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Il y avait là un nouveau matériel radio et un opérateur à l’écoute.

« Beaucoup de statique », dit-il.

Un tourbillon de sable les environna.

« Scellez ce tunnel ! » cria Paul. Le silence s’établit. Son ordre avait été exécuté.

« Le chemin est-il libre jusqu’au bassin ? »

L’un des Fedaykin s’éloigna quelques secondes, revint et dit : « L’explosion a provoqué la chute d’un petit rocher, mais les ingénieurs disent que la voie est toujours libre. Ils la nettoient au laser. »

« Dis-leur de se servir de leurs mains ! Il y a encore des boucliers, là en bas ! »

« Ils font attention, Muad’Dib », dit l’homme, mais il repartit néanmoins pour transmettre l’ordre.

Les opérateurs radio de l’extérieur apparurent, portant le matériel.

« Je leur avais dit d’abandonner leur matériel, Muad’Dib », gronda l’un des Fedaykin.

« Les hommes ont plus d’importance que le matériel, en ce moment, dit Paul. Bientôt, nous aurons plus de matériel que nous pouvons en utiliser, ou alors nous n’en aurons plus besoin. »

Gurney s’avança : « Je les ai entendus dire que le chemin était libre. Nous sommes tout près de la surface, ici, Mon Seigneur. Si les Harkonnens se livraient à des représailles…»

« Ils ne sont pas en état de le faire, dit Paul. Ils viennent de s’apercevoir qu’ils n’ont plus de boucliers et qu’il leur est impossible de quitter Arrakis. »

« Mais le nouveau poste de commandement est prêt, Mon Seigneur. »

« Ils n’ont pas encore besoin de moi au poste de commandement. Le plan se déroule très bien sans ma présence. Nous devons attendre que…»

« Je capte un message, Muad’Dib, dit l’opérateur radio (Il secoua la tête.) Il y a trop de statique ! » Puis il se mit à griffonner sur un bloc sans cesser de secouer la tête, s’arrêtant par instants, puis recommençant à écrire…

Paul s’approcha. L’un des Fedaykin s’écarta pour lui laisser le passage. Il se pencha sur l’opérateur, lut ce qui était inscrit sur le bloc :

« Raid… sur Sietch Tabr… prisonniers… Alia… familles des… morts sont… ils… fils de Muad’Dib…»

A nouveau, l’opérateur secoua la tête.

Paul releva les yeux. Gurney le regardait.

« Le message n’est pas complet, dit-il. Le statique. Vous ne pouvez pas savoir…»

« Mon fils est mort, dit Paul. (Et il sut qu’il disait la vérité dans l’instant même où il prononçait ces mots.) Mon fils est mort… et Alia est prisonnière… une otage. » Il se sentait vide, vide comme un coquillage, sans aucune émotion. Tout ce qu’il touchait n’apportait que la mort et le chagrin. C’était comme une maladie, une lèpre qui pouvait se répandre sur tout l’univers.

Il éprouvait la sagesse d’un vieil homme, faite de l’accumulation d’expériences innombrables, dans des vies possibles innombrables. Tout au fond de lui, quelqu’un semblait rire en se frottant les mains.

Et il pensa : L’univers sait bien peu de choses de la véritable cruauté !

Et Muad’Dib se tint devant eux, et il dit : « Bien que nous pensions la captive morte, elle vit. Car sa graine est la mienne et sa voix est ma voix. Et elle voit au-delà des plus lointaines frontières du possible. Oui, elle voit jusque dans le vallon de l’inconnaissable à cause de moi. »

Extrait de L’Éveil d’Arrakis
par la Princesse Irulan

Les yeux baissés, le baron Vladimir Harkonnen attendait dans le selamlik, la salle d’audience impériale ovale de l’Empereur Padishah. Furtivement, il avait observé la pièce aux parois de métal et ses occupants : noukkers, pages, gardes, Sardaukar alignés contre les murs dont la seule décoration était constituée par les bannières sanglantes et déchirées prises dans les batailles.

Puis des voix s’élevèrent, venant d’un haut passage qui s’ouvrait sur la droite. « Place ! Place à la Royale Personne ! »

Et l’Empereur Padishah Shaddam IV surgit dans la pièce à la tête de sa suite. Il s’immobilisa et attendit pendant que l’on apportait son trône, ignorant totalement le Baron comme tous ceux qui se trouvaient là.

Le Baron, quant à lui, ne pouvait ignorer la Royale Personne et guettait un quelconque signe de sa part, un quelconque indice qui pût lui permettre de deviner l’objet de cette audience. L’Empereur demeurait parfaitement immobile et calme. Sa silhouette maigre, élancée, était élégamment prise dans l’uniforme gris des Sardaukar, soutaché d’or et d’argent. Ses traits acérés et ses yeux froids, en cet instant, rappelèrent au Baron le duc Leto depuis longtemps défunt. L’Empereur, lui aussi, évoquait un oiseau rapace. Mais il avait les cheveux roux, et non pas bruns, et il portait le casque noir de Burseg dont la couronne était sommée de la crête impériale d’or.

Des pages surgirent, portant le trône massif taillé dans un bloc de quartz de Hagal. La pierre bleu-vert lançait des étincelles jaunes. Le siège fut placé sur le dais et l’Empereur put y prendre place.

Une vieille femme en robe aba dont le capuchon était rabattu sur son front quitta alors la suite impériale et vint prendre place derrière le trône. Elle posa une main noueuse sur le dossier de quartz. Son visage, dans l’ombre du capuchon, était la caricature de celui d’une sorcière. Ses joues étaient creusées, ses yeux enfoncés dans les orbites, son nez protubérant et sa peau grêlée était marquée de veines saillantes.

Comme il levait les yeux sur elle, le Baron cessa de trembler. La présence de la Révérende Mère Gaïus Helen Mohiam, Diseuse de Vérité de l’Empereur, révélait l’importance véritable de cette audience. Il observa la suite. Deux agents de la Guilde étaient présents, un personnage gras et grand et un autre petit et gras. Tous deux avaient des yeux au regard gris et doux. Parmi les laquais apparaissait l’une des filles de l’Empereur, la Princesse Irulan, une femme que l’on disait éduquée selon la plus absolue discipline Bene Gesserit et destinée à devenir Révérende Mère. Elle était grande, blonde, d’une beauté fragile, avec des yeux verts qui semblaient regarder bien au-delà du Baron.

« Mon cher Baron…»

L’Empereur daignait s’apercevoir de sa présence. Sa voix au timbre de baryton était admirablement contrôlée et il parvenait, par son ton seul, à congédier le Baron tout en l’accueillant.

Le Baron s’inclina profondément et s’avança jusqu’à dix pas du dais, selon l’usage. « Je suis accouru selon votre volonté, Majesté. »

« Votre volonté ! » railla la vieille sorcière.

« Allons, Révérende Mère, dit l’Empereur. Mais il souriait du trouble du Baron en poursuivant : Tout d’abord, dites-moi où vous avez envoyé votre mignon, Thufir Hawat. »

Le regard du Baron alla de droite à gauche. Il s’en voulait d’être ainsi venu sans ses gardes personnels. Bien sûr, ceux-ci eussent été de peu d’utilité face aux Sardaukar. Cependant…

« Eh bien ? »

« Il est parti depuis cinq jours, Majesté. (Le Baron jeta un rapide coup d’œil aux agents de la Guilde avant de revenir à l’Empereur.) Il devait se rendre dans une base de contrebandiers et essayer d’infiltrer ses hommes dans le camp du Fremen fanatique, Muad’Dib. »

« Incroyable ! » s’exclama l’Empereur.

La main de rapace de la sorcière se referma sur l’épaule de l’Empereur. Elle se pencha en avant et chuchota à son oreille.

L’Empereur acquiesça et dit : « Depuis cinq jours, Baron… Dites-moi, pourquoi ne vous êtes-vous pas soucié de son absence ? »