Выбрать главу

— Ce type est un malade mental, ma chérie ! Dieu seul sait de quoi il est capable !

— Tu es sûr que c’est le même que celui qui m’a agressée ?

— Quasiment sûr, oui.

— Ben c’était pas lui sur la moto. Rien à voir ! L’autre taré est bien plus costaud que ça !

— Tu as raison, pardon de t’avoir fait peur, dit Luc d’un ton rassurant.

— Prenez la prochaine à droite, ordonne le professeur en essayant de retrouver une voix normale.

Luc s’exécute et l’Audi s’engage sur une grande avenue.

— Garez-vous là, indique Reynier.

— C’est un espace pour les livraisons…

— Pas grave, vous resterez dans la bagnole.

Luc stoppe la voiture le long du trottoir, devant une bijouterie. Tandis que Maud et son père entrent dans la boutique de luxe, Luc allume une cigarette. Il s’avance vers la vitrine et admire les quelques bijoux exposés. Au bout de deux minutes, il a fait son choix. Un collier en or gris, serti d’une trentaine de petits diamants.

Marianne adorerait celui-ci, c’est certain. Et le porterait à merveille. Il se colle à la vitrine pour tenter de voir le prix inscrit sur une minuscule étiquette blanche.

Vingt et un mille euros.

Soudain, une main gantée saisit le collier et le soustrait au regard de Luc.

C’est aussi celui que Reynier a choisi pour sa fille.

Alors, le jeune homme piétine son mégot avec rage et remonte dans la voiture.

* * *

Luc fait sa ronde, longeant le mur d’enceinte de la propriété. Vérifiant que chaque porte est bien verrouillée.

Puis il retourne dans la maison et monte directement à l’étage. Il avale deux antalgiques et s’allonge sur son lit.

Il a l’impression d’être en cage.

Mais bientôt, tout sera terminé. D’une façon ou d’une autre, il retrouvera sa liberté.

Il récupère sur sa table de chevet la lettre reçue le matin même. Il déchire délicatement l’enveloppe blanche et déplie la feuille.

Mon chéri,

Aujourd’hui, je me sens un peu lasse. Sans doute parce qu’il y a trop longtemps que je ne t’ai pas vu. Oh, ce n’est pas un reproche, ne crois pas ça ! Je sais à quel point tu es pris par ton travail et je sais aussi que tu n’as pas forcément la possibilité de t’absenter.

Peut-être qu’une fois ta mission terminée, tu passeras me rendre une petite visite ?

Ce matin, je suis allée faire quelques courses et je suis entrée dans une librairie vers la place Masséna. Je me suis acheté deux livres et lorsque je suis passée près du rayon pour la jeunesse, j’ai pensé à toi… Quand tu étais petit, tu adorais que je te lise des histoires. Chaque soir, tu refusais de t’endormir si je ne t’avais pas fait la lecture.

Et même quand tu as su lire, tu as voulu qu’on continue. Tu disais que ma voix t’aidait à ne pas faire de cauchemars.

J’espère que, même si je ne suis plus là pour te lire des histoires de chevaliers, de princesses et de dragons, tes rêves sont sereins…

Lorsque tu étais à l’école primaire, tu voulais devenir écrivain ! Tu t’en souviens ? Alors que tous les garçons de ton âge souhaitaient être un jour pilote d’avion, astronaute ou pompier, toi tu rêvais d’un destin de romancier. On a l’habitude de dire qu’il n’est jamais trop tard… Tu devrais méditer là-dessus, même si je sais que tu aimes ton métier.

Parfois, lorsque je n’ai pas trop le moral, je me dis que j’ai raté des choses avec toi. J’étais quelquefois trop occupée par mon travail, pas assez présente.

Tu as manqué d’un père, ça aussi je le sais. Mais j’ai fait de mon mieux pour le remplacer, ou du moins pallier son absence.

Peut-être aurais-tu souhaité que je rencontre quelqu’un ? Qu’un homme vienne partager notre vie ? Nous n’en avons jamais parlé, tous les deux.

Je sais que tu as souffert, Luc. Je sais que je n’ai pas toujours été la meilleure mère du monde. Mais on commet tous des erreurs et j’espère que tu as pardonné les miennes. Elles étaient bien involontaires…

Prends soin de toi, mon fils.

Ta maman qui t’embrasse aussi fort qu’elle t’aime.

Luc essuie une larme puis range la lettre dans le tiroir.

Il consulte sa montre : dix-sept heures. Il repense à cette drôle de journée.

Après la bijouterie, Reynier a voulu déjeuner à la meilleure table de la région. Luc n’avait jamais mangé dans un restaurant étoilé. Reynier aurait sans doute préféré qu’il se contente d’un sandwich dans la voiture, là où est sa vraie place. Mais Maud n’aurait pas apprécié. Du coup, le garde du corps s’est retrouvé à la table des maîtres. Défilé de serveurs, de plats et d’excellents vins. Reynier n’a même pas tiqué au moment de l’addition, sans doute astronomique.

Luc l’a observé durant tout le repas, tandis qu’il jouait au père modèle et attentionné. Tentant de rattraper des années d’erreurs en une seule journée.

Un père modèle incapable de voir que sa fille chérie était une junkie en manque.

Luc l’a trouvé pathétique, ne parvenant toutefois pas à s’en émouvoir.

Après le déjeuner, Maud a voulu rentrer, à la grande déception de son père. Dès qu’ils sont arrivés à la maison, elle est montée dans sa chambre où elle s’est enfermée à double tour.

Luc tourne la tête ; Marianne est allongée près de lui. Endormie, elle ressemble à un ange. Il vient se coller contre elle, sent la douceur de sa peau contre la sienne. Lui murmure des mots qu’il ne dira jamais à personne.

Il entend Maud quitter sa chambre, prie pour qu’elle ne vienne pas dans la sienne. Mais la jeune femme s’éloigne dans le couloir et descend au rez-de-chaussée.

Alors, Luc peut s’endormir dans les bras de la femme qu’il aime.

Une heure plus tard, il est brutalement arraché à son sommeil. Avant qu’il ait le temps de soulever sa tête de l’oreiller, Reynier est à côté de son lit.

— Réveillez-vous ! hurle-t-il.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Maud a disparu !

— Hein ?

— Maud a disparu, j’vous dis !

— Calmez-vous…

Luc se met debout avec une grimace douloureuse.

— Sa voiture n’est plus dans le garage !

— Vous avez essayé de l’appeler ?

— Évidemment ! s’écrie le professeur. Elle ne décroche pas… J’étais enfermé dans mon bureau, je ne l’ai pas entendue s’en aller !

— Ne paniquez pas, monsieur. Je vais la retrouver.

Luc attrape son téléphone, mais tombe à son tour sur la messagerie de la jeune femme.

— C’est Luc… On est inquiets. Rappelle-moi pour me dire où tu es, s’il te plaît.

Il raccroche et tourne la tête vers le père, figé au milieu de la chambre.

— Bon, je pars à sa recherche.

— Je viens avec vous !

— Non. Vous, vous restez ici. Branchez l’alarme, fermez les portes et les volets et ne sortez sous aucun prétexte.