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— Bon, en somme ils ne font qu’utiliser un instant votre cuisinière à gaz. Marrants…

Oui, ils sont marrants, ces deux Ritals.

— Il y a longtemps qu’ils ne sont pas venus ?

— Deux jours…

Je repense au chianti…

— Tu dis qu’ils apportent leur bectance… Le picrate aussi ?

— Oui, tout, dit-elle.

Ce petit détail me prouve que la môme me bourre le mou tant que ça peut.

Une nouvelle bouffée de rage me fait voir rouge.

Je biche une de ses mèches et je la coupe net.

Elle pousse un gémissement qui ferait chialer une clé à molette.

— Je t’ai demandé la vérité, ma gosse. Toute la vérité, rien que la vérité. Tu sais…

Une sonnerie m’interrompt. Celle du téléphone. Je me souviens avoir vu l’appareil dans le salon. Je pousse la môme devant moi jusque dans cette pièce. Je décroche.

Une voix d’homme, impérieuse, demande à brûle-pourpoint, sans prononcer le traditionnel « Allô » :

— Qui est à l’appareil ?

Je réponds aussi instantanément que possible :

— Charlie.

L’interlocuteur invisible ne se nomme pas ; je n’ose le questionner sur son identité, de peur de donner l’éveil.

« Il » n’est pas là ? s’informe la voix.

— Non, dis-je.

— S’il vient, dites-lui d’appeler Verdurier.

— O.K.

L’autre a déjà raccroché.

Je repousse l’appareil, je prends Mireille par la taille et je l’assieds sur la table.

Ce geste a relevé sa jupe et dévoile une de ses cuisses.

Pendant une seconde, ça me fait comme si j’avais eu des mots avec Ray Robinson. Elle s’en aperçoit et, en belle garce qu’elle est, elle tire sa jupe de l’autre côté, ceci pour me prouver qu’elle a la paire.

Moi, qu’est-ce que vous voulez, je louche. Et je louche au point que mes gobilles sont prêtes à changer d’orbites. Je n’aurais qu’un mot à dire ou un geste à faire pour me farcir cette déesse. Faut une drôle de force de caractère pour s’arracher à ces cuisses-là.

Elle a un petit sourire de salope sûre de soi. Je le balaie d’une beigne.

— Non, Mireille, on ne rigole plus. On se met à table. Et à table, tu y es déjà. Jusqu’ici tu m’as un peu considéré comme une quintessence d’extrait de nave, mais je vais te prouver que tu t’es mis le doigt dans l’œil jusqu’à risquer de te perforer le slip. Angelino ne vient pas bouffer ici de temps en temps. Ici il y perche, ma beauté. Et il y biberonne son nom de Dieu de chianti. Je vais te dire autre chose. Lorsque je me suis mis à parlementer à la porte, tu as appelé ton mec et tu t’es fait la valise dans une autre pièce. C’est antiféminin, ça, de se trisser au moment où il va y avoir du sport. Au contraire, c’est l’instant que choisissent les femelles pour s’installer avec des jumelles de théâtre. Qu’as-tu donc fait, toi que voilà, riant sans cesse ?

Je rigole.

— Hein, flic, mais connaissant ses classiques !

J’enchaîne.

— Je vais te dire ce que tu as fait, ravissante sirène : tu es allée chercher un pétard, c’est juste. Mais tu as surtout mis un signal d’alarme. Angelino est trop fine mouche pour ne pas prendre ses précautions. Je parie que lorsqu’il sort, vous arrangez un truc à la fenêtre donnant sur le boulevard.

Comme nous sommes précisément dans la pièce en question, je regarde en direction de la croisée. J’éclate de rire. La combine est simplissime : l’un des rideaux — celui de droite — est noué.

Je vais le remettre dans sa position normale.

— Code à la portée d’une cervelle de moineau comme la tienne, fais-je. Un rideau noué signifie danger. Les rideaux baissés veulent dire R.A. S…

J’ai mis dans le mille. Elle est pâle, Mireille, malgré son teint de pêche.

Moi je glousse d’aise. Non pas parce que je viens de lui en coller plein les mirettes, mais surtout parce que je sens que mon cervelet commence à se mettre sérieusement au labeur.

Je m’approche de la fille, et d’un geste machinal, je promène ma main sur ses nylons cristal. Ses jambes sont coulées au moule. Elles sont fermes et douces, elles sont tièdes… Elles parlent ! Y a un locdu qui a déclaré un jour : « Ce que vous avez à dire, dites-le avec des fleurs » ; ce peigne-zizi n’avait pas pensé aux tiges de la môme Mireille. Quelle éloquence…

Maintenant elle n’essaie plus de me vamper, car elle sait que j’ai la main versatile : une caresse, une mornifle !

Avoue, mon oiseau des tropiques, que le signor Angelino habite ici ?

Elle baisse la tête.

— Oui, souvent, fait-elle.

— Bon, on y vient petit à petit, à cette sacrée vérité.

Sur ce, nouvelle sonnerie téléphonique. Comme précédemment je décroche.

— Allô, lancé-je brièvement.

Je reconnais la voix d’Angelino.

— Salut, commissaire, fait-elle, quoi de neuf depuis tout à l’heure ?

CHAPITRE XV

COURS-MOI APRÈS, JE T’ATTRAPE !

Je n’ai jamais vu de gangster de l’espèce d’Angelino, mais je n’ai jamais vu non plus un bandit qui n’ait pas le sens du coup de théâtre et mon Rital n’échappe pas à cette règle.

Je domine ma surprise.

— Du neuf ? je fais ; non, rien, si ce n’est que cette truffe de Mireille ne sait pas se servir d’un feu. Elle a voulu m’assaisonner et c’est votre copain Charles qui a bloqué dans la calbombe la bonne marchandise.

— C’est la première fois qu’il a quelque chose dans la tête, fait Angelino, en guise d’oraison funèbre.

Il toussote et me demande :

— Vous aviez quelque chose à me dire ?

— Non, à vous demander.

— Allez-y…

— J’aimerais mieux le faire en tête-à-tête.

— Je suis pris en ce moment ; voulez-vous ce soir ?

Quel jeu joue-t-il encore, ce gougnafier ?

— Oui… Où ?

— Ici, fait-il. Chez la charmante Mireille. A propos, fait-il, vous avez trouvé facilement ?

Ça le turlupine, la promptitude avec laquelle j’ai découvert sa retraite de Montmartre.

— Oh ! vous savez, je réponds, un flic, c’est un chien de chasse, c’est fait pour découvrir ce qui est caché…

Il rit.

— Bravo.

Cet hommage me va droit au cœur.

— Vous voyez, fais-je immodestement, que je puis vous être à l’occasion de quelque utilité…

— En effet, à ce soir…

— A quelle heure ?

— Huit, ça va ?

Je saisis le poignet de la môme Mireille et jette un regard à sa montre. Celle-ci marque trois heures moins vingt. In petto, je me dis qu’à huit heures il y aura du mal de fait. Car je suis de plus en plus convaincu qu’il se mijote quelque chose de pas ordinaire pour très très bientôt !

— Oui, ça ira, dis-je. Bonsoir…

Je pose l’écouteur.

Cet appel m’indique que mon caïd a été mis sur ses gardes par le coup du rideau. Il a téléphoné afin de tâter le terrain, ou plutôt non, il a fait surveiller l’immeuble et, lorsque je me suis approché de la fenêtre pour dénouer le rideau, il a su qui se trouvait dans l’appartement. Bon, alors pourquoi a-t-il voulu me parler ? Nouveau mystère. Je sais qu’avec lui, tout est justifié. Il ne lève pas le petit doigt sans motif valable.

Je me gratte le crâne.

Et si Angelino avait eu besoin de m’immobiliser dans cet appartement quelques minutes ? Ou bien…

Je ne sais plus…

Ah ! si : Angelino s’est peut-être dit que j’allais l’attendre ici. Il s’est manifesté pour me montrer qu’il était au courant de ma présence dans l’appartement et que, par conséquent, il était inutile que j’y séjourne davantage…