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Grâce au matériel de communication par satellite sophistiqué des Vrais, les Petits Jumeaux Pois Sec et Graine à Canari surveillaient les échanges radio de la police dans le Nord-Est. Pour le moment, rien sur l’éventuel kidnapping d’une petite fille. Bonne nouvelle, mais pas vraiment surprenante. Des renforts assez malins pour tendre une embuscade devaient être assez malins pour savoir ce qui risquait d’arriver à leur petite poulette s’ils rendaient l’affaire publique.

Quelque part dans la camionnette, un autre téléphone sonna. Sans quitter la route des yeux, Skunk se pencha par-dessus ses passagers zombies, ouvrit la boîte à gants et trouva le portable. Celui du vieux zigue, sans doute. Il l’amena à hauteur d’yeux. Pas de nom, donc le numéro figurait pas dans le répertoire, mais l’indicatif était celui du New Hampshire. L’un des petits malins qui voulait savoir si le vieux zigue et son bébé allaient bien ? À tous les coups. Skunk envisagea de répondre puis laissa tomber. Il vérifierait plus tard si le correspondant avait laissé un message. L’information, c’est le pouvoir.

Quand il se pencha pour remettre le téléphone dans la boîte à gants, il sentit du métal sous ses doigts. Il jeta le téléphone dans la boîte et ramena un pistolet automatique. Jolie trouvaille et prime de choix. Si le vieux zigue s’était réveillé un poil plus tôt, il aurait pu s’en saisir avant que Skunk devine ses intentions. Skunk glissa le Glock sous son siège et referma la boîte à gants.

Les flingues aussi, c’est le pouvoir.

11

Il faisait nuit noire et ils roulaient sur la nationale 108, au fin fond des montagnes Vertes, lorsque Abra commença à remuer. Skunk, toujours intensément vivant et éveillé, ne s’en frappa pas. Il était curieux de cette môme, pour commencer. Ensuite, la jauge de carburant de la vieille camionnette approchait de la réserve et quelqu’un allait devoir faire le plein.

Mais inutile de prendre des risques.

De sa main droite, il sortit l’une des deux seringues restantes de sa poche et la tint sur sa cuisse. Il attendit que les yeux de la fille — encore vagues et embrumés — s’ouvrent pour lui dire: « Bonsoir, ma petite demoiselle. Je suis Henry Rothman. Est-ce que tu comprends ce que je te dis ?

— Vous êtes… » Abra se racla la gorge, s’humecta les lèvres et réessaya: « Vous êtes Henry rien-du-tout. Vous êtes le Skunk.

— Donc, tu me comprends. C’est bien. T’es encore un peu dans les vapes, je suppose, et tu vas le rester, parce que je t’aime mieux comme ça, ma petite. Mais si t’es une gentille petite fille, j’aurai pas besoin de te remettre KO. Tu piges ?

— Où on va ?

— Poudlard, Tournoi international de quidditch. Je te paierai un hot-dog sorcier et de la barbe-à-papa magique. Réponds à ma question. Tu vas être une gentille petite fille ?

— Oui.

— Oh, une adhésion aussi instantanée est un plaisir pour les oreilles, mais tu devras me pardonner si je te fais pas entièrement confiance, ma petite. Je me dois de te délivrer une information vitale avant que tu tentes quoi que ce soit d’idiot et d’irréparable. Tu vois cette seringue que j’ai là ?

— Oui. » Abra avait toujours la tête appuyée contre la vitre mais elle baissa les yeux vers la cuisse de Skunk. Elle les referma lentement, puis les rouvrit, toujours aussi lentement. « J’ai soif.

— C’est l’effet de la came, sans aucun doute. J’ai rien emporté à boire, on est partis un peu précipitamment, je dois dire…

— Je crois que j’ai une minibrique de jus de fruits dans mon sac. » Enrouée. Voix lente et sourde. Yeux s’ouvrant toujours péniblement après chaque clignement de paupières.

« Désolé, mais elle est restée dans ton garage. Je te prendrai peut-être quelque chose à boire dans le prochain bled… si t’es une mignonne petite Boucle d’or, ça va sans dire. Mais si t’es une vilaine petite Boucle d’or, tu passeras le reste de la nuit à avaler ta salive. Compris ?

— Oui…

— Si je te sens farfouiller dans mon esprit — oui, je sais que t’en es capable — ou si t’essayes d’attirer l’attention quand on s’arrêtera, je ferai une deuxième piqûre à ce vieux monsieur. Après ça, crois-moi, il sera aussi mort qu’Amy Winehouse. Compris, ça aussi ?

— Oui. » Elle se lécha à nouveau les lèvres, puis se frictionna la bouche avec la main. « Lui faites pas de mal.

— C’est toi qui vois.

— Vous m’emmenez où ?

— Boucle d’or ? Ma puce ?

— Quoi ? » Elle cligna des yeux sans le voir.

« Tais-toi et regarde le paysage.

— Poudlard, marmonna-t-elle. Barbe… à… papa. » Cette fois, quand ses yeux se fermèrent, ils le restèrent. Elle se mit à ronfler doucement. C’était un petit bruit léger et plutôt agréable. Skunk ne pensait pas qu’elle jouait la comédie, mais juste au cas où, il garda la seringue prête, près de la cuisse du vieux zigue. Comme Gollum l’avait dit un jour à propos de Frodon Sacquet: Trop risqué, mon Précieux. Trop risqué.

12

Abra ne sombra pas complètement dans le sommeil ; elle entendait toujours le bruit du moteur, mais il ronronnait très loin. Comme s’il était au-dessus d’elle. Ça lui rappelait quand elle allait au lac Winnipesaukee avec ses parents les après-midi de canicule, et qu’elle entendait le vrombissement sourd des bateaux à moteur lorsqu’elle plongeait la tête sous l’eau. Elle savait qu’on était en train de la kidnapper et qu’elle aurait dû s’inquiéter, mais elle se sentait bien, sereine, contente de flotter entre le sommeil et la veille. Mais elle avait toujours la bouche et la gorge horriblement sèches. Et l’impression que sa langue était un vieux bout de moquette poussiéreux.

Je dois faire quelque chose. Il m’emmène à la femme au chapeau et je dois faire quelque chose. Sinon, ils me tueront comme ils ont tué le p’tit gars du base-ball. Ou ils me feront encore pire.

Elle allait faire quelque chose. Quand elle aurait bu. Et dormi encore un peu…

Le bourdonnement du moteur s’était transformé en ronronnement lointain quand un rai de lumière pénétra sous ses paupières closes. Puis le ronron se tut complètement et elle sentit l’index du Skunk s’enfoncer dans sa cuisse. Gentil d’abord, puis plus brutal. Assez brutal pour lui faire mal.

« Réveille-toi, Boucle d’or. Tu pourras encore dormir après. »

Elle ouvrit les yeux avec peine et grimaça, aveuglée par la luminosité. Ils étaient garés devant des pompes à essence éclairées aux néons. Elle mit la main en visière pour se protéger de leur éclat. Et voilà, maintenant, en plus d’avoir soif, elle avait mal au crâne. C’était comme…

« Y a quelque chose de drôle, Boucle d’or ?

— Hein ?

— Pourquoi tu souris ?

— Je viens juste de comprendre ce qui tourne pas rond chez moi. J’ai la gueule de bois. »

Skunk réfléchit, et se marra. « Ça doit être ça, et t’as même pas connu le bonheur de te pavaner avec un abat-jour sur la tête. T’es assez réveillée pour comprendre ce que je vais te dire ?

— Oui. » Du moins, elle pensait l’être. Ah, mais ce martèlement dans le crâne. Horrible.

« Tiens, prends ça. »

Il lui mit sous le nez un truc qu’il brandissait de la main gauche, la droite tenant toujours la seringue avec l’aiguille dirigée vers la cuisse de Mr. Freeman.

Abra plissa les yeux. C’était une carte de crédit. Elle tendit la main pour la prendre, une main qui lui parut trop lourde. Ses yeux recommencèrent à se fermer et le Skunk la gifla. Elle les rouvrit tout grands, accusant le coup. Personne ne l’avait jamais frappée de sa vie, aucun adulte, en tout cas. Évidemment, personne ne l’avait jamais kidnappée non plus.