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— Mais c’est inimaginable ! s’écrie le conservateur. C’est là l’œuvre d’un fou !

— Pas tellement ! je murmure.

Non, Angelino n’est pas déplafonné, c’est même tout le contraire d’un jobré.

— Qu’y a-t-il au-dessus de cette salle ? je demande.

Le conservateur ferme les yeux pour se repérer dans la topo de son bazar…

— La salle des collections de pierres ! décide-t-il.

Je m’en doutais plus que fortement.

— Je parie, lui dis-je, que c’est dans cette pièce que se trouve le don de Lady Vool ?

— Oui, sursaute-t-il. Pourquoi ?

— Oh ! une idée, comme ça… On peut la voir ?

— Si vous voulez.

Nous grimpons au premier étage, et le gardien-chef nous ouvre la porte d’une salle nettement plus petite que les autres, entourée de vitrines grillagées.

— Voici la collection Vool, dit le conservateur en me désignant les joyaux, dans une vitrine. Une petite cérémonie était prévue pour demain, le ministre des Beaux-Arts devait les remettre solennellement au Louvre. En réalité, ils sont là depuis huit jours…

— Comment sont-ils venus d’Angleterre ?

— Une délégation des Beaux-Arts est allée en prendre livraison à Londres… Un de vos collègues l’accompagnait, du reste…

— Vous connaissez le nom de ce collègue ?

Il fouille sa mémoire… Mais déjà je sais de qui il retourne… Je me souviens que Wolf est allé en mission à Londres, il y a peu de temps…

Toute la combine Angelino m’apparaît en plein soleil…

Les experts sont allés récupérer les diams sous la protection d’un type des services secrets… Ils ont estimé, palpé, admiré la bimbeloterie. Puis, quand leur examen a été fini, Wolf a substitué à la collection, ou du moins à certaines pièces importantes, les verroteries taillées sur mesure que lui avait remis Angelino… Superbe combine !

Une fois au Louvre, la supercherie ne risquait pas d’être éventée… Seulement, le fameux Lord Said a été convié à la petite cérémonie… Il connaissait trop les bijoux pour se laisser abuser par les gobilles… Il fallait éviter à tout prix qu’il arrive devant ces vitrines.

Je me tiens à l’écart et, la tronche dans mes mains, je m’ouvre à la vérité. D’accord, ça c’est un point… Un point éclairci… On devait buter l’Angliche avant qu’il ne gueule aux petits pois. Mais alors, pourquoi ce buste-explosif ? Si Angelino avait l’intention de faire sauter la moitié du Louvre, il n’avait qu’à le faire avant l’arrivée du savant, cela lui aurait évité bien des complications…

— Enfin, si je puis dire…

— Vous avez l’heure ? je demande au conservateur.

Il me regarde.

— L’heure ?

Il réagit et colle son nez sur son verre de montre.

— Huit heures moins cinq.

— Merci… Excusez-moi, je dois filer à un rendez-vous terriblement important…

Il m’arrête…

— Qu’est-ce que je dois faire ?

— Rien. L’artificier va évacuer le buste… Pour le rapport, je m’en charge… Ah ! si… Faites expertiser les cailloux, vous aurez sûrement une petite surprise.

CHAPITRE XXIII

A MOI, ANGELINO : DEUX MOTS

Dans la bagnole mise par le boss à ma disposition, je tâche de coordonner les éléments que je possède. C’est un petit exercice assez délicat.

Je me rends compte que, dès le départ, nous avons pris une fausse piste. Cela vient de ce que j’ai cru comprendre le mot Orsay alors qu’il s’agissait de Lord Said… Comme il y avait une conférence internationale, on s’est illico orienté — le boss et moi — vers un attentat… Ce qui a couronné le tout, c’est l’histoire du buste de Montesquieu qui figurait aussi au ministère…

Angelino devait faire surveiller Wolf, puisque celui-ci avait pris à l’opération une part aussi capitale. Il a dû comprendre que la mort de mon collègue n’était pas normale. Alors il m’a fait suivre… Lorsqu’il s’est rendu compte que j’allais à Versailles, il a dû dire à un Mallox quelconque que si jamais je me rendais chez la petite Rynx, il faudrait à tout prix empêcher celle-ci de parler.

J’y vais et on dérouille la pauvrette.

On continue à m’avoir à l’œil… Angelino est curieux de savoir où j’en suis. La rapidité de mes recherches ne lui dit rien qui vaille. Suis-je au courant de l’histoire des bijoux ou non ?

Il est résolu à stopper mon activité, du moins à la contrôler.

Lorsque Ruti lui annonce que je suis au Louvre, il décide que le moment est venu d’avoir une conversation avec moi.

A ce moment-là il est sans doute décidé à me liquider, seulement il se produit un fait nouveau… Oh ! il n’est pas dupe de ma petite proposition de collaborer, seulement il feint de l’accepter parce que, en voulant l’épater, je lui ai parlé des Affaires étrangères… Il a dû se marrer en comprenant que je courais après un nuage… Il valait mieux me laisser en vie car, précisément, cette fausse piste lui donnait plus de liberté pour agir.

Entre-temps, il avait fait « récupérer » la petite sculptrice pour essayer de savoir ce qu’elle avait révélé. Avait-elle dit qu’elle avait fait une copie du buste de Monstesquieu en employant du plastic ?

Non, elle ne m’a rien dit. Elle ignorait sans doute ce qu’était au fond cette matière… Elle avait été surprise de ce qu’on lui commandât un travail exécuté avec cette pâte, simplement… Elle m’en aurait certainement parlé si nous avions poursuivi l’entretien…

Bon… Sans perdre de temps, je découvre l’une des retraites d’Angelino. Alors il prend le mors aux dents. Je deviens un adversaire vraiment dangereux : à liquider !

Mais la chance me sourit dans le bistrot… Elle me sourit encore chez Verdurier, le complice qui s’occupait de la petite… Elle se gondole encore à Saint-Lazare, tandis que je perpétue à ma manière le numéro des Clérans.

Et maintenant ?

Il me reste trois choses à régler : le but exact de la statue de plastic, l’arrestation d’Angelino, la récupération des bijoux… Car je me fais un point d’honneur de régler ces questions qui ne sont cependant pas exactement de mon ressort… Voilà vingt-quatre heures que je me fais tailler le lard, que je bigorne des foies-blancs, mais cela n’a pas empêché Angelino de respecter son programme, qui est la liquidation du vieux Lord…

Tout en réfléchissant on a roulé, et tout en roulant on arrive en haut de la rue des Martyrs.

Je dis au chauffeur :

— Si dans un quart d’heure tu ne m’as pas revu, fais donner la garde : je vais au 112 du boulevard, premier étage…

Je quitte la guinde et escalade la volée de marches.

Je sonne sur l’air convenu : « Ta tagadagada tsoin tsoin » et j’attends.

Je me demande si ce n’est pas crétin de venir au rendez-vous d’Angelino. Après tout ce qui s’est passé, il est fort peu probable qu’il y soit fidèle…

Personne n’a l’air de répondre… M’est avis que la belle Mireille a fait fi de mes conseils et qu’elle s’est taillée dans les azimuts comme se taillent les hirondelles à l’approche des froidures.

Je tourne en vain le loquet. Puis je resonne, mais sans espoir. Au moment où je fouille mes poches pour m’emparer de mon petit sésame, je sens un corps dur dans mon dos.

Je me retourne et je vois deux mecs. L’un est Mallox, l’autre, si ma mémoire visuelle est fidèle, est le type qui conduisait la voiture lorsqu’il a essayé de me rétamer.

Ils ont tous deux un pétard à silencieux.

Mallox, d’un geste rapide, passe sa main par l’ouverture de ma veste et cueille mon soufflant.

— Allez, go ! fait-il.

Je m’apprête à descendre l’escalier.