Выбрать главу

— Excellente idée, Luc. Je vais les appeler et leur dire que j’ai causé la mort d’un petit garçon de neuf ans. Je vais aussi leur expliquer qu’il y a cinq ans, j’ai fait un faux témoignage, que j’ai menti à un juge et incité trois de mes collaborateurs à faire pareil. Pendant que j’y suis, je vais leur dire que j’ai planqué du fric à l’étranger et que j’ai trafiqué les comptes de la clinique… Vous croyez qu’ils vont réagir comment ?

— OK, oubliez ce que je viens de dire.

— Ça vaut mieux, en effet. Vous avez une bière au frigo ?

Luc se lève et rapporte deux canettes.

— Vous voulez un verre ?

— Ça ira, merci… Avez-vous des nouvelles de vos amis ? Ceux qui pourraient vous permettre de loger Michel Abramov.

— Oui, j’allais justement vous en parler… Malheureusement, ils ont fait chou blanc. Abramov a disparu de la circulation.

— Comment est-ce possible ? On ne disparaît pas comme ça, bon sang !

— Si, dit Luc, on peut très bien disparaître… Il a sans doute changé d’identité. Niveau Sécurité sociale, ses droits ont été fermés il y a plusieurs mois. Il n’a plus de compte client chez les fournisseurs d’énergie non plus…

— Mais il habite bien quelque part ! Il reçoit bien des factures, non ?

— Il loue peut-être un appartement au black, sous un faux nom. Ou alors, il sous-loue à quelqu’un qu’il règle en liquide. Ça se fait, vous savez…

— Quelle merde ! Impossible de le retrouver, alors ?

— Mes connaissances continuent à chercher et il y a encore quelqu’un qui pourrait nous aider mais que je n’ai pas réussi à joindre pour le moment parce qu’il est en mission à l’étranger… Toutefois, mieux vaut cesser d’espérer de ce côté-là.

Reynier pousse un soupir de lassitude.

— Luc, j’aimerais que vous dormiez dans la maison.

Le jeune homme le considère avec étonnement.

— Il y a une chambre d’amis très confortable, ajoute Reynier.

— Vous savez, je peux être sur place en moins de deux minutes.

— Ça me rassurerait beaucoup, insiste Armand. En deux minutes, on a le temps d’assassiner quelqu’un…

— D’accord.

— Parfait. Ce soir, vous dînerez avec nous. Et à partir de maintenant, vous passerez vos nuits dans la maison.

En regardant le chirurgien s’éloigner, Luc songe qu’il doit vraiment être mort de trouille pour souhaiter le voir s’immiscer entre Maud et lui.

* * *

Maud pénètre dans le bureau et son père lui sourit.

Un sourire un peu crispé.

Un regard un peu différent.

Mais son père n’est pas dans son état normal, ces derniers temps.

— Tu n’as toujours pas récupéré tes masques ? demande-t-elle en s’asseyant en face de lui.

— Non, l’expert n’a pas terminé.

— Tu as l’air fatigué…

— Non, pas du tout… Ne t’inquiète pas. Et toi ? Comment ça va ?

Elle hausse les épaules. Puis elle fixe ses pieds, comme une petite fille qui a quelque chose à avouer mais n’ose pas.

— Qu’est-ce qu’il y a, ma chérie ? Tu as des problèmes ?

— Non, mais… Je crois que tu devrais virer Amanda.

Reynier écarquille les yeux.

— Pourquoi tu dis ça ?

Maud hésite.

— Elle couche avec Luc.

— Pardon ?

— Elle couche avec Luc, je te dis !

— Et comment tu sais ça ?

— Je regardais par la fenêtre, hier soir, et je les ai vus. Aucun doute possible.

Reynier fait basculer son fauteuil vers l’arrière, visiblement contrarié par les propos de sa fille.

— Et alors ? Qu’est-ce que tu en as à faire, qu’ils couchent ensemble ?

Elle ne répond pas immédiatement et les craintes de Reynier prennent une nouvelle ampleur.

— Tu es jalouse, c’est ça ?

— Mais non, papa… Je trouve juste que c’est un manque de respect envers toi… Tu le payes pour me protéger, non ? Pas pour tirer son coup avec Amanda ! Et s’il arrive quelque chose, hein ? Si le type se pointe, Luc sera bien trop occupé pour intervenir !

— Tu as raison, concède son père.

— Tout ça, c’est la faute de cette fille ! crache Maud. C’est une putain d’allumeuse…

Le professeur hoche la tête sans aucune conviction, juste pour faire plaisir à sa fille. Et pour cacher que lui aussi est jaloux.

— Tu vas la virer ? espère Maud.

— Non. J’ai besoin d’elle. Mais ça n’arrivera plus, je te le garantis.

Soudain, la peur transforme le visage de Maud. Pourvu qu’il ne congédie pas Luc !

— À partir de cette nuit, Luc dormira dans la chambre d’amis, ajoute Armand au grand soulagement de sa fille.

— Vraiment ?

Reynier hoche la tête.

— Je le lui ai demandé tout à l’heure, justement.

Maud fronce les sourcils.

— Tu lui as demandé de dormir ici ? Mais pourquoi ?… Qu’est-ce que tu me caches, papa ?

Armand se lève et se poste devant la fenêtre, tournant le dos à sa fille.

— Le type qui t’a agressée est toujours après moi, révèle-t-il. S’il s’en est pris à toi, c’était pour me faire du mal…

— Mais pourquoi ?

— Il s’agit visiblement d’un maître chanteur.

Reynier se retourne avant d’ajouter :

— Il sait certaines choses sur moi et menace de tout déballer si je ne le paie pas.

— Putain… C’est quoi, ces choses ?

Le professeur hésite un instant, ne sachant pas jusqu’où il doit aller. Jusqu’à quelle vérité. Ou quel mensonge. Lever le voile, ne serait-ce qu’un peu, serait prendre un risque. Mais il n’a plus vraiment le choix.

— Il y a cinq ans, j’ai opéré un jeune garçon et il est mort des suites de l’opération…

— Je m’en souviens, murmure Maud.

— À l’époque, le père a porté plainte mais n’a pas eu gain de cause. Luc et moi pensons que c’est lui qui a orchestré tout ça, pour se venger. Et qu’il paye un homme de main pour nous foutre la trouille. Et ce matin, il m’a appelé pour me demander du fric.

— Et tu vas le lui donner ?

— Je n’ai pas d’autre choix. Ce qui compte, c’est te protéger. Quel qu’en soit le prix.

— Mais pourquoi tu ne préviens pas les flics ?

— Maud, écoute… au moment du procès, j’ai menti. J’ai fait un faux témoignage. Ce garçon est mort par ma faute. C’était un accident, j’étais épuisé et j’ai commis une erreur… Mais n’empêche que je suis responsable et que ce type le sait.

— Merde, c’est pas vrai…

— J’espère que quand il aura son fric, il nous foutra la paix. Et… Et je suis vraiment désolé que tu aies eu à souffrir par ma faute.

Il baisse la tête et serre le dossier de son fauteuil entre ses mains.

— J’espère que tu me pardonneras…

Maud vient se réfugier dans ses bras.

— Bien sûr que je te pardonne, dit-elle. Mais tu aurais dû tout me dire, papa.

— Je sais, ma chérie. Je voulais te préserver de toute cette merde, j’ai été idiot.

Il caresse son visage, tente de lui sourire.

— Ça va aller. Ne t’inquiète pas…

— Personne n’est plus fort que toi, dit-elle. Personne…

37

Luc a pris ses nouveaux quartiers. La chambre est spacieuse, joliment décorée et dotée d’une salle de bains. Malgré tout, il préférait son petit appartement.