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Il la gara et continua à pied dans Winzerstrasse. Le numéro 28 était la sixième maison. C’était une villa assez laide, moderne, à un seul étage, au milieu d’un petit jardin. Noire et silencieuse, elle semblait abandonnée.

Malko posa la main sur le bouton de la grille et poussa. Elle s’ouvrit sans même grincer. Attenant à la maison, il y avait un garage fermé. La couche de neige était lisse partout, même dans l’allée conduisant à la porte d’entrée. Aucune trace de pas nulle part. Malko tira son pistolet de sa ceinture et le glissa dans la poche de son pardessus de cachemire bleu. Il franchit l’allée jusqu’à la porte d’entrée et calmement, appuya sur la sonnette.

Rien. Il recommença. Colla son oreille au battant glacé ; impossible de savoir si la sonnette fonctionnait et résonnait trop loin. Il attendit trois minutes, le doigt enfonçant le bouton, puis mit la main sur la poignée et pesa. La porte n’était pas fermée à clé et s’ouvrit. Malko se rejeta vivement sur le côté. Cela sentait le piège à plein nez, mais il ne pouvait plus reculer.

D’un bond il fut dans l’entrée et se tapit dans l’obscurité. Mais rien ne se passa. Le pistolet au poing, il tâtonna le long du mur et finit par trouver un commutateur. Accroupi, il appuya dessus. Une ampoule s’alluma au plafond, éclairant un décor très banal. Une commode, un porte manteau, des portes fermées. Il referma celle de l’extérieur et remarqua qu’elle était équipée d’une serrure encastrée défiant tout cambriolage si elle avait été fermée. Dès cette seconde, Malko sut que la maison était vide.

Il poussa une première porte. C’était la salle à manger. Vide. Meublée d’horribles choses fausse Renaissance. L’autre pièce était une chambre à coucher. Il y avait aussi une cuisine et un office. Des verrous étaient posés sur toutes les fenêtres du rez-de-chaussée. Les Grelsky étaient des gens prudents.

Malko s’apprêtait à monter l’escalier quand le téléphone posé dans l’entrée sonna. En dépit de son sang-froid, il sursauta. Il s’attendait presque à voir surgir l’énorme masse de Stéphane Grelsky. Le bruit résonnait terriblement dans la maison vide. Malko aurait aimé décrocher, mais c’était un peu trop imprudent. Après douze sonneries le silence retomba.

Il décida de se livrer à une fouille rapide. Il ne trouva rien dans les pièces du rez-de-chaussée. Il allait quitter la cuisine quand sa lampe éclaira une rainure sous le réfrigérateur à roulettes. Celui-ci avait été déplacé sans être remis en place complètement. Malko le poussa. Une trappe apparut, avec un anneau. Il tira l’anneau et elle se souleva facilement.

Il y avait une ouverture carrée et une échelle, genre sous-marin. Malko s’engagea sur l’échelle après avoir appuyé sur un bouton électrique qui éclaira le bas. Au vingtième barreau, il toucha le sol. Sur le plancher, dans un coin, plusieurs gros sacs en plastique vert. Il ouvrit le plus gros, de la taille d’un sac à pommes de terre. C’était un émetteur-radio d’un modèle introuvable dans le commerce. Il avait une antenne dans son couvercle et un fil de terre. En plus, un dispositif automatique utilisant une bande magnétique, ce qui permettait une transmission ultra-rapide, la bande branchée sur l’émetteur défilant à toute vitesse.

Dans un sac en papier marron, caché derrière, il y avait des rouleaux d’une dizaine de centimètres, très lourds. Malko en défit un et s’arrêta interloqué : c’était des pièces de vingt dollars en or ! En tout il en compta pour six mille dollars. Stéphane Grelsky ne devait pas avoir confiance dans les banques…

Quelque chose intriguait Malko. A sa connaissance, il était seul à poursuivre le Polonais. L’autre avait eu largement le temps de prendre ses dispositions. Pourquoi avoir abandonné des choses si précieuses derrière lui ?

Décidément, cette histoire était de plus en plus mystérieuse. Il remonta, remit la trappe en place et reprit son exploration par l’escalier. La minuterie ne fonctionnait pas. Il monta à tâtons et en arrivant au palier son pied buta sur quelque chose de mou. Sortant son briquet, il l’alluma, presque sûr de ce qu’il allait trouver. Un frisson désagréable lui picota les mains. La maison n’était pas complètement vide : Grete Grelsky ne se goinfrerait plus jamais. Elle gisait par terre, le dos appuyé à la galerie de bois. Ses yeux étaient grands ouverts et du sang avait séché sur son visage. Détail qui laissa Malko rêveur : la main droite était presque complètement détachée du poignet. Il effleura le front de la morte. Elle était morte depuis longtemps. Une grosse tache s’était élargie sur sa robe imprimée. Elle avait été touchée d’une balle dans la poitrine, puis attachée à la rampe et torturée à mort. Mais pourquoi ?

Malko enjamba le cadavre qui exhalait une odeur douceâtre, et pénétra dans une chambre dont la porte était ouverte. A la taille du lit, Malko jugea que cela avait été celle des Grelsky. L’atmosphère de cette sinistre maison commençait à l’étouffer. Il inspecta rapidement la pièce. Dans le premier tiroir de la commode, il y avait un pistolet P. 38 chargé, différents médicaments dont une grande boîte jaune avec des ampoules, et deux passeports.

L’un était au nom de Jane Smith et l’autre à celui de Robert Niamez, tous les deux sujets canadiens. Les deux photos étaient celles des Grelsky.

Malko en savait assez. De nouveau, il enjamba Mme Grelsky. S’il ne s’était pas souvenu de la mort horrible de Serge Goldman, il aurait pu la plaindre. Une fois de plus, il se trouvait plongé dans une histoire incompréhensible… et mortelle.

Il épousseta son manteau avant de sortir, puis, la porte d’entrée refermée, il s’avança dans l’allée. Juste le temps d’apercevoir la masse noire d’une voiture devant la grille. Une voix chuchota en allemand devant lui :

— Rentrez dans la maison, mein Herr. Vite.

Il aurait pu tirer à travers sa poche. Mais sur quoi ? Lentement, il recula jusqu’à la porte. La portière de la voiture s’ouvrit. Un bref instant l’éclairage intérieur révéla une silhouette féminine au volant et un grand homme maigre.

Celui-ci franchit le sentier en quatre enjambées, repoussant Malko à l’intérieur avec le bout d’un pistolet camus. Sans tâtonner, il alluma l’entrée et se recula, dévisageant Malko.

— Ne mettez pas les mains dans vos poches, dit-il doucement. Je n’ai pas envie de vous tuer.

C’était une bonne nouvelle. Malko remarqua que l’inconnu parlait avec un léger accent hongrois. Il remarqua :

— On ne dirait pas.

Il avait parlé hongrois. L’autre le regarda avec une curiosité amusée.

— Tiens, nos amis de la C.I.A. se mettent à apprendre les langues maintenant ? Bravo.

L’inconnu était serré dans un long manteau de cuir noir. Il était grand et extraordinairement maigre. Ses cheveux noirs plaqués en arrière dégageaient un haut front d’intellectuel. Ses traits étaient réguliers mais une suite de tics crispaient son visage sans arrêt. Ses yeux dévisageaient Malko tranquillement, comme s’ils s’étaient rencontrés autour d’une bouteille de schnaps.

Une chose attirait irrésistiblement les yeux : une longue cicatrice blanche qui lui séparait les cheveux en deux comme une raie. Comme s’il avait été scalpé.

— Qui êtes-vous ? demanda Malko.

— Certains m’appellent Ferenczi, dit l’autre avec un sourire mince. Mais je ne suis pas absolument sûr que ce soit vraiment mon nom. Cela n’a d’ailleurs aucune importance. Vous cherchez ce porc de Stéphane ?

— Pourquoi le chercherais-je ?