Выбрать главу

« Toucheras-tu les mains de mon ami Gurney Halleck, Stilgar ? » demanda Paul.

Lentement, Stilgar tendit la main, toucha celle que lui offrait Gurney, une main que l’épée, année après année, avait rendue calleuse.

« Il en est peu qui n’aient pas entendu prononcer le nom de Gurney Halleck, dit-il. Puis il se retourna vers Paul : La tempête arrive sur nous. »

« Allons », dit Paul.

Stilgar prit la tête et, par un itinéraire qui serpentait entre les rochers, ils atteignirent l’entrée basse de la grotte. Dès qu’ils furent à l’intérieur, des hommes se précipitèrent pour sceller l’orifice. La clarté des brilleurs révélait une vaste salle en forme de dôme. De l’autre côté d’une terrasse naturelle, s’ouvrait un passage et c’est dans cette direction que s’engagea Paul, suivi de Gurney, tandis que les autres se dirigeaient vers un second couloir, juste en face de l’entrée de la grotte.

Paul traversa l’antichambre et pénétra dans une pièce aux murs tendus de draperies aux tons de vin sombre.

« Nous pourrons être tranquilles ici pendant un moment, dit-il, les autres respecteront mon…»

Une cymbale d’alarme claqua dans la grotte. Il y eut des cris, des froissements d’armes. Paul se retourna, retraversa l’antichambre et surgit sur la terrasse rocheuse. Gurney était derrière lui, l’épée au clair.

Sur le sol de la grotte, des silhouettes entremêlées luttaient sauvagement. Il ne fallut qu’un bref instant à Paul pour analyser la scène, séparer les robes Fremen et les bourkas des autres vêtements. Ses sens, que sa mère avait affinés au long des années, lui révélèrent un détail significatif : les Fremen se battaient contre des hommes qui portaient la robe des contrebandiers, mais qui étaient groupés trois par trois, formant le triangle lorsqu’ils étaient acculés. Cette tactique était la marque des Sardaukar de l’Empereur. Tout à coup, un Fedaykin aperçut Paul et lança le cri de bataille qui se répercuta dans la grotte. « Muad’Dib ! Muad’Dib ! »

D’autres yeux avaient relevé la présence de Paul. Un couteau noir jaillit vers lui. Il se déroba et entendit la lame claquer sur le rocher, derrière lui. D’un coup d’œil, il entrevit Gurney qui la ramassait.

Les triangles des attaquants étaient repoussés, maintenant. Gurney leva le couteau devant les yeux de Paul et lui montra la spirale jaune de l’Imperium et le lion à crinière dorée, aux yeux à facettes, sur le pommeau.

Des Sardaukar.

Paul s’avança sur la terrasse. Il ne restait que trois Sardaukar, maintenant. Des corps sanglants étaient dispersés par toute la grotte.

« Cessez le combat ! lança-t-il. Le duc Paul Atréides vous ordonne de cesser le combat ! »

Les combattants hésitèrent.

« Vous, les Sardaukar ! reprit Paul. Sur quels ordres menacez-vous la vie d’un duc régnant ? (Puis, comme ses hommes poursuivaient leur attaque, il lança de nouveau :) Cessez, j’ai dit ! »

L’un des Sardaukar se redressa : « Qui dit que nous sommes des Sardaukar ? » demanda-t-il.

Paul prit le couteau des mains d’Halleck et le brandit. « Ceci. »

« Et qui dit alors que vous êtes le duc régnant ? »

Paul tendit la main vers les Fedaykin. « Ces hommes disent que je suis le duc régnant. Votre propre Empereur a remis Arrakis à la Maison des Atréides. La Maison des Atréides, c’est moi. »

Le Sardaukar demeura silencieux, alors. Paul l’étudia. L’homme était de haute taille, les traits plats, avec une cicatrice pâle sur la joue gauche. Son attitude trahissait la colère et le doute mais, par-dessus tout, cet orgueil sans lequel un Sardaukar ne pouvait être complet, cet orgueil qui était comme un vêtement.

Paul se tourna vers l’un de ses lieutenants : « Korba, comment se fait-il qu’ils aient des armes ? »

« Ils avaient dissimulé des couteaux à l’intérieur de leurs distilles. »

Le regard de Paul courut sur les morts et les blessés avant de revenir sur Korba. Les mots étaient inutiles. Le Fedaykin baissa les yeux.

« Où est Chani ? » demanda-t-il, et il attendit la réponse, le souffle suspendu.

« Stilgar l’a placée à l’écart, dit Korba. (Il désigna le second couloir, puis, à son tour, regarda les morts et les blessés.) Je me considère comme responsable de cette faute, Muad’Dib. »

« Combien y avait-il de Sardaukar, Gurney ? » demanda Paul.

« Dix ».

Avec souplesse, il sauta de la terrasse et s’avança jusqu’à distance d’épée du Sardaukar qui avait parlé.

Il sentit que les Fedaykin se tendaient. Il leur déplaisait de le voir s’exposer ainsi. Ils devaient tout faire pour empêcher cela parce que le vœu des Fremen était de conserver la sagesse de Muad’Dib.

Sans se retourner, Paul demanda : « Quelles sont nos pertes ? »

« Quatre blessés, deux morts, Muad’Dib. »

Paul décela un mouvement au-delà des Sardaukar. Chani et Stilgar se tenaient sur le seuil de l’autre passage. Son regard revint au Sardaukar, plongea dans les yeux étrangers.

« Toi, quel est ton nom ? »

L’homme se raidit. Ses yeux allèrent de droite à gauche.

« Ne t’y risque pas, dit Paul. Il est évident que l’on vous a ordonné de chercher et de tuer Muad’Dib. Je suis certain que c’est vous qui avez proposé d’aller chercher de l’épice dans le désert profond. »

Il perçut derrière lui l’exclamation étouffée de Gurney et un faible sourire vint jouer sur ses lèvres.

Le sang afflua au visage du Sardaukar.

« Ce que tu vois devant toi est plus que Muad’Dib, reprit Paul. Sept d’entre vous sont morts pour deux des nôtres. Trois pour un. Ce n’est pas mal contre des Sardaukar, hein ? »

L’homme se tendit, puis recula devant le mouvement menaçant des Fedaykin.

« Je t’ai demandé ton nom, dit Paul. (Et il se servit de la Voix) : Dis-moi ton nom ! »

« Capitaine Aramsham, Sardaukar impérial ! » lança l’homme. Il regarda Paul, surpris, désemparé, bouche bée.

Pour lui, cette grotte n’avait été jusque-là qu’un repaire barbare, mais il était en train de changer d’idée.

« Capitaine Aramsham, dit Paul, les Harkonnens seraient prêts à donner beaucoup pour apprendre ce que vous savez maintenant. Et l’Empereur, quant à lui, que ne donnerait-il pas pour savoir qu’un Atréides vit encore en dépit de sa traîtrise. »

Le capitaine jeta un regard rapide aux deux hommes qui restaient avec lui. Paul pouvait presque voir tourner les pensées dans sa tête. Les Sardaukar ne se rendaient jamais, mais il fallait que l’Empereur apprenne cette menace.

Il se servit à nouveau de la Voix pour dire : « Rendez-vous, capitaine. »

L’homme qui se trouvait à gauche du capitaine bondit tout à coup sur Paul et rencontra l’éclair du couteau de son capitaine. Il s’effondra sur le sol, l’arme plantée dans la poitrine.

Le capitaine se tourna alors vers son dernier compagnon.

« C’est à moi de décider ce qui sert le mieux Sa majesté, dit-il. Compris ? »

Les épaules de l’homme s’affaissèrent.

« Lâche ton arme », dit le capitaine.

L’homme obéit.

Le capitaine se tourna de nouveau vers Paul. « Pour vous, j’ai tué un ami. Ne l’oublions jamais. »

« Vous êtes mes prisonniers, dit Paul. C’est à moi que vous vous rendez. Que vous viviez ou que vous mouriez, cela n’a aucune importance. » Puis il fit signe à un des gardes d’emmener les prisonniers et se tourna vers Korba.

« Muad’Dib, dit son lieutenant, j’ai failli à ma tâche…»

« Non, c’est moi, Korba. J’aurais dû te mettre en garde. A l’avenir, lorsque nous aurons affaire à des Sardaukar, souviens-toi de cela. Souviens-toi, aussi, que chacun d’eux possède un ou deux faux orteils qui, avec certains dispositifs placés dans leur corps, peuvent constituer un émetteur. Ils ont également plus d’une dent fausse. Dans leurs cheveux sont dissimulées des spires de shigavrille, si fines qu’il est difficile de les déceler mais assez solides pour permettre d’étrangler un homme et même de lui couper la tête. Avec les Sardaukar, il faut sonder, examiner centimètre par centimètre et couper le moindre poil. Même après cela, tu peux être certain de n’avoir pas tout découvert. »