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— Votre envoyé auprès du président de la Répu-blique française, assurait que le B.B. cherchait un successeur ?

— C’est juste. Nous pensons de plus en plus que vous pouvez être cet homme que nous cherchons. Mais l’apprentissage sera long.

— Vous pouvez m’indiquer votre estimation ?

— Plusieurs années.

— Combien ?

— Impossible à préciser. Disons que si au bout de quatre ou cinq ans vous n’êtes pas au point, cela indiquera que nous nous sommes trompés.

— Quel serait le programme ?

— Ici, formation technique accélérée de deux mois.

C’était toujours le pingouin qui parlait.

— Après quoi, nous vous confions une mission-test d’envergure. Si vous la menez à bien on continue, sinon chacun reprend ses billes. Question pratique : vous êtes pour l’instant en disponibilité vis-à-vis du ministère de l’intérieur français. Nous ignorons quel est actuellement votre traitement. Nous allons vous verser dix mille dollars pour vous dédommager des tracasseries que vous venez de subir. Vous en toucherez par la suite cent mille à l’issue de la première mission si elle est positive. Si elle est négative, nous les adresserons à votre mère afin qu’elle puisse vivre décemment sans vous.

Je souris.

— Pas d’accord, messieurs le Big B. Moi, je vous fais une contre-proposition : je ne veux rien. Pas un cent, ni pour ce qui vient de se passer, ni pour ce que vous me donnerez à faire. Par contre à chaque mission que vous me confierez, j’exigerai un ordre écrit de mon gouvernement le confirmant. Pas une seconde, je vous préviens, je n’irai à l’encontre de ses intérêts. Vous n’assumerez que mes frais professionnels. Ma période probatoire ne s’étendra pas sur des années, mais sur quatre missions. Si je les exécute avec succès, je deviendrai officiellement VOTRE homme. Alors tout sera partagé en deux jusqu’au moment où je resterai seul. Je vous laisse étudier mon offre à têtes reposées.

Je me levis.

Une force invincible m’habitait. J’amorcis un salut circulaire de la main et me dirigis vers l’ascenseur. Alors le « vieux » m’appela :

— Commissaire !

Il avait un mince sourire sur ses lèvres fardées.

— Vous trouvez vraiment que je ressemble à un pingouin ? me demanda-t-il.

J’eus, pendant un instant désastreux, la très pénible impression que je ne m’appartenais plus.

Ainsi, cet homme pouvait lire dans mes pensées ?

Je lui sourias.

— J’ai déjà vu le numéro à Paris, par Mir et Miroska, monsieur Un-tiers-de-big-B, je lui dis-je.

Une nouvelle gonzesse m’attendait devant les ascenseurs, en bas. Ma cabine s’était refermée et mise en action sitôt que je m’étais trouvé à l’intérieur, sans que j’eusse à appuyer sur le moindre bouton.

Je trouvais ces hôtesses bandantes à en crever et je sentais que mes amygdales sud exploseraient avant la fin de la journée si je ne parvenais pas à m’en mettre une sur orbite. J’avais un monstrueux tricotin rentré. Ça me fouinassait dans la région du bas-ventre et ça devenait douloureux.

Cette nouvelle damnante était un peu moins grande que les deux premières, un peu moins blonde peut-être aussi, mais plus lascive. La regarder marcher équivalait à se projeter le film X ayant remporté le César du plus beau champ d’asperges. Elle m’entraînait dans un dédale souterrain de vastes couloirs marmoréens éclairés à giorno par des rampes lumineuses.

N’en pouvant plus de voir ses adorables meules me faire le pied de nœud en marchant, je la rejoignis d’un coup de compas et la saisis à l’épaule.

— Un mufle, assez beau garçon, ne vous a jamais proposé l’amour de but en blanc ? lui demandai-je.

Elle me dévisagit et souria.

A cet instant, une voix aux inflexions métalliques sortit du médaillon perforé que je portais au cou et déclara :

— Voyons, commissaire San-Antonio : pas avec le personnel !

La ravissantissime me désigna l’objet d’un air moqueur et reprit sa marche.

Je saisis le micro-haut-parleur et l’élevant au plus près de ma bouche, m’écrias :

— J’aime autant prévenir qu’en venant ici je n’ai pas fait vœu de chasteté. Je veux bien caramboler les centenaires, mais j’aime également la chair fraîche !

— Vous en aurez, me fut-il répondu. A satiété !

Puis la converse cessa et je recollas aux affriolantes miches de la souris.

Elle me guida jusqu’à une immense salle souterraine dont une partie importante était aménagée en stand de tir. Plusieurs mecs coiffés d’énormes écouteurs anti-bruit défouraillaient à tout-va sur des cibles mouvantes. Une forte odeur de poudre imprégnait ce lieu bruyant.

Un homme régnait sur le stand : un colosse en tenue de gaucho : bottes cloutées, pantalon moulant, chemise à carreaux, holster harnacheur.

Quand nous surgîmes, il abaissa une manette et l’obscurité brutale fit cesser les pétarades. Aussitôt, il renclencha le bidule. Les tireurs à l’entraînement ôtèrent leurs écouteurs.

— Vous pouvez disposer, garçons ! leur lança le moniteur.

Il ressemblait à la fois à un boxer et à un boxeur. Sa gueule écrasée se boursouflait de protubérances qu’il n’avait pas attrapées en soufflant dans des capotes anglaises pour en faire des ballons. Au cours de son existence, ce mec-là avait reçu plus de gnons que d’invitations à la Maison-Blanche.

— Hello ! me dit-il.

Il se montrait assez cordial ; bourru, mais affable. Je lui tendis la main, ce qui est une réaction très française. Il en fut surpris, mais la serra et j’eus alors l’impression que je venais d’engager ma paluche dans un broyeur à viande.

La fille s’était retirée discrètement et on restit en tête à tête.

— Vous êtes fortiche au tir ? questionna-t-il.

— J’en vaux d’autres ! répondis-je, laconique.

Il me fit signe de le suivre jusqu’au stand. Il s’empara d’un Colt, lui bourra la gueule de bastos grosses comme mon petit doigt et enclencha une cible.

Sur un fond de ciel, un vol de canards passa. Canards artificiels, certes, mais qui se déplaçaient à allure réelle. Le grand vilain défourailla à six reprises, très vite, et les six canards chutèrent.

Il rechargea son feu et me le tendit. Puis libéra un nouveau vol de canards sauvages. Je tiras six fois et les six canards tombèrent.

Le vilain cabossé eut une véhémente approbation du chef.

— Je vois à qui j’ai affaire ! me dit-il.

Il parlait l’anglais avec l’accent hongrois ou quelque chose comme ça.

Il réfléchit.

— Vous connaissez le court-circuit ?

— Pas encore.

— Je vous explique.

Il opéra une commande électronique. Un décor descendit au fond du stand. Il représentait un panorama de Manhattan. On voyait des gratte-ciel en troupeau. Le gorille aux boursouflures pressa un bistounet. Des loupiotes se mirent à briller aux fenêtres des immeubles. Elles naissaient de façon anarchique, un peu partout : en haut, en bas, au centre, de gauche et de droite. Une prolifération dingue.

— Vous pigez le système ?

— J’entrevois seulement.

— Je vais le régler sur huit. Huit fenêtres s’éclaireront tous les quarts de seconde. Il s’agit de les éteindre au fur et à mesure avec ce pistolet électronique. Il n’est opérationnel que pendant trois secondes. Vous n’aurez donc qu’une seconde de battement au total. Au bout des trois secondes votre pistolet est stoppé et on compte les fenêtres qui restent éclairées. Pigé ?

— Pigé.