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A la surface, Tolland inspira profondément à trois reprises, essayant de clarifier ses pensées. L‘eau qui se déversait dans le cockpit ne ferait qu‘accélérer le naufrage du Triton. Le sous-marin se trouvait déjà à un mètre cinquante sous l‘eau. Il entendait Rachel taper désespérément sur la bulle.

Tolland ne voyait plus qu‘une chose à faire. Il allait plonger vers le moteur du Triton et chercher le cylindre de pressurisation. Il pourrait alors l‘utiliser pour remplir d‘air le ballast négatif. Même si le réservoir endommagé fuyait, il lui permettrait tout de même de se maintenir à la surface environ une minute avant que les réservoirs perforés ne se remplissent à nouveau d‘eau.

Et ensuite ?

Tolland qui ne trouvait pas de meilleure solution s‘apprêta à replonger. Inspirant le maximum d‘air possible, il emplit ses poumons. Mais une étrange pensée le frappa.

Que se passerait-il s‘il augmentait la pression à l‘intérieur du sous-marin ? Le dôme panoramique avait un joint endommagé. En accroissant suffisamment la pression, peut-être Tolland parviendrait-il à arracher complètement le dôme panoramique ?

Il expira, réfléchissant à l‘application pratique de son idée.

C‘était parfaitement logique après tout. Un sous-marin est construit pour résister à de fortes pressions externes mais pas internes.

Pour réduire au maximum le nombre de pièces détachées que le Goya devait emporter, toutes les valves de régulation du Triton étaient identiques. Tolland pouvait donc parfaitement dévisser la vanne de chargement du cylindre à haute pression pour la raccorder à un régulateur de ventilation d‘urgence situé sur le flanc bâbord du sous-marin ! Pressuriser la cabine

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causerait une vive douleur à Rachel mais lui permettrait peut-

être de sortir de sa prison.

Tolland inhala une fois encore et plongea.

Le sous-marin était à deux mètres sous l‘eau maintenant et s‘orienter devenait plus difficile à cause des courants et de l‘obscurité.

Après avoir trouvé le réservoir pressurisé, Tolland raccorda rapidement l‘embout du cylindre et s‘apprêta à pomper de l‘air dans le cockpit. Alors qu‘il agrippait le robinet d‘arrêt, une inscription à la peinture jaune sur le côté du réservoir lui rappela à quel point cette manœuvre était dangereuse : ATTENTION ! AIR COMPRIMÉ 250 KG/CM2. Il fallait faire en sorte que la bulle panoramique du Triton se détache de sa base avant que la pression dans la cabine n‘écrase les poumons de Rachel. Tolland n‘aurait que quelques secondes pour agir.

Il prit sa décision. Cramponné à l‘arrière du Triton, il tourna le robinet d‘arrêt et ouvrit la valve. Le tuyau devint immédiatement rigide, et l‘air se déversa dans le cockpit avec une puissance énorme.

À l‘intérieur du Triton, Rachel sentit une violente douleur lui vriller le crâne. Elle ouvrit la bouche pour crier, mais l‘air se fraya un passage dans ses poumons avec une telle force qu‘elle crut que son thorax allait exploser. Elle avait l‘impression qu‘on lui enfonçait les yeux à l‘intérieur de la tête. Un grondement assourdissant lui écrasait les tympans, elle était sur le point de s‘évanouir.

Instinctivement elle ferma les yeux et appuya ses mains sur ses oreilles. La douleur était de plus en plus atroce.

Rachel entendit cogner à la vitre. Elle ouvrit les yeux assez longtemps pour distinguer la silhouette de Michael Tolland dans le noir. Son visage était appuyé contre la glace. Il voulait lui faire faire quelque chose.

Mais quoi ?

Elle le distinguait à peine. Sa vision était brouillée, ses globes oculaires déformés par la pression. Pourtant elle y voyait assez pour constater que le sous-marin s‘était encore enfoncé et

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qu‘on n‘apercevait plus les lumières du Goya. Il n‘y avait plus que de l‘obscurité, partout.

Tolland, appuyé de tout son corps contre la bulle, ne cessait de frapper. Ses poumons privés d‘air le brûlaient, et il devait remonter à la surface d‘ici quelques secondes.

Poussez sur la vitre ! essayait-il de lui faire comprendre. Il entendait l‘air pressurisé s‘échapper et bouillonner en remontant. À un endroit, le joint avait été arraché. Les mains de Tolland cherchaient une prise, un interstice où passer ses doigts sous le Plexiglas.

Rien.

Il était à court d‘oxygène maintenant, son champ de vision rétrécissait de plus en plus et il cogna sur la vitre une dernière fois. Il ne la voyait même plus. Il faisait trop sombre. Avec ce qu‘il lui restait d‘air dans les poumons il cria :

— Rachel... poussez sur la vitre !

Mais les mots qui sortaient de sa bouche n‘étaient qu‘un gargouillis incompréhensible.

129.

À l‘intérieur du Triton, Rachel sentait sa tête comprimée dans une sorte d‘instrument de torture médiéval. À demi levée, coincée entre la coque et le siège du cockpit, elle voyait la mort se rapprocher. Devant le sous-marin, l‘océan était noir. Les coups sur la coque avaient cessé.

Tolland était parti, il l‘avait abandonnée.

Le sifflement de l‘air pressurisé au-dessus de sa tête lui rappelait le bruit assourdissant du vent sur le glacier Milne. Il y avait déjà trente centimètres d‘eau à l‘intérieur du sous-marin.

Pensées et souvenirs commençaient à traverser son cerveau comme des flashes de lumière violette.

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Le Triton se mit à donner de la bande et Rachel perdit l‘équilibre. Elle bascula par-dessus le siège et tomba en heurtant la paroi du dôme. Une violente douleur lui vrilla l‘épaule. Elle atterrit comme une masse contre la vitre et éprouva une sensation inattendue : ses tympans comprimés étaient soudain moins douloureux. La pression à l‘intérieur du sous-marin décroissait, et Rachel entendit une bouffée d‘air s‘échapper du cockpit.

Elle comprit immédiatement ce qui venait d‘arriver. Quand elle avait percuté le dôme, son poids avait repoussé la paroi, occasionnant une fuite d‘air, ce qui avait réduit la pression intérieure. Il y avait sans doute du jeu entre la vitre d‘acrylique et la coque ! Rachel comprit brusquement ce que Tolland avait essayé de faire en accroissant la pression à l‘intérieur : faire sauter le dôme !

Le cylindre de pressurisation du Triton continuait de pomper. Encore allongée, Rachel sentit la pression remonter.

Cette fois, elle en fut presque heureuse, même si un étau lui comprimait toujours le crâne et qu‘elle fût au bord de la syncope. Se redressant, la jeune femme poussa de toutes ses forces contre le dôme pour le faire céder.

Il bougea à peine, et cette fois, il n‘y eut pas de fuite d‘air.

Rachel se jeta à nouveau de tout son poids mais en vain. Son épaule la faisait de plus en plus souffrir. Elle l‘examina, le sang avait séché. Elle s‘apprêtait à faire une nouvelle tentative quand le sous-marin bascula. Le moteur avait embarqué trop d‘eau et les ballasts ne suffisaient plus à le maintenir d‘aplomb.