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— Alors, dit Malko, on vous a désobéi. Il n’y a pas une heure, j’ai échappé à six tueurs qui ont abattu plusieurs personnes pour m’avoir. Si je suis encore vivant, ce n’est certes pas de leur faute.

— C’est impossible.

— Hélas ! si. Autrement, je ne serais pas prêt à me réfugier à l’Ambassade soviétique, avec toutes les conséquences que cela implique.

Pour la première fois, Foster Hillman perdit son calme.

— Nom de Dieu ! ne faites pas cela ! cria-t-il. Je vous donne ma parole que vous ne risquez plus rien. Vous m’entendez ?

— Oui.

— Venez à l’Ambassade. Je vous y attends.

Malko n’était pas encore complètement rassuré. Et il avait frôlé la mort d’assez près pour avoir ses exigences. Même si Hillman disait vrai :

— Je préférerais un endroit public.

— Si vous voulez.

— Bien. Je vous attendrai à l’Universität Krankenhaus dans le hall du service de radiologie du professeur Karl Fellinger. Dans une demi-heure.

Foster Hillman ne fit aucun commentaire.

— O.K.

Il raccrocha.

Malko garda encore une seconde l’écouteur en main. Sa paume était trempée. Il n’y a pas à dire, on est toujours plus concerné quand il s’agit de sa propre peau. Si le Patron de la C.I.A., avait vraiment donné des ordres, les têtes allaient voler.

Il sortit de la cabine. Krisantem avait disparu. Il s’alarmait déjà quand le Turc le héla de la porte d’un Gasthaus, de l’autre côté de la place. Malko le rejoignit. Le Coran avait été vaincu par le froid sibérien. Krisantem était attablé devant un verre de schnaps.

— Il y a du nouveau, annonça Malko. Il résuma sa conversation et conclut :

— Foster Hillman est un homme loyal. Il est intelligent et prudent. Il a dû analyser la situation et décidé qu’il y avait plus d’avantage à me laisser vivant que mort. Ce n’est pas précisément un sentimental. Ils appelèrent un taxi par téléphone et Malko paya le schnaps. Dix minutes plus tard le chauffeur les arrêta en face de la grande entrée de l’hôpital, dans Garnisonstrasse.

Malko et Krisantem franchirent le portail, sous l’œil indifférent du gardien en blouse blanche. Le service du Professeur Fellinger se trouvait dans un bâtiment au fond à gauche, au premier étage. Les deux hommes montèrent l’énorme escalier peint en vert clair. Malko poussa une porte de verre dépoli portant une pancarte indiquant « Radio und Isototherapie ».

Krisantem suivait, pas tellement rassuré. Et ses pieds étaient bleuâtres. S’il sauvait sa peau, il risquait de se retrouver dans une petite voiture de cul-de-jatte.

Il y avait encore un couloir clair qui s’élargissait en salle d’attente où donnaient les différentes salles d’examens. Il y avait déjà une demi-douzaine de malades, hommes et femmes, attendant passivement sur les bancs. Aucune infirmière en vue. Malko s’assit un peu à l’écart et Krisantem prit le banc d’en face. Malko jeta un regard circulaire sur les gens qui l’entouraient. Tous semblaient de vrais malades. D’ailleurs Foster Hillman n’aurait pas eu beaucoup de temps pour organiser une « réception »

Il n’attendit pas longtemps.

Foster Hillman apparut à l’entrée du couloir. Malko le reconnut instantanément. Avec son visage sévère marqué de lourdes poches sous les yeux, il aurait très bien pu être un des patients du Professeur Karl Fellinger.

On ne pouvait pas en dire autant des deux types en imperméable noir qui l’accompagnaient. Bâtis sur le même gabarit de King-Kong, ils pétaient de santé, en dépit de leurs cheveux clairsemés. Encadrant le patron de la C.I.A., les mains dans les poches de leur imperméable, leurs yeux sans cesse en mouvement photographiaient tout ce qui bougeait.

Ils restèrent un peu en arrière quand Foster Hillman s’approcha de Malko qui se leva. Ils ne se serrèrent pas la main.

— Alors ? fit le chef de la C.I.A.

— Je devrais être dans cet hôpital depuis plusieurs jours, dit Malko. A la morgue.

L’autre s’assit près de lui et répliqua avec un peu d’agacement.

— Vous n’y êtes pas. David Wise avait raison de donner les ordres qu’il a donnés. Je le couvre entièrement. Je suis cependant heureux que le résultat n’ait pas été atteint. Vous êtes un élément de valeur. Une pièce détachée difficilement remplaçable, quoi… Foster Hillman avait l’étoffe d’un homme d’Etat. Les aphorismes coulaient de sa bouche comme du miel.

Les deux gorilles s’étaient assis à l’écart, juste en face de Krisantem, surveillant discrètement la conversation, la main sur la crosse de l’Astra.

Drôle de consultation.

Foster Hillman sortit un lourd porte-cigarettes en or et le tendit à Malko.

— Pourquoi n’avez-vous pas voulu venir à l’Ambassade ?

— Parce que vos hommes, ou ceux de Gehlen, ont encore tenté de m’assassiner aujourd’hui.

Il raconta rapidement ce qui s’était passé. L’Américain écoutait, le visage impénétrable. Quand Malko eut terminé, il arracha un sourire à ses lèvres minces :

— Il y a eu une mauvaise interprétation quelque part. Cela ne se reproduira plus.

A cet instant, Malko se souvint de ce qu’on disait à Washington : lorsque Foster Hillman souriait, c’était toujours dangereux. Il avait une question sur le bout des lèvres.

— A qui avez-vous transmis vos ordres ? Foster Hillman secoua sa cendre.

— Je n’ai rien transmis. Je les ai donnés verbalement à David Wise et William Coby. Dès que j’ai pris ma décision. Il y a deux jours.

— Pourquoi êtes-vous venu ?

— Je devais aller de toute façon à Bonn. Le détour n’est pas important. Il eut une imperceptible hésitation.

— Je tenais à ce qu’aucun malentendu ne se produise. Et j’imaginais votre méfiance.

Il plongea ses yeux gris dans ceux de Malko.

— Est-ce que ma parole vous suffit ?

— Oui.

— Bien. Alors oubliez tout cela. Cette histoire n’a jamais existé. Une chose : la copie dont vous m’avez parlé ?

— Elle est dans ma tête.

— Je vois. Allons à l’Ambassade maintenant. J’ai beaucoup à faire. Il se leva et Malko suivit. Appelé d’un signe discret Krisantem se joignit au petit groupe. L’Américain regarda avec surprise ses sandales, mais ne fit aucun commentaire. Malko avait expliqué le rôle du Turc.

Ils quittèrent le service du Professeur Fellinger sans que personne ne se soit aperçu de quoi que ce soit. Ils n’avaient pas vu une seule infirmière.

La voiture de Foster Hillman était garée en face de l’hôpital, dans Garnisonstrasse. C’était une énorme Cadillac noire hérissée d’antennes. Une pour la T.V., une pour la radio, la troisième pour le radiotéléphone. Les glaces bleutées empêchaient de voir l’intérieur. Foster Hillman s’assit à l’arrière entre Malko et un des gorilles. L’autre prit place à l’avant avec le chauffeur et Krisantem. Malko remarqua que le chauffeur disposait de trois rétroviseurs, permettant de surveiller la gauche et la droite. Prudence. Quant aux vitres, elles étaient si épaisses qu’on aurait dit des hublots de cuirassé. La C.I.A. faisait bien les choses.

Jusqu’à l’Ambassade personne n’ouvrit la bouche. La Cadillac était totalement silencieuse.

Laissant Krisantem avec ses gorilles, Foster Hillman entraîna Malko dans le bureau de William Coby.

Le chef de poste se mit littéralement au garde à vous devant Foster Hillman. Celui-ci déboutonna enfin son manteau gris et apparut dans un costume anthracite que n’aurait pas désapprouvé Malko. Ce dernier tenait à éclaircir un point précis :