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« Qu’attendons-nous, Farok ? » demanda-t-il.

« La Révérende Mère, je pense. Tu as entendu le message… Pauvre Chani. »

Pauvre Chani ? répéta Paul en lui-même. Il regarda autour de lui. Il se demandait où était Chani, maintenant, et où était passée sa mère dans cette mêlée.

Farok souffla profondément. « L’odeur du foyer », dit-il.

Paul prit conscience du plaisir qu’éprouvait le Fremen à respirer cet air malodorant. Il n’y avait pas eu la moindre ironie dans ses paroles. Puis il entendit tousser sa mère et sa voix lui parvint. « Comme elles sont riches, les odeurs de votre sietch, Stilgar. Je vois que vous faites nombre de choses avec l’épice… du papier… du plastique… et là. Est-ce que ce ne sont pas des explosifs chimiques ? »

« Vous savez cela par l’odeur ? » C’était une autre voix d’homme. Et Paul comprit que sa mère avait parlé pour son bénéfice, qu’elle désirait qu’il accepte rapidement cet assaut d’odeurs.

Puis, un bourdonnement d’activité s’éleva en tête de la troupe, tous les Fremen parurent retenir leur souffle et des voix chuchotèrent : « C’est vrai… Liet est mort. »

Liet, pensa Paul. Puis : Chani, la fille de Liet. Les pièces se mirent en place dans son esprit. Liet était le nom fremen du planétologiste. Il regarda Farok et lui demanda : « Est-ce Liet que nous connaissons sous le nom de Kynes ? »

« Il n’y a qu’un seul Liet », dit Farok.

Paul se détourna et son regard se porta sur la foule des Fremen. Ainsi, songea-t-il, Kynes est mort.

« C’est une ruse des Harkonnens, souffla quelqu’un. Ils voulaient que cela ressemble à un accident… Ils l’ont perdu dans le désert… un accident d’orni…»

Paul sentit la colère monter en lui. Cet homme qui était devenu leur ami, qui les avait aidés à échapper aux chasseurs d’Harkonnen, qui avait envoyé les cohortes des Fremen à leur recherche, cet homme, à son tour, avait été victime des Harkonnens.

« Usul a-t-il déjà soif de vengeance ? » demanda Farok.

Avant que Paul ait pu répondre, un ordre fut donné à faible voix et la troupe tout entière s’avança dans une vaste salle, l’entraînant avec elle. Il se retrouva en face de Stilgar et d’une étrange femme qui portait un vêtement flottant aux couleurs vives, orange et vert. Ses bras étaient nus jusqu’aux épaules et Paul pouvait voir qu’elle ne portait pas de distille. Sa peau était d’une teinte olive pâle. Ses cheveux noirs étaient ramenés en arrière au-dessus de son front haut, faisant ressortir ses pommettes et son nez aquilin entre ses yeux sombres au regard intense.

Comme elle se tournait vers lui, Paul vit que des anneaux d’or mêlés à des anneaux d’eau pendaient à ses oreilles.

« C’est cela qui a terrassé mon Jamis ? » demanda-t-elle.

« Silence, Harah, dit Stilgar. C’est Jamis qui l’a défié. Il a réclamé le tahaddi al-burhan. »

« Ce n’est qu’un enfant ! » lança-t-elle. Elle secoua vivement la tête et les anneaux d’eau tintèrent à ses oreilles. « Mes enfants privés de père par un autre enfant ? Très certainement, c’est un accident ! »

« Usul, combien comptes-tu d’années ? » demanda Stilgar.

« Quinze années standard », dit Paul.

Le regard de Stilgar courut sur les hommes assemblés.

« Y en a-t-il un parmi vous qui veuille me défier ? »

Silence.

Le regard de Stilgar revint alors sur la femme. « Jusqu’à ce que je connaisse son art étrange, je ne le défierai pas. »

Elle affronta son regard. « Mais…»

« Tu as vu la femme étrangère qui, avec Chani, est allée vers la Révérende Mère ? Elle est notre Sayyadina hors-freyn, la mère de ce garçon. Mère et fils sont maîtres en l’art étrange du combat. »

« Lisan al-Gaib », murmura la femme, et son regard se tourna à nouveau vers Paul, mais avec émotion cette fois.

La légende, à nouveau, songea Paul.

« Peut-être, dit Stilgar. Mais nous n’avons pas encore de preuve. (Il regarda Paul.) Usul, il est de règle que la responsabilité de la femme de Jamis, ici présente, te revienne, ainsi que celle de ses deux fils. Son yali… ses appartements sont tiens. Son service à café aussi… Et sa femme. »

Paul observait la femme et se demandait : Pourquoi ne pleure-t-elle pas son homme ? Pourquoi ne montre-t-elle aucune haine à mon égard ? Brusquement, il s’aperçut que tous les Fremen le regardaient, attendaient.

Quelqu’un murmura : « Il y a du travail. Dis pourquoi tu l’acceptes. »

« Acceptes-tu Harah comme femme ou comme servante ? » demanda Stilgar.

Harah leva les bras, et lentement, pivota sur un talon.

« Je suis encore jeune, Usul. On dit que je parais encore aussi jeune que lorsque j’étais avec Geoff… avant que Jamis l’ait vaincu. »

Jamis a donc tué un autre pour l’avoir, se dit Paul.

« Si je l’accepte comme servante, dit-il enfin, pourrai-je changer d’idée plus tard ? »

« Tu auras un an pour cela, dit Stilgar. Après, elle sera une femme libre et pourra choisir selon ses désirs… A moins que tu ne la libères avant. Mais elle est sous ta responsabilité, quoi qu’il en soit, pour une année… Et tu seras toujours en partie responsable des fils de Jamis. »

« Je l’accepte pour servante », dit Paul.

Harah tapa du pied et haussa les épaules avec colère.

« Mais je suis jeune ! »

Stilgar regarda Paul. « La prudence est une qualité pour celui qui dirige. »

« Mais je suis jeune ! » répéta Harah.

« Silence, ordonna Stilgar. Si une chose a quelque mérite, elle sera. Montre ses quartiers à Usul et veille à ce qu’il ait des vêtements frais ainsi qu’un lieu pour se reposer. »

« Ohhh », se lamenta-t-elle.

Paul avait déjà suffisamment enregistré pour avoir une première approximation de Harah. Il percevait l’impatience grandissante de la troupe et savait qu’il restait bien des choses à faire. Il se demanda s’il devait oser s’enquérir de la situation de sa mère et de Chani mais il vit à l’apparence de Stilgar que ce serait une faute.

Il se tourna vers Harah et accentua sa peur et son trouble en parlant avec un léger trémolo : « Montre-moi mes quartiers. Harah ! Nous discuterons de ta jeunesse une autre fois ! »

Elle prit deux pas de recul et eut un regard effrayé à l’adresse de Stilgar. « Il a la voix d’étrangeté », souffla-t-elle.

« Stilgar, dit Paul, j’ai de lourdes obligations envers le père de Chani. S’il est quelque chose que…»

« Ce sera décidé en conseil, dit Stilgar. Tu pourras parler, alors. » Puis il hocha la tête et se mit en route, suivi par toute la troupe.

Paul prit le bras de Harah, remarquant à quel point sa chair était fraîche. Il vit qu’elle tremblait. « Je ne te ferai point de mal, Harah. Montre-moi mes quartiers. » Il adoucissait sa voix d’une note de calme.

« Tu ne me rejetteras pas quand l’année sera écoulée ? demanda-t-elle. Je sais bien qu’en vérité je ne suis plus aussi jeune que je l’étais. »

« Aussi longtemps que je vivrai tu auras une place auprès de moi, dit-il. (Il lui lâcha le bras.) Maintenant, viens. Où sont mes quartiers ? »

Elle le précéda au long du passage, tourna à droite dans un large tunnel latéral éclairé de loin en loin par des globes jaunes. Le sol rocheux était lisse, sans le moindre grain de sable.