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Elle ouvrit le placard. L‘intérieur était bourré de balais, de serpillières et de dizaines de rouleaux de papier-toilette. Un mois plus tôt, à la recherche de serviettes en papier, Gabrielle avait fait une découverte peu ordinaire. Incapable d‘atteindre l‘étagère la plus haute, elle s‘était servie de l‘extrémité d‘un balai pour faire tomber un rouleau. En le ramenant vers elle, elle avait heurté un carreau de céramique qui était tombé à terre.

Quand elle était montée sur un escabeau pour le remettre en place, quelle n‘avait pas été sa surprise en entendant la voix du sénateur Sexton !

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D‘après l‘écho, elle avait compris que le sénateur parlait tout seul. Il devait se trouver dans sa salle de bains privée, laquelle n‘était apparemment séparée de ces toilettes pour dames que par une cloison en fibre de verre sur laquelle étaient posés des carreaux de faïence.

Mais ce que Gabrielle était venue chercher aujourd‘hui allait exiger un tout autre effort... Elle ôta ses chaussures, grimpa sur les étagères du placard, déplaça une plaque de fibres de verre du faux plafond et se hissa à la force des bras. Tant pis pour la sécurité nationale, songea-t-elle en se demandant combien de lois fédérales et régionales elle était sur le point d‘enfreindre.

Rampant sur le faux plafond, elle arriva bientôt au-dessus des toilettes du sénateur Sexton, où elle redescendit après avoir de la même façon déplacé une plaque, posant son pied sur le lavabo de porcelaine avant de sauter à terre. Retenant sa respiration, elle poussa la porte du bureau de Sexton. Ses tapis orientaux étaient doux et tièdes sous ses pieds.

107.

À cinquante kilomètres de là, un Kiowa noir armé de missiles filait à toute allure au ras des forêts de pins du nord du Delaware.

Delta 1 vérifia les coordonnées enregistrées dans le système de navigation.

Bien que le système de transmission embarqué de Rachel et le mobile de Pickering fussent encryptés pour protéger le contenu de leurs communications, ce n‘était pas le décryptage du contenu qui intéressait les hommes de la Force Delta. Ce qu‘ils voulaient, c‘était connaître sa position. Le GPS et la triangulation par ordinateur leur avaient permis d‘établir les

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coordonnées de la transmission, une tâche beaucoup plus simple que de décrypter le contenu de l‘appel.

Delta 1 s‘était toujours amusé en pensant que la plupart des utilisateurs de portables ignoraient que, si un responsable le décidait, une table d‘écoute gouvernementale pouvait, chaque fois qu‘ils appelaient, détecter leur position n‘importe où sur terre avec une marge d‘erreur de trois mètres – un petit défaut que les industriels de la téléphonie mobile omettaient toujours de préciser. C‘était un jeu d‘enfant pour les commandos de retracer les coordonnées des appels entrants de Pickering, une fois obtenues les fréquences de réception de son mobile.

Volant maintenant en droite ligne sur la cible, Delta 1

entrait dans le périmètre des trente kilomètres.

— Parapluie déployé ? demanda-t-il en se tournant vers Delta 2 qui avait en charge le radar et les systèmes d‘armes.

— Affirmatif. J‘attends le périmètre des huit kilomètres.

Huit kilomètres, songea Delta 1. Il allait falloir entrer en profondeur à l‘intérieur du périmètre radar de la cible pour arriver à portée de tir. Il n‘avait aucun doute sur le fait qu‘à bord du Goya on surveillait nerveusement l‘écran radar. Comme la mission de la Force Delta était d‘éliminer la cible sans lui laisser la moindre possibilité de lancer un SOS radio, Delta 1 devait arriver par surprise. À une vingtaine de kilomètres du Goya, alors que le Kiowa était encore hors de portée des radars, Delta 1 vira à trente-cinq degrés vers l‘ouest. Il monta à trois mille pieds, altitude des petits aéronefs, et ajusta sa vitesse à cent dix nœuds.

Sur le pont du Goya, l‘écran radar du garde-côte bipa au moment où un nouveau contact entrait dans le périmètre des quinze kilomètres. Le pilote s‘assit et étudia l‘écran. Ce contact semblait être un petit avion-cargo qui se dirigeait vers l‘ouest, probablement vers Newark. Bien que la trajectoire actuelle de l‘avion fût destinée à l‘amener à environ six kilomètres du Goya, ce plan de vol était certainement le fait du hasard.

Pourtant, vigilant de nature, le pilote regarda la tache clignoter à environ cent dix nœuds, sur la droite de son écran. À son point le plus rapproché, l‘engin volait à environ six kilomètres à

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l‘ouest. Comme il le prévoyait, l‘avion continuait d‘avancer et commençait à s‘éloigner d‘eux maintenant.

6,2 kilomètres, 6,4 kilomètres...

Le pilote soupira, et se relaxa.

C‘est alors qu‘il se produisit un événement très étrange.

— Parapluie déployé ! lança Delta 2 en relevant les deux pouces. Barrage, bruit modulé, leurres activés et verrouillés.

Delta 1 acquiesça et vira très sec vers la droite, s‘alignant sur l‘axe du Goya. Une manœuvre qui devait rester invisible pour le radar du bateau.

— Ils n‘y verront que du feu ! jubila Delta 2.

Delta 1 approuva.

— C‘est sûrement mieux que des ballots de foin entourés d‘aluminium !

Le brouillage radar avait été inventé pendant la Seconde Guerre mondiale par un pilote de la Royal Air Force plein de bon sens qui avait eu l‘idée de jeter des ballots de foin enveloppés d‘aluminium lorsqu‘il se trouvait en mission de bombardement. Les radars allemands avaient enregistré tellement de contacts réfléchissants que leurs batteries ne savaient plus où tirer. Depuis, les techniques s‘étaient substantiellement améliorées.

Le système embarqué de « parapluie » et de brouillage radar du Kiowa était l‘un des plus redoutables de l‘armée américaine. En déployant ce parapluie de bruits de fond dans l‘atmosphère sur un ensemble de coordonnées de surface données, le Kiowa pouvait rendre sa cible aveugle, sourde et muette. Tous les écrans radars à bord du Goya étaient brusquement devenus muets. Au moment où l‘équipage voudrait appeler au secours, il découvrirait que la radio ne marchait plus. Sur un bateau, toutes les communications supposaient une transmission radio. Si le Kiowa s‘approchait suffisamment, tous les systèmes de communication du Goya s‘arrêteraient de fonctionner, les signaux émis seraient bloqués par les nuages invisibles de bruits thermiques déployés par l‘assaillant comme une sorte de phare aveuglant.

Isolation totale, songea Delta 1. Ils n‘ont aucune défense.

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Leur cible avait réussi, par chance et par ruse, à s‘échapper du glacier Milne, mais les Delta n‘allaient pas se faire avoir une deuxième fois. En quittant le rivage, Rachel Sexton et Michael Tolland avaient fait le mauvais choix. Et ce serait la dernière décision de leur vie.

À la Maison Blanche, Zach Herney fut surpris d‘être appelé à une heure aussi tardive.

— Maintenant ? Ekstrom veut me parler maintenant ?

Herney jeta un coup d‘œil à sa montre qui indiquait 3 h 17