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– D'après le patron, dit Vernant, Dompierre avait habité ce quartier étant gosse. Ça lui plaisait d'y revenir.

On avait enlevé le corps. Il ne restait plus au sol que l'inévitable tracé de craie qui contournait la silhouette.

– La porte était-elle encore ouverte ce matin? demanda Leguennec.

– Refermée, dit Vernant. Sans doute par le client matinal qui est sorti vers sept heures trente, d'après le patron. Dompierre avait encore la clef de la porte dans sa poche.

– Et ce client n'a rien remarqué?

– Non. Et sa voiture était pourtant garée tout près du corps. Mais à sa gauche, la portière du conducteur placée de l'autre côté. Si bien que sa voiture, une grosse R 19, lui masquait tout à fait le cadavre. Il a dû démarrer sans se rendre compte de rien, en marche avant.

– Bon, conclut Leguennec. Je vous suis, Vernant, pour les formalités. Je suppose que vous ne voyez pas d'inconvénient à me transférer le dossier?

– Du tout, dit Vernant. Pour le moment, la piste Siméonidis semble la seule convaincante. Vous prenez donc la relève. Si rien n'en sort, vous me repasserez le paquet.

Leguennec déposa Vandoosler à une bouche de métro avant de rejoindre Vernant à son commissariat.

– Je passerai dans ton coin tout à l'heure, lui dit-il. J'ai des alibis à vérifier. Et d'abord, joindre le ministère pour savoir où se promène Pierre Relivaux. À Toulon ou ailleurs?

– Une partie de cartes ce soir? Une baleinière? proposa Vandoosler.

– On verra. Je passerai en tout cas. Qu'est-ce que tu attends pour faire installer le téléphone chez toi?

– L'argent, dit Vandoosler.

Il était presque midi. Soucieux, Vandoosler chercha aussitôt une cabine téléphonique avant de prendre le métro. Le temps de traverser tout Paris et le renseignement pourrait lui échapper. Il se méfiait de Leguennec. Il composa le numéro du Tonneau et eut Juliette en ligne.

– C'est moi, dit-il. Est-ce que tu peux me passer Saint Matthieu?

– Ils ont trouvé quelque chose? demanda Juliette. Ils savent qui c'est?

– Si tu crois que ça se fait comme ça, en deux heures. Non, ça va être compliqué, impossible peut-être.

– Bien, soupira Juliette. Je te le passe.

– Saint Matthieu? dit Vandoosler. Réponds-moi tout bas. Est-ce qu'Alexandra déjeune ici aujourd'hui?

– C'est mercredi, mais elle est là avec Cyrille. Elle a pris ses habitudes. Juliette lui fait des petits plats extra. Aujourd'hui, le petit a de la purée de courgettes.

Sous l'influence maternelle de Juliette, Mathias se mettait à apprécier la cuisine, c'était évident. Peut-être, pensa rapidement Vandoosîer, cet objet d'intérêt pratique l'aidait-il à se garder d'un objet d'intérêt bien plus prenant, Juliette elle-même et ses belles épaules blanches. À sa place, Vandoosler se serait jeté sans embarras sur Juliette plutôt que sur de la purée de courgettes. Mais Mathias était un gars compliqué, mesurant ses actions, ne s'exposant pas en terrain découvert sans avoir longuement réfléchi. À chacun son truc avec les femmes. Vandoosler ôta de son esprit les épaules de Juliette, dont l'image le faisait légèrement frémir, surtout quand elle se penchait pour attraper un verre. Ce n'était certainement pas le moment de frémir. Ni lui, ni Mathias ni personne.

– Alexandra était là hier à midi?

– Oui.

– Tu lui as parlé de la visite de Dompierre?

– Oui. Je n'en avais pas l'intention mais c'est elle qui m'a interrogé. Elle était triste. Alors j'ai parlé. Pour la divertir.

– Je ne te reproche rien. Il n'est pas mauvais de laisser filer la ligne. Tu avais donné son adresse?

Mathias réfléchit quelques secondes.

– Oui, dit-il encore. Elle craignait que Dompierre n'attende Relivaux dans la rue toute la journée. Je l'ai rassurée, je lui ai dit que Dompierre avait un hôtel rue de la Prévoyance. Ça m'avait plu comme nom. Je suis certain de l'avoir prononcé. Danube aussi.

– Qu'est-ce que ça pouvait lui faire qu'un inconnu attende Relivaux toute la journée?

– Je n'en sais rien.

– Écoute-moi attentivement, Saint Matthieu. Dompierre a été liquidé entre onze heures et deux heures du matin, par trois coups de couteau dans le ventre. Il s'est fait piéger par un rendez-vous. Ça peut venir de Relivaux, qui se balade on ne sait où, comme par hasard, ça peut venir de Dourdan, et ça peut venir de n'importe qui d'autre. Absente-toi cinq minutes et va trouver Marc qui m'attend à la maison. Résume-lui ce que je viens de te dire sur l'enquête et dis-lui de rappliquer au Tonneau et d'interroger Lex sur son emploi du temps de cette nuit. Amicalement et calmement, s'il en est capable. Qu'il demande aussi discrètement à Juliette si elle a vu ou entendu quelque chose. Elle est un peu insomniaque à ses heures, paraît-il, on a peut-être des chances de ce côté-là. Il faut que ce soit Marc qui interroge, pas toi, tu m'as bien compris?

– Oui, dit Mathias sans se vexer.

– Toi, tu fais le serveur, tu observes par-dessus ton plateau et tu t'imprègnes des réactions diverses. Et prie le ciel, Saint Matthieu, pour qu'Alexandra n'ait pas bougé cette nuit. Quoi qu'il en soit, pas un mot à Leguennec là-dessus pour l'instant. Il a dit qu'il allait au commissariat, mais il est très capable de rappliquer au pavillon ou au Tonneau avant moi. Alors, fais vite.

Marc entra au Tonneau dix minutes plus tard, guère à l'aise. Il embrassa Juliette, Alexandra, le petit Cyrille qui se jeta à son cou.

– Ça t'ennuie si je mange un morceau avec toi?

– Assieds-toi, dit Alexandra. Pousse un peu Cyrille, il prend toute la place.

– Tu es au courant? Alexandra hocha la tête.

– Mathias nous a raconté. Et Juliette avait entendu les informations. C'est bien le même gars, n'est-ce pas? Pas de confusion possible?

– Aucune, hélas.

– C'est moche, dit Alexandra. Il aurait mieux fait de tout déballer. Si ça se trouve, on n'arrivera jamais à mettre la main sur l'assassin de tante Sophia. Et ça, je ne sais pas si je pourrai le digérer. Comment on l'a tué? Tu le sais?

– Couteau dans le ventre. Pas instantané mais radical.

Mathias observa Alexandra en apportant une assiette à Marc. Elle frissonna.

– Parle plus bas, dit-elle en montrant Cyrille du menton. Je t'en prie.

– Ça s'est fait entre onze heures et deux heures du matin. Leguennec cherche Relivaux. Tu n'as rien entendu par hasard? Une voiture?

– Je dormais. Et quand je dors, je ne crois pas être capable d'entendre quoi que ce soit. Tu n'as qu'à voir, j'ai trois réveils en batterie sur ma table de nuit, pour être sûre de ne pas rater l'école. En plus…

– En plus?

Alexandra hésita, les sourcils froncés. Marc se sentit un peu tanguer, mais il avait des ordres.

– En plus, en ce moment, je prends des petits trucs pour m'endormir. Pour ne pas trop penser. Alors j'ai le sommeil encore plus lourd que d'habitude.

Marc hocha la tête. Il était rassuré. Même s'il trouvait qu'Alexandra lui donnait un peu trop d'explications sur son sommeil.

– Mais Pierre… reprit Alexandra. Ce n'est pas possible tout de même. Comment aurait-il su que Dom-pierre était venu le voir, hein?

– Dompierre a pu réussir à le joindre plus tard par téléphone, via le ministère. N'oublie pas qu'il y avait ses entrées aussi. Il semblait obstiné, tu sais. Et pressé.

– Mais Pierre est à Toulon.

– L'avion, dit Marc. Ça va vite. Aller-retour. Tout est possible.

– Je comprends, dit Alexandra. Mais ils se gourent. Pierre n'aurait pas touché à Sophia.

– Il avait quand même une maîtresse, et depuis pas mal d'années.

Le visage de Lex s'assombrit. Marc regretta sa der nière remarque. Il n'eut pas le temps de trouver une phrase un peu intelligente à dire vite, parce que Leguennec entra dans le restaurant. Le parrain avait vu juste. Leguennec tâchait de le doubler. L'inspecteur s'approcha de leur table.