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— J’ai autre chose à foutre ! rétorque Reynier. Alors si t’as rien d’intéressant à me dire, je raccroche.

— Holà ! Doucement, toubib… Tu ne voudrais pas que j’aille rendre une petite visite à ta fille, n’est-ce pas ?

La tension artérielle d’Armand monte en flèche. Jusqu’à atteindre des sommets.

— Laisse ma fille tranquille, espèce d’enculé !

— Reste poli. Sinon tu vas le regretter…

Dans un effort surhumain, Reynier s’impose le silence.

— Elle est si jolie, ta fille. Si jolie et si fragile, soupire l’homme.

— Elle est sous bonne garde, rappelle Reynier.

L’inconnu éclate de rire.

Un rire glaçant. Comme sorti des profondeurs d’une caverne humide.

— Tu parles du petit gars qui a peur de son ombre ? Allons, Reynier, soyons sérieux ! Tu crois quand même pas que c’est cet avorton qui va m’empêcher de baiser ta fille si j’en ai envie ?

Reynier ferme les yeux. Il a envie de hurler. De tuer. De serrer ses mains sur quelque chose.

— Maintenant, tu vas m’écouter attentivement, reprend l’homme d’une voix effrayante. Je sais tout des saloperies que tu as commises. Tout, tu entends ? Et si tu veux que je garde ça pour moi, va falloir te montrer généreux. C’est clair ?

Reynier sent une sorte de soulagement s’emparer de lui. Ce salaud veut du fric.

Et du fric, Reynier en a plein les poches.

— Combien tu veux ?

— Combien vaut la vie de ta fifille chérie ?

— Combien tu veux ? répète Armand d’une voix ferme.

— Deux cent cinquante mille euros, en petites coupures. Je te laisse vingt-quatre heures pour réunir la somme. Je te rappelle demain soir pour te fixer un rendez-vous.

— J’ai besoin de plus de temps ! s’insurge Reynier.

— Pas une minute de plus… Et si tu alertes les flics, je te jure que tu le regretteras jusqu’à la fin de tes jours. Parce que si tu les mêles à nos histoires, je viens chercher ta fille, je la découpe en petits morceaux et je te les renvoie par la poste. C’est bien compris ?

— Je n’appellerai pas la police.

— Parfait ! Alors à demain, professeur.

L’homme raccroche et Reynier se laisse aller en arrière dans son fauteuil. Il a l’impression qu’on vient de le tabasser à coups de crosse. Et lorsqu’il compose le numéro de Luc, sa main tremble encore.

36

Luc s’arrête pour décrocher.

— Oui ?

— C’est moi. Il vient de m’appeler…

— Vrai… ment ?

— Qu’est-ce qui vous arrive ?

— Je suis en plein jogging, explique Luc en reprenant son souffle.

— Désormais, vous éviterez de sortir de la propriété, ordonne Armand. Il menace encore de s’en prendre à Maud, vous ne devez pas vous éloigner.

— D’accord, promet Luc. Que vous a-t-il dit ?

Reynier lui fait un topo rapide. Luc sent une nervosité extrême derrière chacun de ses mots.

— Vous aviez donc raison, admet-il.

— Je vous l’ai dit : le fric intéresse tout le monde. Tout le monde sans exception.

— Espérons qu’il en restera là.

— On en reparlera ce soir, conclut le professeur. Je dois descendre au bloc dans une demi-heure.

— Bien, monsieur. Je rentre immédiatement.

— Restez sur vos gardes… Ce fumier est capable de tout.

— N’ayez crainte. S’il se pointe, je lui ferai regretter d’être en vie.

Armand raccroche et Luc repart en petites foulées jusqu’à la propriété. Il vient de courir pendant une heure dans la relative fraîcheur du matin. Et se demande comment il fera pour s’en passer à l’avenir…

Il remonte l’allée qui mène à la maison puis s’assoit sur la terrasse. Il vide une demi-bouteille d’eau, enlève son tee-shirt trempé. Il a une faim de loup et se hâte de prendre sa douche avant de rejoindre la maison.

La porte de la cuisine est ouverte, Amanda s’active déjà. Luc entre sans faire de bruit et l’enlace par surprise. Elle sursaute et pousse un petit cri.

— Tu m’as fait peur…

— Désolé pour cette nuit, dit-il en déposant un baiser dans son cou. Tu me pardonnes ?

— T’as faim, c’est ça ?

Il se met à rire.

— Terriblement faim !

Elle lui prépare un café et dépose devant lui de quoi le rassasier. Lorsqu’elle s’assoit, il lorgne son décolleté plongeant. La tigresse est très en beauté, ce matin.

— Cette coiffure te va à ravir, dit-il.

— Merci. Tu as du linge à laver ? C’est le jour de la lessive !

— Oui, je te l’apporterai tout à l’heure… Merci de prendre soin de moi.

— C’est mon boulot.

— Il me semble que tu vas bien au-delà de tes obligations, ajoute Luc avec un clin d’œil.

— Et si tu veux que ça continue, faudra que tu…

Elle s’interrompt au moment où Maud pousse la porte de la cuisine.

— Bonjour, Maud ! lance-t-elle. Bien dormi ?

La jeune femme ne répond pas. Elle attrape une tasse dans le placard, se sert un café.

— Attends, je vais le faire, dit Amanda.

— C’est bon, je peux me débrouiller toute seule.

— Mais…

— Je suis pas handicapée, d’accord ? Alors, tu me lâches !

La gouvernante reste interdite quelques secondes, ne sachant pas quelle attitude adopter. Un froid polaire vient de s’abattre dans la pièce. Maud embrasse Luc sur la joue et s’assoit près de lui. Il la dévisage un instant, avec la curieuse impression qu’elle a vieilli.

En une nuit seulement.

— Tu ne te sens pas bien ? demande-t-il.

— Très bien, au contraire, prétend-elle.

Elle a des cernes, le regard un peu flou. Des gestes hésitants. Elle porte un bermuda en jean et il remarque un pansement sur sa cuisse gauche.

— Tu t’es blessée ?

Elle soupire, comme si cette conversation l’agaçait profondément.

— C’est rien, je me suis coupée.

— Coupée  ? Avec quoi ?

— Ça n’a pas d’importance, conclut-elle sans même le regarder.

Amanda, debout près du plan de travail, essaie de réchauffer l’ambiance.

— Tu veux que je te prépare des gaufres ?

Maud la fusille du regard.

— Non, je n’ai pas faim.

— Ah bon ? Mais le matin, d’habitude, tu…

La jeune femme prend sa tasse et se dirige vers la porte. En passant près d’Amanda, elle s’arrête et la fixe droit dans les yeux.

— Eh bien ce matin, j’ai la gerbe. Y a une saloperie que j’ai pas digérée. Un truc bien dégueulasse…

Puis elle quitte la pièce en claquant la porte.

— Mais qu’est-ce qu’elle a ? murmure la gouvernante. Je ne l’ai jamais vue comme ça !

Luc soupire à son tour. Depuis que Maud est entrée dans la pièce, depuis qu’il a vu son regard, il sait.

— Elle a compris pour nous deux, dit-il.

— Tu crois ?

Il hoche la tête.

— J’en suis sûr. Et c’est la merde.

— Mais… il y a quelque chose entre Maud et toi ?

— Absolument rien, répond Luc en terminant son café. Seulement dans ses rêves…

Luc prend une profonde inspiration avant de taper à la porte.

Évidemment, elle ne répond pas.

Alors, il insiste. Bien décidé à crever l’abcès, avant que la situation ne dégénère.

— Maud, ouvre, s’il te plaît. Je voudrais te parler.