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« Regrettable ! dit le Sardaukar (Il s’avança, baissa les yeux sur le corps de Leto.) Ainsi voilà le grand Duc Rouge. »

Si j’avais des doutes quant à la nature de cet homme, voici qui les balayerait, songea Yueh. Seul l’Empereur appelle ainsi les Atréides.

Le Sardaukar sa baissa et arracha le petit faucon rouge de l’uniforme de Leto. « Un petit souvenir, dit-il. Mais où est l’anneau ducal ? »

« Il ne l’a pas sur lui », dit Yueh.

« Je le vois bien ! »

Yueh se raidit. S’ils m’interrogent, s’ils amènent une Diseuse, ils trouveront. A propos de l’anneau, à propos de l’orni… Tout s’effondrera.

« Il arrive parfois que le Duc confie l’anneau à un messager pour prouver qu’un ordre vient directement de lui », avança Yueh.

« Il faut avoir une satanée confiance », grommela le Sardaukar.

« Vous ne le ligotez pas ? »

« Combien de temps encore restera-t-il inconscient ! »

« Deux heurs à peu près. Pour lui, je n’ai pas été aussi précis que pour la femme et le garçon. »

Le Sardaukar remua le corps du Duc avec son pied.

« Il n’y a rien à craindre de lui, même quand il sera éveillé. Et la femme et le garçon ? »

« Ils se réveilleront dans dix minutes environ. »

« Si tôt ? »

« On m’a dit que le Baron arriverait immédiatement derrière ses hommes. »

« Il arrivera. Attendez dehors, Yueh. (Il eut un regard dur.) Allez ! »

Yueh regarda Leto. « Et… »

« Il sera livré au Baron troussé comme un roti prêt pour le four. (A nouveau, le regard du Sardaukar se fixa sur le tatouage qui ornait le front de Yueh.) On vous connaît. Vous serez en sécurité dans les salles. Mais nous n’avons plus le temps de bavarder, traître. J’entends venir les autres. »

Traître, songea Yueh. Il baissa les yeux et s’éloigna rapidement du Sardaukar. Il savait déjà que c’était ainsi que l’histoire le connaîtrait : Yueh le traître.

En se dirigeant vers l’entrée principale, il rencontra deux autres corps et les examina, craignant de découvrir Paul ou Jessica. Mais c’était deux soldats d’Harkonnen.

Il surgit au-dehors dans la nuit illuminée par les flammes et les gardes se mirent sur le qui-vive et l’examinèrent. On avait mis le feu aux palmiers qui bordaient la route. La fumée noire du liquide inflammatoire que l’on avait utilisé rampait entre les flammes orange.

« C’est le traître », dit quelqu’un.

« Le Baron vous convoquera bientôt », dit un autre.

Il faut que j’aille jusqu’à l’orni, songea Yueh. Il faut que je laisse le sceau ducal en un endroit où Paul le trouvera. La peur se déversa soudain en lui. Si Idaho a des soupçons à mon égard ou s’il s’impatiente. Il n’attendra pas et il ne se rendra pas au point exact que je lui ai indiqué. Et Jessica et Paul n’échapperont pas au carnage. Et mon acte n’aura plus la moindre décharge.

L’un des gardes le poussa. « Attendez là-bas ! Ecartez-vous ! »

Brusquement, Yueh se vit perdu en ces lieux de destruction. On ne lui pardonnait rien ; on ne lui accordait pas la moindre pitié. Idaho ne doit pas échouer ! pensa-t-il.

Un autre garde le poussa et aboya : « Hors d’ici, vous ! »

Même en tirant profit de moi, ils me méprisent. Il se redressa et retrouva un peu de dignité.

« Attendez le Baron ! » gronda un officier.

Yueh acquiseça et, avec une lenteur calculée, il s’éloigna le long de la façade et tourna à l’angle, perdant de vue les palmiers embrasés. Très vite, chacun de ses pas trahissant son anxiété, il s’avança vers la cour, derrière la serre, où l’ornithoptère attendait, prêt à emporter Paul et sa mère dans le désert.

Un garde était posté devant la porte de la demeure, mais son attention était fixée sur le Hall illuminé et sur les hommes qui allaient et venaient en tous sens, fouillant une pièce après l’autre.

Comme ils étaient confiants !

Yueh plongea dans l’ombre, controuna l’appareil et ouvrit la porte. Il glissa la main sous le siège et trouva le Fremkit qu’il avait dissimulé là. Il ouvrit un soufflet et y glissa l’anneau ducal. Il perçut alors le craquement du papier d’épice de la note qu’il avait écrite et il mit l’anneau à l’intérieur. Puis il repoussa le paquet en place, referma silencieusement la porte et regagné l’angle de la maison.

Maintenant, c’est fait, pensa-t-il.

Une fois encore, il s’avançait dans la nuit incendiée. Il ramena sa cape autour de lui et son regard courut entre les flammes. Bientôt, je verrai le Baron et je saurai. Et le Baron, lui, trouvera devant lui une dent, une petite dent.

Une légende dit que, à l’instant où Leto mourut, un météore traversa le ciel au-dessus du castel ancestral de Caladan.

(Introduction à l’histoire de Muad’Dib enfant par la princesse Irulan.)

Le Baron Vladimir Harkonnen se tenait devant une des baies d’observation de la nef où il avait installé son poste de commandement. Au-dehors, la nuit d’Arrakis était embrasée. L’attention du Baron était fixée sur le lointain Bouclier où se déchaînait son arme secrète.

L’artillerie à explosifs.

Les canons pilonnaient les cavernes où les hommes du Duc avaient trouvé refuge pour une ultime résistance. Morsures de feu, pluies de rocher et de poussière entrevues en un éclair… Les hommes du Duc sseraient murés là-bas comme des animaux pris au piège, condamnés à périr de famine.

Le Baron percevait cet incessant martèlement, ce roulement de tambour que lui tranmettait la coque de métal du vaisseau : Broum… broum… Puis : BROUM-Broum !

Utiliser l’artillerir au temps des boucliers, il fallait y penser. Cette pensée était comme un rire d’exultation. Il était facile de prévoir que les hommes du duc se précipiteraint dans ces cavernes. L’Empereur saura certainement apprécier l’habileté avec laquelle j’ai ménagé nos forces communes.

Il régla un des petits suspenseurs qui protégeaient son corps adipeux de l’emprise de la pesanteur. Un sourire vint déformer sa bouche et plisser ses joues.

Quel dommage de perdre des hommes de cette valeur, se dit-il. Son sourire devint plus large. Il rit, à présent. Quel dommage d’être cruel ! Il hocha la tête. L’échec était, par définition, condamné. L’univers tout entier était ouvert à l’homme capable de prendre les décisions adéquates. Et il fallait forcer les lapins à se cacher dans leurs terriers. Sans cela, comment les dominer, comment les élever ? Les combattants, là-bas, étaient comme des abeilles harcelant et guidant les lapins. Et le Baron songea : L’existence est comme un bourdonnement très doux quand tant d’abeilles travaillent pour vous.

Derrière lui, une porte s’ouvrit. Le Baron jeta un coup d’œil rapide au reflet dans la baie avant de se retourner.

Piter de Vries entra, suivi d’Umman Kudu, le capitaine de la garde personnelle du Baron. Au-delà du seuil, il y avait des hommes, ses gardes. Ils arboraient cette expression de mouton soumis qu’ils avaient en sa présence.

Le Baron fit face à ses visiteurs.

Piter porta un doigt vers son front en une esquisse de salut moqueur. « Bonnes nouvelles, Mon seigneur. Les Sardaukars ont amené le Duc. »

« Bien sûr », grommela le Baron.