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— Rachel Sexton vous a contacté, que vous a-t-elle dit ?

Elle se trouvait sur un sous-marin ! J‘attends une explication, monsieur Pickering.

Pickering comprit qu‘il était hors de question de nier.

Tench avait dû assurer ses arrières. Le directeur du NRO fut tout de même surpris qu‘elle ait si vite appris la présence de Rachel sur le Charlotte. Mais, en grande professionnelle, elle avait su actionner les bons leviers.

— Mlle Sexton m‘a contacté, c‘est exact.

— Vous avez organisé une exfiltration et vous ne m‘avez pas prévenue ?

— J‘ai fait en sorte de la rapatrier.

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Il restait encore deux heures avant que Rachel Sexton, Michael Tolland et Corky Marlinson atterrissent sur la base aérienne de Bollings, toute proche.

— Et vous avez choisi de ne pas m‘informer ?

— C‘est un cas de conscience. Rachel Sexton a émis des accusations très graves.

— En ce qui concerne l‘authenticité de la météorite... et une prétendue tentative d‘assassinat ?

— Entre autres choses.

— De toute évidence elle ment !

— Madame Tench, savez-vous que deux témoins directs corroborent son récit ?

Tench s‘interrompit une seconde.

— Oui, c‘est très embêtant. La Maison Blanche prend très au sérieux leurs allégations.

— La Maison Blanche ? Ou vous personnellement ?

Le ton de la Tench se fit coupant comme un rasoir.

— En ce qui vous concerne, monsieur le directeur, ce soir, il n‘y a aucune différence.

Pickering ne se laissa pas bluffer. Il avait une longue habitude des hommes politiques qui essayaient de lui en imposer et des collaborateurs plus ou moins haut placés qui tentaient de manipuler les services secrets. Mais peu le faisaient avec autant de brio que Marjorie Tench.

— Le Président sait-il que vous me téléphonez ?

— Franchement, je suis choquée que vous osiez poser une telle question.

— Je ne vois aucune raison valable qui expliquerait le mensonge de ces trois personnes. Leur notoriété plaide d‘ailleurs en leur faveur. Je dois donc en conclure que, soit ils disent la vérité, soit ils commettent une erreur de bonne foi.

— Une erreur ? Ces allégations d‘agression ? Le rapport de l‘Agence sur la météorite qui serait un tissu de contrevérités ? Je vous en prie ! Il s‘agit évidemment d‘une machination.

— Si c‘est le cas, je suis incapable d‘en saisir les mobiles.

Marjorie Tench soupira lourdement et baissa d‘un ton.

— Monsieur le directeur, vous ne réalisez sans doute pas les forces qui sont à l‘œuvre ici. Nous pourrons en reparler plus

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tard mais, pour le moment, j‘ai besoin de savoir où sont Rachel Sexton et ses compagnons. Il faut que je comprenne ce qui s‘est passé avant qu‘ils ne fassent d‘autres dégâts. Où sont-ils ?

— C‘est une information que je préférerais ne pas avoir à communiquer. Je vous contacterai après leur arrivée.

— Certainement pas. Je veux être là pour les accueillir.

Vous et combien d‘agents du Secret Service ? se demanda Pickering.

— Si je vous donne l‘heure et le lieu d‘arrivée, aurons-nous une chance de bavarder entre amis, ou avez-vous l‘intention de venir avec vos sbires pour les emmener sous bonne garde ?

— Ces gens représentent une menace directe pour le Président. La Maison Blanche a tout à fait le droit de les arrêter et de les questionner.

Pickering savait qu‘elle avait raison. Clause 18, section 3056 du Code des États-Unis. Il est précisé que les agents du Secret Service présidentiel peuvent porter des armes à feu, utiliser la force armée et même tuer. Ils peuvent aussi arrêter des suspects sans mandat, simplement parce que ces derniers sont soupçonnés d‘avoir l‘intention de commettre une trahison ou un acte d‘agression contre le Président. Le service a carte blanche. Parmi ces détenus d‘exception, on trouve aussi bien des rôdeurs qui traînent autour de la Maison Blanche que des collégiens qui envoient des e-mails menaçant de supprimer le Président, messages qui sont, en l‘occurrence, des canulars.

Pickering était bien conscient que le Secret Service aurait pu justifier l‘arrestation de Rachel Sexton et des autres, avec à la clé une détention d‘une durée indéfinie dans un sous-sol de la Maison Blanche. C‘était jouer une partie dangereuse, mais les enjeux étaient énormes. La question était de savoir ce qui arriverait si Pickering laissait Tench prendre le contrôle de la situation, ce dont il n‘avait aucunement l‘intention.

— Je ferai tout ce qui est nécessaire, déclara Tench, pour protéger le Président de fausses accusations. La simple évocation d‘une supercherie de la NASA jetterait un doute trop grave sur la Maison Blanche. Rachel Sexton a abusé de la confiance du Président, et mon rôle est de tout mettre en œuvre pour l‘empêcher de parvenir à ses fins.

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— Et si je demande que Mlle Sexton soit autorisée à présenter son cas devant une commission d‘enquête officielle ?

— Vous passeriez outre un ordre présidentiel direct et vous lui offririez un tremplin d‘où elle pourrait orchestrer le chaos politique qu‘elle prépare ! J‘insiste encore une fois, directeur, où vont-ils atterrir et quand ?

Pickering poussa un long soupir. Qu‘il révèle ou non à Marjorie Tench que l‘avion allait se poser sur la base aérienne de Bollings, elle avait les moyens de le découvrir. Utiliserait-elle ces moyens ? Il sentit à la détermination de sa voix qu‘elle était décidée à aller jusqu‘au bout. Marjorie Tench avait peur.

— Marjorie, fit Pickering, de son ton volontairement neutre, quelqu‘un me ment. De cela, je suis sûr. Soit c‘est Rachel Sexton et ses deux compagnons, soit c‘est vous. Et je crois que c‘est vous.

Marjorie Tench explosa.

— Comment osez-vous !

— Votre ton scandalisé n‘aura aucun effet sur moi, alors épargnez-le-nous. J‘ai la preuve absolue que la NASA et la Maison Blanche ont annoncé de fausses nouvelles ce soir.

Tench fut soudain réduite au silence.

Pickering la laissa réfléchir un instant.

— Pourquoi n‘êtes-vous pas intervenu ? répliqua enfin Marjorie Tench.

— Je n‘interfère pas dans les questions politiques.

Tench marmonna quelque chose qui ressemblait beaucoup à « foutaises ».

— Essayez-vous de me dire, Marjorie, que la conférence du Président était le reflet de la vérité ?

Il y eut un long silence au bout de la ligne.

Pickering comprit qu‘il la tenait.

— Ecoutez, nous savons tous les deux qu‘une bombe à retardement menace d‘exploser. Mais il n‘est pas trop tard. Il y a peut-être des compromis envisageables.

Tench se tut quelques secondes. Finalement, elle soupira.

— Nous devrions nous rencontrer.

J‘ai visé juste, songea Pickering.

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— J‘ai quelque chose à vous montrer, continua Tench, qui, je crois, vous aidera à mieux apprécier la situation.

— Je vais venir à votre bureau.

— Non, il est tard, votre présence ici attirerait l‘attention.

Je préfère que tout cela reste entre nous.

Pickering lut entre les lignes : le Président ne sait rien.

— Vous êtes la bienvenue si vous voulez me rejoindre ici, dit-il.

Elle sembla méfiante.

— Rencontrons-nous dans un endroit discret, monsieur le directeur.