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Il démarra brusquement. Surpris, Ferenczi perdit quelques précieuses secondes. Un peu plus loin, il y avait un feu rouge. Malko passa de justesse à l’orange. Ferenczi arrivait, décidé à passer. Le flic du carrefour, paisiblement, fit un pas en avant et se plaça carrément devant la voiture. A Vienne, on ne plaisante pas avec le règlement. Quand le Hongrois put redémarrer, Malko était loin. Il roulait déjà sur la route de Presbourg.

Janos Ferenczi se tourna vers son compagnon et dit en hongrois.

— Ça ne fait rien. De toute façon, il n’aurait pas accepté. Il faut laisser tomber le rendez-vous et agir après.

L’autre hocha la tête :

— C’est dangereux, camarade colonel. Il prendra ses précautions. Ferenczi frappa le volant du plat de la main.

— Il faut trouver Grelsky et le faire parler, imbécile. C’est votre travail. Nous n’avons plus beaucoup de temps.

— Je l’avais trouvé déjà, camarade colonel, mais il a pu filer, protestât-il faiblement. Nous avons eu sa femme.

— Qu’est-ce que vous voulez que je foute de cette grosse truie, fit le Hongrois ? Si nous prenons Stéphane, je sais comment le faire parler. L’autre ricana, entendu. Du beau monde.

— Mais, fit Ferenczi, agacé, avec les méthodes classiques cela prendrait des semaines. C’est un buffle. Seulement j’ai découvert quelque chose dans son dossier. Il est très malade. Il a besoin d’un certain médicament. Deux fois par jour. Sinon ce sont des souffrances comme nous ne pourrions même pas lui en infliger.

— Je vois, camarade colonel, fit l’avorton, fendu d’un large sourire.

— Alors, trouvez-le, conclut Ferenczi menaçant.

Il arrêta la voiture devant un immeuble moderne et descendit.

9

C’était une soirée paisible au coin du feu, comme on en voit sur les vieux calendriers. Les flammes craquaient joyeusement, se reflétant sur les boiseries sombres, faisant danser des ombres chinoises, Malko et Marisa enfoncés dans leurs fauteuils. Mais Marisa se demandait quand Malko serait obligé de la liquider et celui-ci s’attendait à la visite de Janos Ferenczi. Quant à Elko Krisantem, une carabine Remington 44/45 au creux du bras, il surveillait l’entrée d’une fenêtre du premier étage.

Il ne manquait que Serge Goldman, tout froid dans son fauteuil à bascule. Lui n’avait plus rien à craindre.

Le carillon de l’entrée sonna 9 heures. David Wise avait fait vite. Une heure avant, Malko avait reçu un message de sa part. La firme pharmaceutique Parke-Davis avait mis dans un avion spécial prêté par l’Air Force, un container avec le médicament réclamé par Stéphane Grelsky. Toutes les questions de douane avaient été réglées en un temps record. Trois autres laboratoires avaient dû donner tous leurs stocks pour arriver à la quantité voulue. Le produit n’était encore fabriqué qu’à l’échelon du laboratoire. Il arriverait le lendemain à Vienne.

Malko attendait que le Polonais téléphone. Si Ferenczi ne l’avait pas déjà retrouvé. Soudain, il sentit le regard de Marisa posé sur lui si intensément qu’il leva la tête.

— Vous allez me zigouiller comme Toto, après ? Malko sursauta :

— Ne dites pas de bêtises.

Elle haussa les épaules, fataliste.

— Si ce n’est pas vous, ce sera un autre. Je ne suis pas folle. Vous n’avez pas connu Jada la strip-teaseuse qui travaillait au cabaret de Jack Ruby, à Dallas ? C’était une de mes copines. Après l’histoire, elle s’était tirée à New York. Elle avait tellement peur qu’elle avait laissé sa chouette Cadillac blanche avec toutes ses valises dedans, dans un parking à Dallas. Eh ben, trois mois après, on l’a retrouvée asphyxiée dans son appartement ! On a dit qu’elle avait voulu faire la cuisine et qu’elle avait mal refermé le truc. Tu parles, elle était pas capable de se faire chauffer du café. Elle avait horreur de foutre les pieds dans une cuisine.

Malko ne répondit pas. Il savait que Marisa avait raison. Il y avait quelque chose d’implacable dans la façon dont les protagonistes de cette histoire disparaissaient les uns après les autres. Il se leva et vint s’asseoir sur le bras de son fauteuil, posa la main sur son épaule.

— Je vous l’ai déjà dit, tant que vous serez ici vous ne risquez rien, je vous en donne ma parole.

Marisa frissonna et se pressa contre Malko. Elle portait une blouse en dentelle ajourée qui dévoilait son soutien-gorge noir et le haut de ses seins ronds. Même en ce moment, elle incarnait le désir. Le téléphone sonna. Malko décrocha.

Cette fois c’était Stéphane Grelsky. La voix était encore plus rocailleuse et plus cassée.

— Alors ? fit-il.

— Votre médicament est en route.

Le Polonais poussa une sorte de croassement triste. Sa voix, encore déformée par le téléphone, déchirait les oreilles de Malko.

— Combien cela peut-il valoir, au prix de gros ? 40, 50 dollars ? J’aurais pu vous demander un million de dollars, vous me l’auriez donné.

— Et votre partie du contrat, êtes-vous en mesure de la remplir ?

— Ne vous tracassez pas, fit le Polonais. Je n’ai qu’une parole. Après, vous allez essayer de me liquider, continua Grelsky indifférent. Quand vous serez sûr que je ne vous ai pas roulé. A moins que cette ordure de Ferenczi, ne me retrouve avant. Ça serait un sale coup pour vous ? Bon. Vous aurez la marchandise demain à 6 heures.

— J’espère.

— Vous savez où est Neuwaldegg, le parc de sports ?

— Oui.

— Je vous attendrai à l’angle du chemin qui conduit au Schloss Schwarzenberg. Venez seul, bien entendu. D’accord ?

— D’accord.

Le Polonais avait déjà raccroché. Marisa leva deux grands yeux anxieux vers Malko.

— J’ai reconnu sa voix, dit-elle craintivement. C’est lui qui a tué Serge. Il me fait peur. Il va venir ?

— Il ne reviendra jamais, dit Malko. Et je ne sais même pas s’il vivra longtemps.

Elle parut encore plus effrayée. Pas une fois encore, elle n’avait posé de questions à Malko sur le pourquoi de ces événements bizarres. Malko lui dit gentiment :

— Allez vous coucher. Je dois téléphoner.

Docilement, Marisa sortit. Malko décrocha et appela Kurt von Hasel. Tous les détails furent réglés. Malko passerait à l’Ambassade récupérer les médicaments avant d’aller au rendez-vous.

— Et s’il nous tend un piège ? suggéra Kurt.

— Je ne crois pas, dit Malko. Il est acculé et en veut terriblement à ses anciens patrons. Et puis c’est un risque à courir. Après tout, cela ne coûte pas bien cher… Ne vous montrez surtout pas avant la transaction.

— Bon, fit Kurt à contrecœur. A demain.

Malko raccrocha. Kurt von Hasel lui faisait une impression curieuse. Cet Autrichien, un peu Playboy, qui se disait décorateur ne lui inspirait aucune confiance. Il aurait préféré être protégé par ses deux gorilles habituels, Chris Jones et Milton Brabeck{Voir Rendez-vous à San Francisco et S.A.S. à Istanbul.}. Pour dissiper cette impression fâcheuse, il tenta d’appeler Alexandra. Mais la sonnerie retentit sans réponse. Pourtant il était sûr qu’elle était là.

Déçu et amer, il monta se coucher.

Marisa l’attendait dans son lit, les couvertures remontées jusqu’au menton. Elle ne dit rien mais l’enlaça quand il entra dans le lit. Ils firent l’amour presque avec tendresse. Après, elle parla longuement, allongée sur le dos dans le noir, de ses débuts comme strip-teaseuse dans le New Jersey, dans des boîtes minables à vingt dollars la soirée. Et toujours des imprésarios plus ou moins bidons…

— C’était toujours tellement le même truc, soupira-t-elle, que chaque fois que j’allais à une interview, je mettais mon slip dans mon sac. Un gimmick qui leur faisait plaisir. J’ai vivoté avec la Télé, comme ça. Il y avait toujours un petit rôle pour moi.