparlerons de tout cela, je vous le garantis… Dès ce soir.

— À votre disposition, monsieur.

— En attendant, retrouvez ma fille. Et si ce n’est pas contraire à vos principes, merci de me tenir au courant de la situation.

— Je n’y manquerai pas. Vous pouvez compter sur moi, monsieur.

Luc récupère son casque, son sac et sort sans ajouter un mot.

— Vous pouvez compter sur moi, monsieur, murmure-t-il en arpentant le couloir. Mais pour qui tu me prends, sale con !

25

Maud décroche dès la seconde sonnerie.

— Salut, c’est Luc. Comment tu vas ? s’enquiert le jeune homme.

— Impeccable, prétend Maud.

— Tu es où ?

Elle ne répond pas tout de suite, Luc écoute sa respiration un peu rapide.

— Je me balade, dit-elle finalement.

— Je peux te rejoindre ?

Là encore, elle hésite.