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— Mais non, on ne voit rien du tout, fit Corky.

Tolland haussa les épaules.

— Pour remonter jusqu‘à la surface.

— Super ! Eh ben ça me fait vraiment plaisir d‘être ici.

Xavia entra, une liasse de papiers à la main.

— Alors vous admirez le tourbillon cyclonique ?

— Oui, fit Corky d‘un ton sarcastique. Mike était justement en train de nous dire que si le dôme en dessous se fendait, on allait tous être entraînés par le tourbillon dans une grande vidange.

— Une vidange ? (Xavia eut un petit rire sec.) Ça ressemblerait plutôt à un effet de chasse d‘eau dans la plus grande cuvette de W.-C. du monde !

Dehors, sur le pont du Goya, le pilote de l‘hélicoptère examinait attentivement l‘écran radar EMS. Spécialisé dans les opérations de sauvetage, il était habitué à lire la peur dans les yeux d‘autrui. Quand elle lui avait demandé de surveiller son écran pour détecter d‘éventuels intrus, Rachel Sexton avait cette lueur dans le regard.

Quel genre de visiteurs attend-elle ? se demandait-il.

En tout cas, le pilote, à quinze kilomètres dans toutes les directions, sur mer et dans les airs, ne voyait rien qui sortît de l‘ordinaire. Un bateau de pêche à une douzaine de kilomètres.

Un avion qui traversait parfois l‘écran avant de disparaître vers une destination inconnue.

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Le pilote soupira, laissant son regard errer sur les tourbillons qui entouraient le bateau. C‘était une sensation assez incroyable, d‘être immobile et de voir ces vagues tourbillonner comme si elles avançaient à pleine vitesse.

Les yeux rivés à son écran radar, il se remit à surveiller.

Très attentivement.

105.

À bord du Goya, Tolland venait de présenter Xavia à Rachel. La géologue du bateau semblait de plus en plus impressionnée par le cercle de distingués experts qui l‘entouraient dans l‘hydrolab. En outre, l‘impatience de Rachel, désireuse d‘effectuer les tests et de quitter le bateau dès que possible, la mettait de plus en plus mal à l‘aise.

— Prends ton temps, Xavia, lui avait conseillé Tolland.

Nous avons besoin de tout savoir.

Xavia s‘expliquait d‘une voix tendue.

— Dans ton documentaire, Mike, tu as dit que ces petites inclusions métalliques dans la roche ne pouvaient se former que dans l‘espace.

Tolland sentit l‘appréhension le gagner.

— C‘est ce que les types de la NASA m‘ont tous dit.

— Mais, d‘après ce papier, reprit-elle en brandissant une liasse, ce n‘est pas tout à fait vrai.

Corky lui jeta un regard furieux.

— Bien sûr que c‘est vrai !

Xavia se renfrogna et agita les notes sous le nez de Corky.

— L‘an dernier, un jeune géologue nommé Lee Pollock, de l‘université Drew, a fait des sondages avec un robot marin sur la croûte qui recouvre le fond de la fosse des Mariannes, dans le Pacifique. Il en a rapporté une roche friable recelant une caractéristique géologique qu‘il n‘avait jamais vue auparavant.

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Un détail très semblable en apparence aux chondres. Il a appelé cela des « inclusions traumatiques plagioclases ». Ce sont de minuscules bulles de métal qui ont apparemment été réhomogénéisées à cause de très hautes pressions survenues sur les fonds océaniques. Le professeur Pollock a été étonné de découvrir ces bulles métalliques dans une roche océanique, et il a formulé une théorie unique pour expliquer leur présence.

Corky grogna :

— Je suppose qu‘il ne pouvait pas faire autrement.

Xavia l‘ignora.

— Le professeur Pollock a affirmé que la roche s‘était formée dans un environnement océanique extrêmement profond, là où une pression très haute a métamorphosé une roche préexistante, entraînant la fusion de certains métaux disparates.

Tolland réfléchit à ce qu‘il venait d‘entendre. La fosse des Mariannes se trouvait à une dizaine de kilomètres de profondeur. C‘était l‘une des régions de la planète encore vraiment inexplorées. Seule une poignée de robots s‘étaient aventurés à cette profondeur, et la plupart avaient été détruits bien avant d‘atteindre le fond. La pression de l‘eau dans la fosse était énorme, une tonne au centimètre carré, alors qu‘à la surface de l‘océan, elle n‘est que d‘un kilo au centimètre carré.

Les océanographes connaissent encore assez mal les forces géologiques à l‘œuvre dans les sous-sols des fonds marins.

— Donc ce Pollock a décidé que la fosse des Mariannes pouvait produire des roches avec des chondres ?

— C‘est une théorie très complexe, répliqua Xavia. En fait, ce travail n‘a jamais été publié jusqu‘à maintenant. Il se trouve simplement que j‘ai découvert par hasard les notes personnelles de Pollock sur le Web le mois dernier en faisant des recherches sur les interactions eau-roche en prévision de notre émission sur le dôme magmatique et la tornade sous-marine. Sans quoi je n‘en aurais jamais entendu parler.

— Cette théorie n‘a jamais été publiée, rétorqua Corky, parce qu‘elle est ridicule. La formation des chondres suppose un énorme dégagement de chaleur. Sans chaleur, pas de chondres.

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Je ne vois absolument pas comment la pression de l‘eau pourrait modifier la structure cristalline d‘une roche.

— La pression, reprit aussitôt Xavia, est le plus grand modificateur géologique de notre planète, figurez-vous. Vous vous souvenez des roches métamorphiques ? Rappelez-vous votre première année de géologie...

Corky fit une grimace méprisante.

Pour Tolland, Xavia avait marqué un point. Si la chaleur jouait bien un rôle dans la métamorphose des roches terrestres, la plupart des roches métamorphiques étaient formées par une extrême pression. Les roches enfouies sous la surface de la terre subissaient une telle pression qu‘elles se conduisaient davantage comme de la lave en fusion que comme des roches solides : elles devenaient élastiques et subissaient des changements chimiques étonnants. Néanmoins, la théorie de ce Pollock lui semblait toujours bien fragile.

— Xavia, fit Tolland, je n‘ai jamais entendu parler d‘une pression

hydraulique

assez

forte

pour

transformer

chimiquement une roche. Vous, la géologue, qu‘est-ce que vous en dites ?

— Eh bien, fit-elle en compulsant ses notes, la pression hydraulique n‘est apparemment pas le seul facteur...

Xavia trouva le passage qu‘elle cherchait et cita les notes de son confrère.

— « La croûte océanique dans la fosse des Mariannes, déjà soumise à une énorme pression hydrostatique, peut être en outre comprimée par des forces tectoniques liées à la subduction régionale des zones. »

Bien sûr, songea Tolland. La fosse des Mariannes, en plus d‘avoir à subir la pression d‘une masse d‘eau de dix kilomètres d‘épaisseur, était une zone de subduction, une ligne de compression où les plaques de l‘océan Pacifique et de l‘océan Indien entraient en collision. Ces pressions combinées pouvaient être énormes et, comme cette zone était très profonde et dangereuse à étudier, si des chondres s‘étaient formés, les chances qu‘un scientifique les découvre étaient très minces.