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Il est futé, Angelino…

— Y a le téléphone ? je demande…

— Oui, dans la pièce voisine.

J’y vais, je demande le Dépôt et on me passe l’officier de garde.

— Vous avez réceptionné Angelino ?

— Oui…

— Il a passé à la fouille ?

— Oui…

— Négatif ?

— Nous avons trouvé à même sa peau une ceinture de toile…

Je me renfrogne… Parbleu, le lascar trimbalait la cagnotte sur lui. J’aurais dû y penser, au lieu de jouer les Sherlock Holmes de noces et banquets.

— Qu’y avait-il dans la ceinture ?

— Du fric ! Un gros tas… Dix mille dollars, deux mille livres… Et près d’un million de francs en billets de dix mille balles !

— C’est tout ?

— C’est tout…

— Rien d’autres, pas de clé, pas de papiers, pas de reçu ?

— Non…

— Et la vieille ?

— Elle n’avait rien.

— Sans blague…

— Parole, commissaire. Et le boulot a été bien fait. On les a explorés de fond en comble. Ils sont vides comme des noix dont on a mangé le bon…

— Ça va, merci…

Je raccroche et me tourne vers Mireille.

— Non de foutre, il ne les a pourtant pas bectés !

Je frappe du pied avec rage.

— On ne me sortira jamais de l’idée qu’ils les ont à portée de la main ! Un type qui trimbale sur sa bedaine une fortune en billets de banque est un type qui s’attend à devoir calter d’un moment à l’autre…

« A moins que… A moins qu’il ait expédié les gobilles quelque part à un nom d’emprunt en poste restante… Mais j’en doute, il est tellement méfiant… »

Mireille est retournée s’asseoir sur le lit des époux Angelino, du moins sur ce qu’il en reste. Elle a une jambe repliée sous elle qui fait remonter sa jupe et découvre le haut de son bas, sa jarretelle blanche à petites fleurs bleues… (Où va se nicher la poésie, je vous le demande ?) Le bas est couleur chair, la jarretelle blanche tranche sur la peau ambrée… Je sens que des idées bizarres me cavalent sous le dôme à toute allure…

Mais elle ne pense pas à la rigolade, Mireille. Elle a un petit air sérieux qui ne lui va pas du tout.

— A quoi penses-tu ? je questionne.

Elle me désigne un flacon de lotion capillaire sur la coiffeuse.

— A ça, dit-elle.

Je regarde le flacon.

— Angelino se collait ce truc-là sur les tifs ?

Elle ricane :

— Tu les a vus, les tifs d’Angelino ? S’il y mettait quelque chose dessus, ce serait plutôt de la gomina pour essayer de les aplatir. Non, c’est sa souris qui se balance ça sur le crâne, parce qu’à elle, ses tifs sont chétifs ; je m’en suis aperçue souvent. Elle a une moumoute comme chignon…

Je murmure :

— Ah ?…

— Oui, fait Mireille. Et je me rappelle qu’un jour où elle l’épinglait, son chignon, ça faisait un drôle de bruit, à l’intérieur… On aurait dit qu’il y avait des noyaux dedans…

Je la regarde.

— Mireille, je lui fais, non seulement tu as un soubassement qui vaut le déplacement, mais encore tu possèdes un chapiteau que beaucoup de bonshommes t’envieraient…

Je passe une dernière fois ma main sur sa belle cuisse dénudée.

— Ta jarretelle, je lui fais, je crois bien que je vais en rêver pendant un siècle ou deux ! Allons, viens…

Nous descendons dans la rue.

— Si tu as un cousin à la campagne, tu ferais bien d’aller passer quelques jours chez lui. Salut, fillette !

Et je m’éloigne à grandes enjambées, sans me retourner, en me disant que le chignon de la mère Alda est en effet un coffre-fort très ingénieux.

ÉPILOGUE

J’ai dû vous le faire remarquer quelque part : moi, je suis poète…

Vous ne me feriez jamais manger une tartine de gorgonzola pendant que je raconte à une gonzesse des salades dans le genre de celles que Roméo bonnissait à Juliette pendant que leurs vieux avaient le dos tourné…

Non. Je suis champion pour ce qui est de tenir une souris par le petit doigt en lui chuchotant des trucs qui feraient tomber en digue-digue un fauteuil à roulettes.

Comme la petite Claude vient de me demander ce qui s’est passé, je lui dis :

— Un mauvais rêve, mon ange, ça s’oublie lorsque le coq chante…

Et j’imite à la perfection le chant du coq. Une poule s’y tromperait et commencerait à s’ébouriffer en m’entendant.

Elle éclate de rire, puis elle fait la grimace, car elle n’est pas encore en état de se fendre le parapluie.

Une petite infirmière entrouvre la porte.

— Monsieur le commissaire San-Antonio, murmure-t-elle.

— C’est lui ! crié-je.

— Au téléphone !

— Allons bon !

Je lâche le petit doigt de Claude.

— A tout de suite, mon petit canard…

Je descends au bureau de l’hosto.

Bien entendu, c’est le chef.

— Comment savez-vous que je suis ici ? je lui demande.

— Croyez-vous que je serais assis dans le fauteuil que j’occupe si je n’étais pas capable de trouver mes collaborateurs ?…

Il enchaîne après une toux savante :

— Qu’est-ce qu’on fait pour Nez-Creux ?

Je rigole.

— Je l’avais oublié, celui-là. Faites-le relâcher et veillez à ce qu’on lui fasse une fleur.

— Quoi, par exemple ?

— Vous avez toujours les cents sacs que m’avait remis Angelino ?

— Vous m’aviez dit de les remettre aux œuvres…

— Hum, nous penserons aux œuvres une autre fois. Donnez-les à Nez-Creux, on lui doit bien ça, non ?

— Si…

Il tousse encore.

— A propos, fait-il, je reviens du ministère des Affaires…

— Ah ?

— Oui… Ce n’est pas le buste de Montesquieu qui se trouve dans le grand salon, mais celui de Talleyrand…

— Le gland ! fais-je. Dire que si l’huissier auquel j’avais posé la question avait répondu juste…

— Vous ne seriez plus là, achève le boss. N’oubliez pas que c’est votre fausse piste qui vous a sauvé la vie…

— C’est vrai…

« Vous n’avez pas besoin de moi, ces jours, patron ? »

— Non, pourquoi ?

— J’aimerais régler une affaire de famille…

— C’est ça, dit le boss, et embrassez-la bien pour moi.

FIN