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— D’accord ; et un autre encore ?

— Le vieillard qui a un début de Parkinson et qui s’appuie sur une canne noire.

— Admirable, venez !

T’as déjà pigé que je réutilise le déconnecteur de volonté. A la sauvette. Je bouscule très légèrement les deux bonshommes indiqués.

— Oh ! pardon ! je fais.

Ils répondent que « Ce n’est rien », dans leur patois originel.

Tu parles !

Combien le petit injecteur contient-il de doses, selon toi ? T’en sais fichtre rien ? J’aurais dû m’en gaffer, t’es incapable de me filer la moindre indication et je dois toujours faire tout seul.

Me reste qu’à espérer qu’il est chargé pour plusieurs clients.

— Demandez-leur de vous escorter au coffre, camarade général. Insistez. Tout doit être réglé dans l’heure qui vient.

J’attends la fin des pourparlers. Non loin, Son Excel-lence bérurière accroche une quantité de wagons. Elle carcasse, tousse, gerbe, fuse, aboie, feule, blatère, glapit, cancane. C’est un zoo à soi seul, le Gros !

Ministre, pas ministre, simple inspecteur ou ramasseur de mégots, il restera jusqu’au bout pareil à lui-même : superbe, ardent, flamboyant. Ses yeux pendent sur ses joues. Il les replace dans leurs orbites du dos de la main, comme une mégère courroucée remet ses nichons en cage après une algarade.

Ah ! elle ne passe pas inaperçue, l’Excellence.

Glavoski revient à moi, flanqué de ses deux homo-logues.

— Mes collègues acceptent de m’accompagner. Venez !

* * *

Dédale…

On sort.

Pénètre dans un autre bâtiment situé au fond et à gauche.

Messieurs les camarades se font déponner les lourdes les plus musclées. Le vieux kroum qui sucre marche le plus rapidement possible, comme s’il se sauvait de l’hôpital gériatrique, piquetant le sol de sa canne avec la régularité d’un hallebardier.

Glavoski est un personnage beaucoup craint, cela se voit à l’empressement qu’on met à obéir à ses ordres.

On se pointe dans le saint des saints, jusqu’au maître-autel, en l’occurrence la salle des coffres. Six hommes en uniformes noirs sont assis dans un sas fortement grillagé, mitraillettes en pognes.

Ça devient critique. Glavoski parlemente. Ses deux potes approuvent. On leur fait signer des documents. Puis on leur ouvre. Ma pomme, je dois attendre devant la grille.

A travers les énormes barreaux (ou plutôt à travers leur espacement, car ils ne sont pas transparents), j’assiste à la suite de l’opération.

Dans la salle des coffres, y a des coffres. Et puis un homme en combinaison rouge.

Ça continue de jacter. Nouvelles fiches signées des trois personnages. L’homme en rouge manipule des cadrans très compliqués me paraît-il, mais je suis à bonne distance, et peut-être ne le sont-ils pas si tellement ?

La progression continue.

Les quatre mecs arrivent devant un coffre si rébarbatif qu’aucun casseur jamais n’oserait lui adresser la parole ni lui faire l’insulte du chalumeau.

Fiche magnétique. Messieurs les membres du Polit-buro appliquent leur pouce droit sur une surface bleutée.

Le gonzier en combinaison ouvre l’énorme porte et s’empare d’un paquet placé sous scellées. Le général s’en empare.

Un processus inverse, celui du retour, s’opère alors.

Je ne sens plus battre mon cœur, tellement il est en hibernation, le pauvre. Je l’aurai mis à rude épreuve !

Mes trois compagnons me rejoignent enfin.

On se retire.

La cour… Des dômes brillent au clair de lune. On perçoit le brouhaha de la monstre réception. Sainte Russie ! Chère Russie ! Une bise aigre rôde dans le Kremlin. Des gardes gardent en arpentant leur part de bitume au pas de parade qui évoque le pas de l’oie des nazis.

— Général, fais-je au cornard, nous allons prendre congé de ces deux messieurs ; remerciez-les de leur obligeance et accompagnez-moi jusqu’à l’ambassade de France. Vous devez bien connaître une sortie discrète ?

Il consent, toujours en pleine docilité. Ce gadget, tu parles d’un élixir de tranquillité ! Faut que je le ramène à la maison, je le prendrai avec moi lorsque j’irai demander un abattement d’impôts à mon contrôleur.

Et ça se passe bien.

On salue les deux camarades, Glavoski m’entraîne vers une poterne gardée par deux sentinelles. Ces dernières le reconnaissent et lui présentent les armes.

Ouf ! Nous voici dehors…

Des espaces immenses dans la nuit. Tout est désert. Des étoiles brillent au ciel et, crois-moi ou va te faire décaper le fondement chez les Hellènes, mais ce sont les mêmes qu’à Saint-Cloud ; ce qui te prouve bien qu’on est peu de chose, n’est-ce pas ?

Aussitôt, je me convoque pour une conférence au sommet. Dans ma hâte de vider les lieux, je n’ai pas pensé à un mode de locomotion. On ne va pas se baguenauder bras dessus, bras dessous, à onze plombes du soir dans Moscou, le camarade général et moi, si ?

Comme répondant à ma question, une voiture surgit. Une grande tire noire CD (corps diplomatique). Elle ralentit et stoppe devant nous. Pavillon britannique. La portière arrière s’entrouvre. La lumière du plafonnier me permet de reconnaître Duck, assis dans la Bentley ancien modèle, un bras négligemment passé dans l’accoudoir.

Avec lui, il ne faut jamais s’étonner de rien.

— Vous passiez ? ricané-je.

— Non, répond-il, je venais vous chercher.

Je vais pour m’étonner, lui demander comment il a pu savoir que je me trouvais là à cet instant. Mais je sais qu’avec le B.B. il ne faut en aucun cas être surpris. Duck sait tout de mon comportement. Va savoir si, dans l’île, ils ne m’ont pas foutu dans l’estomac ou ailleurs quelque émetteur de leur invention capable de les renseigner sur tout ce que je fais, voire sur tout ce que je dis.

— Le général nous accompagne ?

— Pas nécessairement, il manquerait à la soirée officielle. Qu’il vous remette son petit paquet ; demain, son épouse regagnera le domicile conjugal.

Glavoski me tend spontanément la chose scellée.

— Je peux compter sur vous ? me dit-il.

Pas le temps de donner ma parole. D’ailleurs à quoi bon ? Comme je n’en ai qu’une, je suis toujours obligé de la reprendre. Non, je n’ai pas le temps car voilà que quatre bagnoles débouchent en trombe, qui freinent à mort et cernent la Bentley.

— Fâcheux, soupire Duck. L’alerte aura été vite donnée.

C’est tout.

Ça se met à grouiller autour de nous. On nous déménage de la tire diplomatique, bien que nous nous trouvions en territoire étranger. Des policiers en uniforme, d’autres en civil, mais qui paraissent plus en uniforme que les premiers !

On nous embarque avec le général dans les autres chignoles. Le chauffeur anglais est de la partie aussi. Flegmatique.

Brève randonnée.

Tout le monde descend. On gravit les quatre marches d’un perron. On nous pousse sans ménagements par des couloirs administratifs.

Ça ressemble à un film style « 1984 ». Tout est gris, froid, hostile. Personne ne parle. Il n’y a que des bruits et ils sont lugubres comme la plainte du vent dans le château de Dracula.

Nous voilà fait aux pattes.

Aux Karpates !

Je lorgne mes deux compères : Duck et Glavoski. Le premier semble assister aux courses d’Ascot, le second retrouve son visage géométrique et dur.

On nous introduit, pour finir le périple, dans un vaste bureau qui ressemble un peu à un tribunal car il comporte une longue table derrière laquelle ont pris place côte à côte trois personnages.

Deux autres petits bureaux métalliques, de part et d’autre, avec un homme à celui de gauche et une femme en uniforme à celui de droite. Des chaises pliantes, en plexiglas, sont disposées face à l’aréopage. On nous fait asseoir. Le reste de la troupe demeure debout devant les issues.