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– Si vous avez fini de déjeuner, mademoiselle Haufman, et si vous pouvez confier votre fils à l'un de vos amis pour une heure, je vous serais reconnaissant de m'accompagner. Quelques questions encore. J'y suis obligé.

Salaud. Marc ne leva pas un regard vers Leguennec. Pourtant, il devait reconnaître qu'il faisait son boulot, celui qu'il venait de faire lui-même quelques minutes plus tôt.

Alexandra ne se troubla pas et Mathias confirma d'un geste qu'il garderait Cyrille. Elle suivit l'inspecteur et monta dans sa voiture. L'appétit coupé, Marc repoussa son assiette et vint s'installer au bar. Il demanda une bière à Juliette. Une grande, si possible.

– Ne t'en fais pas, lui dit-elle. Il ne peut rien contre elle. Alexandra n'a pas bougé de la nuit.

– Je sais, dit Marc en soupirant. C'est ce qu'elle dit. Mais pourquoi la croirait-il? Depuis le début, il ne croit rien.

– C'est son boulot, dit Juliette. Mais moi, je peux te dire qu'elle n'a pas bougé. C'est la vérité et je la lui dirai.

Marc attrapa la main de Juliette.

– Dis-moi, qu'est-ce que tu sais?

– Ce que j'ai vu, dit Juliette en souriant. Vers onze heures, j'avais fini mon bouquin, j'ai éteint, mais impossible de m'endormir. Ça m'arrive souvent. Parfois, c'est parce que j'entends Georges ronfler à l'étage au-dessus et ça m'horripile. Mais hier soir, même pas de ronflement. Je suis descendue chercher un autre bouquin et j'ai lu en bas, jusqu'à deux heures et demie. Là, je me suis dit qu'il fallait absolument que je me couche et je suis remontée. Je me suis résolue à prendre un comprimé et je me suis endormie. Mais ce que je peux te dire, Marc, c'est que de onze heures un quart à deux heures et demie, Alexandra n'a pas bougé de chez elle. Il n'y a eu aucun bruit de porte ni de voiture. En plus, quand elle va se promener, elle emmène le petit avec elle. Je n'aime pas ça, d'ailleurs. Eh bien cette nuit, la veilleuse de la chambre de Cyrille était restée allumée. Il a peur dans le noir. C'est de son âge. Marc sentit s'effondrer tous ses espoirs. Il regarda Juliette, désolé.

– Qu'est-ce qu'il y a? dit Juliette. Ça devrait te rassurer. Lex ne risque rien, absolument rien!

Marc secoua la tête. Il jeta un regard à la salle qui se remplissait et s'approcha de Juliette.

– Tu affirmes que vers deux heures du matin, tu n'as absolument rien entendu? chuchota-t-il.

– Puisque je te le dis! chuchota Juliette à son tour. Tu n'as aucun souci à te faire.

Marc avala la moitié de son verre de bière et se prit la tête dans les mains.

– Tu es gentille, dit-il doucement, très gentille, Juliette.

Juliette le regardait sans comprendre.

– Mais tu mens, continua Marc. Tu mens sur toute la ligne!

– Parle moins fort, ordonna Juliette. Alors tu ne me crois pas? C'est tout de même un comble!

Marc serra plus fort la main de Juliette et vit que Mathias lui jetait un coup d'œil.

– Écoute-moi, Juliette: tu as vu Alexandra sortir cette nuit et tu sais qu'elle nous ment. Alors tu mens à ton tour pour la protéger. Tu es gentille, mais tu viens sans le vouloir de m'apprendre tout le contraire de ce que tu souhaitais. Parce que à deux heures du matin-moi, j'étais dehors, figure-toi! Et devant ta grille en plus, à essayer avec Mathias de calmer Lucien et de le ramener à la maison. Et toi tu dormais comme une souche avec ton comprimé et tu ne nous as même pas entendus! Tu dormais! Et je te signale d'autre part, puisque tu m'y fais penser, qu'il n'y avait aucune lumière dans la chambre de Cyrille. Aucune. Demande à Mathias.

Juliette, le visage tombant, se tourna vers Mathias qui acquiesça lentement.

– Alors, dis-moi la vérité maintenant, reprit Marc. Ça vaut mieux pour Lex, si on veut la défendre intelligemment. Parce que ton système à la noix, ça ne marchera pas. Tu es trop naïve, tu prends les flics pour des gosses.

– Ne me serre pas la main comme ça, dit Juliette. Tu me fais mal! Les clients vont nous voir.

– Alors, Juliette?

Muette, la tête baissée, Juliette s'était remise à laver des verres dans l'évier.

– On n'a qu'à dire ça tous ensemble, proposa-t-elle soudain. Vous n'êtes pas sortis chercher Lucien et je n'ai rien entendu et Lex n'est pas sortie. Voilà.

Marc secoua à nouveau la tête.

– Mais rends-toi compte que Lucien nous a appelés en criant. Un autre voisin a pu l'entendre. Ça ne tiendra pas et ça ne fera qu'empirer les choses. Dis-moi la vérité, je t'assure que ça vaut mieux. C'est ensuite qu'on verra comment mentir.

Juliette restait irrésolue, tortillant le torchon à verres. Mathias s'approcha d'elle, posa sa grande main sur son épaule et lui dit quelque chose à l'oreille.

– Bon, dit Juliette. Je m'y suis prise comme une gourde, c'est possible. Mais je ne pouvais pas deviner que vous étiez tous dehors à deux heures du matin. Alexandra est sortie en voiture, c'est vrai. Elle a démarré tout doucement et feux éteints, sûrement pour ne pas réveiller Cyrille.

– À quelle heure? demanda Marc, la gorge nouée.

– À onze heures un quart. Quand je suis descendue chercher un bouquin. Parce que ça, c'est vrai. Ça m'a énervée de la voir encore partir, à cause du petit. Qu'elle l'ait pris avec elle ou qu'elle l'ait laissé seul, ça m'a énervée. Je me suis dit qu'il faudrait que j'aie le courage de lui en parler le lendemain, bien que ce ne soit pas mes affaires. La veilleuse de la chambre était éteinte, c'est vrai aussi. C'est entendu, je ne suis pas restée à lire en bas. Je suis remontée et j'ai pris le comprimé, parce que je me sentais énervée. J'ai dormi presque tout de suite. Et quand j'ai appris la nouvelle ce matin aux infos de dix heures, j'ai paniqué. J'ai entendu Lex te dire tout à l'heure qu'elle n'avait pas bougé de chez elle. Alors j'ai pensé… j'ai pensé que lé mieux à faire…

– Était d'abonder dans son sens. Juliette hocha la tête, tristement.

– J'aurais mieux fait de me taire, dit-elle.

– Ne te reproche rien, dit Marc. Les flics vont trou-ver, de toute façon. Parce que Alexandra n'a pas garé sa voiture au même endroit en revenant. À présent que je sais, je me rappelle très bien qu'hier avant le dîner, la voiture de Sophia était garée cinq mètres avant ta grille. Je suis passé devant. Elle est rouge et elle se remarque. Ce matin, quand je suis sorti prendre le journal vers dix heures et demie, elle n'y était plus. Sa place était prise par une autre voiture, grise, celle des voisins du bout, je crois. Trouvant sa place occupée au retour, Alexandra a dû aller se garer ailleurs. Pour les flics, ce sera un jeu d'enfant. Notre rue est petite, les voitures sont connues, d'autres voisins ont pu faci lement remarquer ce genre de détail.

– Ça ne veut rien dire, dit Juliette. Elle a pu sortir ce matin.

– C'est ce qu'ils vérifieront.

– Mais si elle avait fait ce que croit Leguennec, elle se serait débrouillée pour reprendre sa place ce matin!

– Tu ne réfléchis pas, Juliette. Comment veux-tu qu'elle reprenne sa place si une autre voiture l'occupe? Elle ne va pas souffler dessus,

– Tu as raison, je dis n'importe quoi. Je n'arrive plus à réfléchir, on dirait. Il n'empêche, Marc, que Lex est sortie, mais pour se balader, seulement pour se balader î

– C'est ce que je crois aussi, dit Marc. Mais comment veux-tu enfoncer ça dans le crâne de Leguennec? Elle a bien choisi son soir pour sa balade! Après les ennuis que ça lui a déjà valus, elle aurait pu se tenir tranquille, non?

– Moins fort, répéta Juliette.

– Ça me fout en colère, dit Marc. On dirait qu'elle le fait exprès.

– Elle ne pouvait pas deviner que Dompierre serait tué, mets-toi à sa place.

– A sa place, je me serais tenu à carreau. Elle est mal barrée, Juliette, mal barrée!

Marc frappa du poing sur le comptoir et vida sa bière.