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Là, j’estomaque.

— J’ai été suivi ? béé-je comme un bleu accroché par son fond de culotte à la plus haute branche d’un réverbère.

— Par un spécialiste, un Asiatique tout à fait remarquable. Il pourrait vous accompagner dans votre baignoire sans que vous vous en aperceviez.

— Chapeau ! D’ordinaire mon sixième sens m’avertit !

— Il n’existe pas de sixième sens avec Mondoloo.

Visiblement il est fier de son collaborateur, Mirette-fanée ; ainsi qu’un papa de son petit garçon surdoué.

J’attends la suite en phosphorant à perdre haleine, repassant par la pensée mes fesses et gestes depuis ma sortie de l’hôtel de police.

Fine mouche (à miel), il sent mon anxiété. S’en repaît ; je le devine un brin sadique sur les bords.

— Mon fileur est équipé d’un appareil nous permettant de garder le contact.

— À Vegas, on n’arrête pas le progrès ! ironisé-je.

— Sans Mondoloo, reprend mon confrère, je vous aurais arrêté pour le meurtre de ma secrétaire. Mais par lui j’ai appris que vous n’avez fait qu’entrer et sortir. Vous avez hélé Dolores avant de pénétrer dans la maison. Au bout de 10 secondes, vous en êtes reparti précipitamment. Mon auxiliaire a voulu jeter un œil à l’intérieur ; ce qu’il y a trouvé n’aurait pu être perpétré dans un laps de temps aussi court.

— Dieu est en général plein de prévenances avec moi, conviens-je.

Gueuledaubée a une moue complimenteuse.

— L’important est que vous en soyez persuadé ! Puis-je vous demander ce que vous alliez faire chez elle ?

— Elle me plaisait, révélé-je.

— Je l’avais remarqué !

— Comme vous vous en doutez un peu, je suis un coureur de femmes invétéré. Sitôt qu’une robe bien habitée croise ma route, j’entre en transe.

— Cette frénésie a dû vous causer pas mal de désagréments, non ?

— Quelquefois, mais ils ne sont rien comparé aux joies que j’en ai tirées.

Je suis un peu honteux de me vanter devant un homme pourvu d’une frime pareillement dévastée. Les bons coups de bite, Cécoinsse, c’est au claque de la mère Lola qu’il les donne. Probable qu’à cause de ses fonctions il grimpe gratos, mais ça me surprendrait qu’il déchaîne les passions ; à moins de s’équiper d’une capote en peau de porc-épic !

— Si vous me parliez de votre perquisition illégale chez Liebling ? Elle a coûté la vie à son serpent, ce dont je me fous, mais également à un gars du Daily Red Indian.

À quoi bon tergir le verset ? dirait Salman Ruddy. Puisque Kesselring joue franc-jeu avec moi, je vais être réglo avec lui.

15

En vertu de quoi, je lui raconte très à fond mon odyssée depuis ma déposition à l’hôtel de police, sans rien lui celer : mon rendez-vous manqué avec Dolores, les frasques de nos dames, mon altercation avec Gulliver, ma visite chez Liebling et mes démêlés avec le serpent, la venue de M. Blanc et du chien, l’exploration dans les cintres du music-hall, la curieuse trajectoire de Pinaud (le kidnappé semant ses boutons de manchettes), l’ours blanc, enfin, trouvé mort au fond du conduit.

La triste fin du plantigrade vedette le fait tiquer plus que le reste.

— Voilà un magicien qui n’a pas de chance avec ses animaux savants, résume-t-il.

— Vous le connaissez ?

— C’est une célébrité : il fait courir les foules. Il y a même ici un zoo fameux qui porte son nom.

— Le Gladiateur jouit-il d’une bonne réputation ?

— L’établissement par lui-même, oui.

Je flaire une réticence.

— Mais ? insisté-je.

— Celle de son propriétaire est plus contestable : Nello Manzoni a appartenu à la pègre avant de se ranger des voitures.

— Je ne crois pas beaucoup à la rédemption des truands, dis-je ; elle n’intervient que lorsqu’ils sont gâteux, s’ils vivent assez longtemps pour le devenir.

Mon terlocuteur approuve.

— J’ai demandé votre curriculum à notre ambassade de Paris. Vous êtes un super-flic, là-bas.

— Ça se raconte dans les chaumières, en effet.

— Efficacité à cent pour cent, grâce à l’emploi de méthodes pas toujours orthodoxes. Courageux, téméraire, homme d’esprit…

— N’en jetez plus ! Je connais le reste.

L’œil valide exprime une certaine bienveillance. Drôle de gus, ce Kesselring ; m’est avis que son passé ne doit pas être triste. C’est pas en jouant aux quilles qu’il s’est fignolé ce physique hiroshimiesque !

Mon camarade yankee conclut :

— Vous m’avez l’air d’une grosse pointure. Je suis tout disposé à vous apporter mon concours, car ici les choses ne se passent sûrement pas comme chez vous.

— Merci, fais-je avec sincérité.

Il me tend la pogne. Je constate qu’il lui manque l’auriculaire de la main droite. Peut-être s’est-il trop curé l’oreille ?

— Mon prénom est Ray ! annonce-t-il.

— Le mien : Antoine !

On s’en triture neuf et on se quitte après qu’il m’a donné son numéro de portable.

* * *

Avant d’aller me toiler, je passe par l’appartement du Gros. Il est vide, mais l’odeur du Monstre y stagne encore, terriblement « physique » et présente.

Un feuillet blanc, souillé de ce qui lui tient lieu d’écriture, repose sur la moquette : J’sus t’été briffer et faire un peu d’enquête. Sandre.

Brave homme ! Cher cocu boulimique ! Que le Tout-Puissant te garde sous Sa protection.

Au plus fort de mon sommeil, dont la masse spécifique est 207,21 et la densité 11,3, je suis réveillé par des grattements à la porte.

— What is it ? questionné-je, d’un ton plus voile que la roué d’une voiture d’enfant réutilisée par un clodo.

— Mouah mouah ! répond Salami.

D’humeur fulmigène, je lui ouvre.

Il est assis dans le couloir, l’une de ses pattounes posée sur une délicieuse petite culotte jaune, sertie de dentelle noire.

M’apercevant, il se dresse, cueille délicatement le sous-vêtement entre ses incisives et me l’apporte en dirigeant la Cinquième de Beethoven avec sa queue.

Je suis aussitôt prêt à prendre le relais, tant son trophée est affriolant.

— Où avez-vous trouvé cette merveille, mon royal ami ? lui demandé-je.

Il cligne de l’œil et, d’un court hochement de tête m’invite à l’accompagner.

— Un instant, dis-je, je dois passer une tenue décente.

Avec promptitude, j’enfile ma robe de chambre (en attendant mieux), mes mules vernies aux semelles cardinalices.

Ces dispositions express ne m’ont pas pris deux minutes, cela n’empêche pas mon hound de perdre patience et de me jouer de la truffe de Pan.

Nous voici dans un couloir long comme l’avenue de la Grande-Armée. Zébulon trace à toute vibure avec, toujours, l’affolant slip dans la bouche. Je connais la fantaisie de mon gaillard, mais juge son comportement plutôt singulier. Quelle croisade entreprend-il ? Où me drive ce satané quadrupède ?

Le galant stoppe devant une large porte à deux battants située dans la partie de l’hôtel cataloguée « super-luxe », lui valant les deux vantaux.

Mon cicérone jappouille sur un air convenu ; une superbe Noire vêtue en femme de chambre, à la jupe plus courte qu’une prestation de serment, dépone en nous montrant simultanément l’émail de ses dents et les poils de sa chatte.

— Mais oui, qu’il a bien fait la commission, ce chéri ! gazouille-t-elle.

Puis, à moi :

— Vous possédez là un chien exceptionnel ! Figurez-vous qu’il a suivi Mademoiselle jusqu’ici. Il est entré avec elle et, une fois au salon, a hardé comme un fou. Mademoiselle, vous allez voir, est une personne très portée sur le sexe. Devant la frénésie de l’animal, elle a ôté sa culotte et cet exquis basset s’est mis en devoir de la minoucher d’une langue extraordinairement experte. Aux dires de ma patronne, aucun humain, homme ou femme, ne lui a procuré autant de plaisir dans cette savoureuse discipline. Cela dit, je cours vous annoncer.