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— Il devra attendre là encore un peu. Juste assez pour que personne ne puisse dire: “Tiens donc, cet appel anonyme a été passé juste après qu’un inconnu est venu acheter une pelle à la quincaillerie d’Adair.” Ça n’arriverait sûrement pas, mais nous ne pouvons pas prendre le risque.

— Combien de temps ?

— Peut-être un mois. »

John réfléchit et soupira. « Peut-être même deux. Laisser encore un peu de répit à sa famille pour qu’elle continue à penser qu’il a peut-être juste fait une fugue. » Il secoua la tête. « Si j’avais dû voir son visage, je crois que plus jamais je n’aurais pu dormir de ma vie.

— Tu serais surpris de tout ce à quoi un être humain peut survivre », lui dit Dan. Il pensait à Mrs. Massey, désormais reléguée en lieu sûr dans le fond de sa tête ; fini pour elle de venir le hanter. Il démarra la voiture, abaissa sa vitre et tapa plusieurs fois le gant de base-ball contre la portière pour en déloger la terre. Puis il l’enfila, glissant ses doigts où l’enfant les avait lui-même glissés par tant d’après-midi ensoleillés. Il ferma les yeux. Et au bout d’une trentaine de secondes, les rouvrit.

« Tu as capté quelque chose ?

– “Vous êtes Barry. Vous êtes un gentil.”

— Qu’est-ce que ça signifie ?

— Je ne sais pas, mais je parierais que c’est celui qu’Abra appelle Barry le Chinois.

— Rien d’autre ?

— Abra saura en tirer davantage.

— Tu es sûr de ça ? »

Dan pensa à la façon dont sa vision s’était aiguisée dès qu’Abra avait ouvert les yeux à l’intérieur de sa tête. « Absolument. Éclaire une seconde la paume avec ta lampe, tu veux ? Il y a quelque chose d’écrit là. »

John s’exécuta, illuminant un tracé d’enfant appliqué: THOME 25.

« Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda-t-il. Je croyais qu’il s’appelait Trevor.

— Jim Thome est un joueur de base-ball professionnel. Il porte le numéro 25. » Dan garda les yeux fixés un instant sur la paume du gant, puis le déposa doucement sur le siège arrière. « C’était le joueur préféré de ce gosse. Il a donné son nom à son gant. Je vais te les choper, ces enculés. Je le jure devant Dieu Tout-Puissant, je vais les choper et leur faire regretter d’être nés. »

14

Rose Claque avait du Don — tous les Vrais en avaient — mais pas de la même façon que Dan ou Billy. Et donc ce soir-là, alors qu’ils se faisaient leurs adieux, ni Rose ni Skunk n’eurent la moindre intuition que, dans le même temps, l’enfant qu’ils avaient enlevé plusieurs années auparavant en Iowa était exhumé par deux hommes qui en savaient déjà beaucoup trop long sur leur compte. Eût-elle été en état de profonde méditation, Rose aurait pu intercepter les échanges entre Dan et Abra, mais évidemment la jeune fille aurait alors immédiatement repéré sa présence. D’autre part, les adieux se déroulant dans l’EarthCruiser de Rose, ce soir-là, étaient d’une nature particulièrement intime.

Allongée sur son lit, les mains derrière la tête, Rose regardait Skunk se rhabiller. « T’es allé faire un tour à District X, comme je t’avais demandé ?

— Pas moi perso, j’ai ma réputation à protéger. J’y ai envoyé Jimmy Zéro. » Skunk sourit largement en bouclant son ceinturon. « Ç’aurait dû lui prendre quinze minutes, mais il y est bien resté deux heures. Je crois que Jimmy s’est trouvé une deuxième famille.

— Bien. C’est bien. Je suis contente que vous preniez votre pied, les mecs. » Elle affectait un ton léger… mais après les deux jours de deuil pour Grand-Pa, avec pour point culminant le cercle d’adieu, prendre les choses à la légère requérait un véritable effort.

« Rien de ce qu’il y a trouvé ne peut se comparer à toi. »

Rose haussa un sourcil. « Ah, tu l’as testé en avant-première, hein, Henry ?

— Avec ce que j’ai là ? Pas besoin. » Il la regarda, étendue nue, les cheveux déployés en un sombre éventail. Elle était grande. Même allongée, elle était grande. Il avait toujours aimé les grandes. « Tu es l’attraction vedette de mon théâtre intime et tu le seras toujours. »

Ampoulé — juste un échantillon du style enjôleur breveté de Skunk — mais ça lui fit néanmoins plaisir. Elle se leva et vint se presser contre lui, fourrageant à pleines mains dans sa chevelure. « Tu seras prudent. Ramène bien tout le monde au bercail. Et ramène-la, elle.

— Tu peux compter sur nous.

— Alors, tu ferais bien de te magner le train.

— Relax. On sera à Sturbridge vendredi matin à l’ouverture d’EZ Mail Services. Et dans le New Hampshire à midi. À ce moment-là, Barry l’aura déjà localisée.

— Tant qu’elle ne le localise pas, lui.

— Je me fais aucun souci pour ça. »

Très bien, pensa Rose. Alors je me ferai du souci pour deux. Je m’en ferai jusqu’à ce que j’aie la môme sous les yeux, poignets menottés et chevilles entravées.

« La beauté du truc, dit Skunk, c’est que si elle nous renifle et qu’elle essaie de nous opposer un mur d’interférences, ça aidera juste Barry à se syntoniser sur elle.

— Si elle prend vraiment peur, elle risque d’alerter la police. »

Skunk lui décocha un grand sourire. « Tu crois ça ? “Mais oui, petite fille, qu’ils lui diraient, nous sommes persuadés que des gens affreux te poursuivent. Alors, raconte-nous s’ils viennent de l’espace ou si c’est juste des petits zombies d’arrière-cour. Comme ça, on saura ce qu’on doit chercher.”

— Déconne pas avec ça, c’est pas à prendre à la légère. Va et reviens sans faire de vagues, c’est notre seule option. N’implique aucun élément extérieur. Aucun badaud innocent. Liquidez les parents s’il le faut, liquidez quiconque essaiera d’interférer, mais faites ça discrètement. »

Skunk esquissa un comique salut militaire. « Oui, mon capitaine.

— Allez, vire de là, idiot. Mais fais-moi encore un bécot avant de partir. Une bonne grosse galoche, tiens, avec cette belle langue sucrée que tu as. »

Il lui donna ce qu’elle demandait. Rose le retint longtemps, étroitement serré.

15

Dan et John roulaient en silence. La pelle était dans le coffre, le gant de base-ball sur le siège arrière, enveloppé dans une serviette de toilette Holiday Inn. Finalement, John se décida: « Nous allons devoir prévenir les parents d’Abra maintenant. Elle ne va pas aimer ça, et Dave et Lucy ne voudront pas y croire, mais il n’est plus possible de reculer. »

Dan, le visage neutre, le regarda et dit: « Tu es quoi, toi, télépathe ? »

John ne l’était pas, mais Abra si, et quand sa voix de stentor explosa soudain dans sa tête, Dan fut soulagé que John ait pris le volant. Si ç’avait été lui, ils auraient fini dans le champ de maïs d’un paysan du coin.

(NOOOON !)

« Abra. » Il s’adressa à elle à haute voix pour que John puisse suivre au moins une partie de la conversation: « Abra, écoute-moi. »

(NON, DAN ! ILS PENSENT QUE JE VAIS BIEN MAINTENANT ! QUE JE SUIS REDEVENUE NORMALE !)

« Abby, écoute-moi, tu sais bien que ces gens — ces choses — n’hésiteraient pas à tuer ton père et ta mère pour s’approcher de toi, tu me l’as bien dit ? Et après ce que John et moi avons découvert ici, je n’en doute plus une seule seconde, moi non plus. »