Gabrielle le regarda encore plus attentivement.
— Mais ce scientifique canadien n‘est-il pas furieux que la NASA se soit approprié sa découverte ?
— Non, fit Harper avec un frisson. Figurez-vous qu‘il est mort. Ça tombe bien, n‘est-ce pas ?
91.
Michael Tolland ferma les yeux et se laissa bercer par le ronron des réacteurs du G4. Il décida de remettre à plus tard ses cogitations sur l‘énigme de la météorite. Les chondres, selon Corky, étaient autant de preuves formelles ; la roche découverte sur le glacier Milne ne pouvait être qu‘une météorite. Rachel avait espéré fournir une réponse définitive à William Pickering
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dès l‘atterrissage, mais ces fichus chondres résistaient à toutes ses tentatives d‘explication. Si suspectes que soient les preuves, cette conclusion semblait pourtant s‘imposer.
Ainsi soit-il.
Rachel était secouée par les aventures qu‘elle venait de vivre. Tolland trouvait d‘ailleurs sa résistance physique étonnante. La jeune femme concentrait son attention sur deux problèmes : comment prouver l‘authenticité de la météorite, et qui avait bien pu essayer de les assassiner.
Pendant le voyage, Rachel avait été assise à côté de Tolland. Et il avait pris du plaisir à discuter avec elle, malgré les épreuves qu‘ils venaient de vivre. Quand elle s‘était absentée quelques instants aux toilettes, Tolland avait été surpris de découvrir qu‘elle lui manquait. Il se demanda depuis combien de temps la présence d‘une femme lui avait manqué – d‘une autre femme que Celia.
— Monsieur Tolland ?
Il leva les yeux.
La tête du pilote venait d‘apparaître dans la cabine.
— Vous m‘avez demandé de vous informer quand nous pourrions communiquer avec votre bateau ? Je peux vous obtenir la connexion maintenant, si vous voulez.
— Merci.
Tolland remonta la travée centrale. Une fois dans le cockpit, il appela l‘équipage du Goya. Il voulait leur annoncer qu‘il ne serait pas de retour avant un jour ou deux. Bien sûr, sans leur donner de détails sur les derniers jours.
Après quelques sonneries, Tolland eut la surprise d‘entendre le répondeur du Goya se déclencher. Le message enregistré n‘était pas le message habituel, très professionnel –
c‘était le petit plaisantin de l‘équipage qui s‘adressait à la cantonade :
— Oyez, oyez, braves gens, bienvenue sur le Goya. Nous sommes désolés de ne pouvoir vous répondre mais nous avons tous été kidnappés par un pou géant venu de l‘espace ! Non, en fait, nous avons pris notre soirée pour célébrer la formidable découverte de Mike. Bon Dieu, bon Dieu, qu‘est-ce qu‘on est fiers ! Vous pouvez laisser votre nom et votre numéro de
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téléphone et peut-être qu‘on vous rappellera demain quand on aura dessoûlé. Ciao !
Tolland s‘esclaffa ; son équipe lui manquait. Évidemment, ils avaient vu la conférence de presse. Il était content qu‘ils se soient accordé leur soirée. Après tout, il les avait abandonnés assez brutalement quand le Président l‘avait appelé, et il n‘y avait aucune raison pour qu‘ils restent indéfiniment à l‘attendre. Bien que le message affirmât que tout le monde avait déserté le Goya, Tolland supposait qu‘un membre de l‘équipage était resté pour surveiller son bateau, ancré au-dessus de violents courants.
Tolland composa le code qui lui permettait d‘entendre les messages que ses coéquipiers avaient pu lui laisser. La ligne bipa une fois. Un seul message. C‘était encore le comique de service.
— Salut Mike, quelle formidable émission ! Si tu écoutes ce message, tu es probablement pendu à un téléphone depuis une super fête à la Maison Blanche et tu te demandes où on est passés. Désolé d‘avoir abandonné le bateau, mon vieux, mais on ne pouvait vraiment pas fêter ton triomphe sans lever un peu le coude. Ne t‘en fais pas, on a super bien ancré le Goya et on a laissé la lumière allumée. On espère secrètement d‘ailleurs qu‘il va se volatiliser pour que NBC t‘en achète un neuf ! Mais non, je plaisante, mon vieux, ne t‘en fais pas, Xavia a accepté de rester à bord pour garder ton trésor. Elle affirme qu‘elle préfère être seule pour faire la fête que de sortir avec une bande de zigotos complètement bourrés. Tu peux croire une chose pareille, toi ?
Tolland rit, soulagé d‘entendre que quelqu‘un était à bord.
Xavia, une collaboratrice responsable, avait la réputation de ne pas mâcher ses mots et d‘être d‘une franchise un tantinet caustique.
— Quoi qu‘il en soit, Mike, continuait le message, on a passé une soirée géniale. On peut être fier de nos scientifiques, hein ? Tout le monde parle de cette formidable résurrection de la NASA. Moi j‘en ai rien à cirer de la NASA ! C‘est surtout pour nous que tout ça est génial ! La cote de ton émission va grimper en flèche, tu es une star, mon vieux. Une vraie star !
Félicitations, vraiment un boulot génial !
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Michael Tolland entendit des murmures et la voix reprit :
— Oh, oui, et en parlant de Xavia, pour que tu n‘aies pas trop la grosse tête, je vais te la passer, elle a un message urgent pour toi.
Xavia, d‘un ton cassant, prit le relais.
— Mike, c‘est Xavia. Tu es un dieu, mais si, je t‘assure. Et comme je t‘admire infiniment, j‘ai accepté de veiller sur ton épave antédiluvienne. Franchement, je serai soulagée le jour où je ne cohabiterai plus avec ces truands que tu appelles des scientifiques. Et figure-toi qu‘en plus de veiller sur le bateau, l‘équipage m‘a demandé, ça rentre dans mes attributions de rabat-joie patentée, de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour t‘empêcher d‘avoir la grosse tête. Rude tâche, après ce qui vient d‘arriver, je le comprends bien. En tout cas, je voulais être la première à te dire que tu as fait une boulette dans ton documentaire. Oui, tu m‘as bien entendue, Michael. C‘est rare mais ça peut arriver. Michael Tolland s‘est planté. Et ne t‘en fais pas, il n‘y a que trois personnes sur terre qui s‘en sont rendu compte, et ce sont tous des géologues de marine très coincés qui n‘ont aucun sens de l‘humour. Un peu comme moi. Mais tu sais ce qu‘on dit de nous autres géologues, on ne peut pas s‘empêcher de chercher les failles !
Elle éclata de rire.
— Rassure-toi, ce n‘est pas grand-chose, une insignifiante histoire de pétrologie des météorites. Je te le signale uniquement pour gâcher ta soirée ! Comme il se pourrait que tu reçoives un ou deux coups de fil à ce sujet, j‘ai pensé qu‘il valait mieux que je te mette au courant avant, pour que tu n‘aies pas trop l‘air de l‘imbécile que nous savons tous que tu es en réalité.
Elle rit encore.
— Voilà. En tout cas, n‘étant pas du genre fêtarde, je suis restée à bord. Et ne t‘avise pas de m‘appeler, j‘ai branché le répondeur parce que ces fichus journalistes n‘arrêtaient pas d‘appeler. Tu es une vraie star ce soir, malgré ta grosse bourde.