Выбрать главу

« La soupçonner ? » s’exclama Feyd-Rautha.

« Il s’agit de Dame Jessica en personne », dit le Baron.

« N’est-ce pas sublime ? dit Piter. Hawat sera si préoccupé par ce problème que son efficience de Mentat en sera considérablement diminuée. Il se pourrait même qu’il tente de tuer Dame Jessica. (Le Mentat fronça les sourcils.) Mais je ne pense pas qu’il y parvienne. »

« Et tu ne le souhaites pas non plus, n’est-ce pas ? » demanda le Baron.

« Ne me distrayez pas. Tandis qu’Hawat sera aux prises avec Dame Jessica, nous lui procurerons certaines autres diversions sous la forme de garnisons en révolte et autres événements du même genre. Tout cela sera réprimé. Il faut bien que le Duc penser qu’il jouit d’un degré supplémentaire de sécurité. Puis, quand le moment opportun sera venu, nous ferons signe à Yueh, nous lancerons toutes nos forces et… »

« Va, dis-lui tout », intervint le Baron.

« Nous frapperons alors avec l’appui de deux légions de Sardaukars qui arboreront la tenue des gens d’Harkonnen. »

« Des Sardaukars ! » s’exclama Feyd-Rautha dans un souffle.

Et ilévoqua l’image des terrifiantes troupes impériales, composées de tueurs sans merci, soldats fanatiques de l’Empereur Padishah.

« Tu vois à quel point je te fais confiance, Feyd, dit le Baron. Jamais le moindre mot de tout ceci ne doit parvenir à quelque autre Grande Maison, sinon le Landsraad tout entier pourrait bien s’unir contre la Maison Impériale et ce serait le chaos. »

« Le point important est le suivant, dit Piter. Puisque l’on se servira de ma Maison de Harkonnens pour exécuter la vilaine besogne de l’Empire, celle-ci bénéficiera d’un avantage certain. Avantage dangereux, bien sûr, mais qui, utilisé avec prudence, rendra les Harkonnens plus riches que toute autre Maison de l’Empire. »

« Tu ne saurais avoir la moindre idée des richesses qui sont un jeu, Feyd, dit le Baron. Même dans tes rêves les plus démentiels. Et, avant tout, nous nous assurerons pour toujours un directoire de la CHOM. »

Feyd-Rautha hocha la tête. Seule la richesse comptait. Et la compagnie CHOM était la clé de la richesse. Chaque Maison Noble puisait dans les coffres de la compagnie, quand elle en éprouvait le besoin, et sous la contrôle des directoires de la CHOM étaient la preuve évidente de la puissance à l’intérieur de l’Imperium ; ils changeaient au gré des votes du Landsraad qui, dans son ensemble, s’opposait à l’Empereur et à ceux qui le soutenaient.

« Le Duc Leto, dit Piter, pourrait essayer de rejoindre ces canailles de Fremens qui vivent au seuil du désert. A moins qu’il ne préfère réserver ce refuge imaginaire à sa famille. Mais cette issue lui est fermée par l’un des agents de Sa Majesté, cet écologiste planétaire dont vous devez vous souvenir : Kynes. »

« Feyd s’en souvient, dit le Baron. Continue. »

« Sottises, Baron ! »

« Continue, c’est un ordre ! »

Le Mentat haussa les épaules. « Si tout se déroule selon les prévisions, le Maison des Harkonnens jouira d’un sous-fief sur Arrakis d’ici à une année standard.

Votre oncle obtiendra remise de ce fief et son propre agent régnera alors sur la planète des sables. »

« Ainsi, les profits seront plus importants », dit Feyd-Rautha.

« Bien-sûr », dit le Baron. Et il pensa : Ce n’est que justice. C’est nous qui avons colonisé Arrakis… si l’on excepte ces quelques métèques de Fremens qui se cachent près du désert… et les contrabandiers qui sont prisonniers de la planète au même titre que les travailleurs indigènes…

« Alors, les Grandes Maisons sauront que le Baron a détruit les Atréides, acheva Piter. Toutes, elles le sauront. »

« Elles le sauront », souffla le Baron.

« Et le plus délicieux, ajouta Piter, c’est que le Duc lui aussi le saura. Il le sait même dès maintenant. Déjà, il flaire le piège. »

« Il est exact que le Duc sait déjà, dit le Baron avec une note de tristesse dans la voix. Et il peut rien faire… Ce qui est d’autant plus triste. »

Il s’éloigna du globe de lumière d’Arrakis. Et, comme om émergeait de l’ombre, sa silhouette prit une autre dimension. Il devint gras, énorme. De subtils mouvements sous les plis partiellement soutenus par des suspenseurs gravifiques fixés à même sa chair. Son poids devait approcher les deux cents kilos standard mais, en réalité, son ossature n’en supportait pas plus du quart.

« J’ai faim ! gronda-t-il, et sa main couverte de bagues vint caresser ses lèvres grasses tandis que ses yeux enfoncés dans la boufissure de son visage se posaient sur son neveu. Demande que l’on nous serve, mon chéri. Nous allons manger avant de nous retirer. »

Ainsi parla saint Alia du Couteau : « La Révérende Mère doit combiner les pouvoirs de séduction d’une courtisane avec la majesté d’un déesse vierge et conserver ses attributs sous tension aussi longtemps que subsiste,t ses pouvoirs de jeunesse. Car, lorsque beauté et jeunesse s’en seront allées, elle découvrira que le lieu intermédiaire autrefois occupé par la tension s’est changé en une source de ruse et d’astuce. »

(extrait de Muad’Hib, commentaires de famille par la Princesse Irulan)

« Eh bien, Jessica, qu’as-tu à dire pour toi-même ? » demanda la Révérende Mère.

Ce même jour, Paul avait subi l’épreuve et maintenant le crépuscule venait. Les deux femmes étaient seules, dans le salon de Jessica ; Paul attendait dans la Chambre e Méditation d’où il ne pouvait percevoir la moindre parole.

Jessica se tenait devant les fenêtres ouvertes sur le sud. Elle voyait et ne voyait pas les couleurs qui s’étaient rassemblées sur la prairie, sur la rivière, avec le soir. Elle entendait et n’entendait pas les mots que prononçait la Révérende Mère. Elle avait déjà subi l’épreuve, tant d’années auparavant. Elle n’était alors qu’un fillette frêle aux cheveux couleur de bronze, au corps secoué par les tempêtes de la puberté. Une fillette qui avait subi l’examen de la Révérende Mère Gaius Helen Mohiam, Rectrice supérieure de l’école Bene Gesserit de Wallach IX. Aujourd’hui, elle contemplait sa main droite, pliait ses doigts et se souvenait de la souffrance, de la peur, de la colère.

« Pauvre Paul », souffla-t-elle.

« Jessica, je t’ai posé une question ! » La voix de la vieille femme était sèche, impérative.

« Oui ? OH… » Jessica s’arracha au passé, se tourna vers la Révérende Mère qui était assise le dos au mur, entre les deux fenêtres d’occident. « Que voulez-vous que je vous dise ? »

« Ce que je veux que tu me dise ? Ce que je veux que tu me dises ? » Il y avait une note cruelle de moquerie dans cette voix ancienne et Jessica s’écria : « Eh bien, j’ai eu un fils ! » Mais elle savait que la colère qu’elle ressentait avait été provoquée, délibérément.

« Il t’avait été ordonné de ne donner que des filles aux Atréides. »

« Mais cela représentait tant pour lui ! »

« Et dans ton orgueil, tu as pensé pouvoir donner le jour au Kwisath Haderach ! »

Jessica redressa le menton. « J’ai senti que cela était possible. »

« Tu n’as pensé qu’au désir du Duc de posséder un fils ! lança la vieille femme. Mais son désir n’a rien à voir avec tout cela. Une fille Atréides aurait pu épouser un héritier Harkonnen et la brèche eût été ainsi comblée. Tu as compliqué les choses d’une façon impensable. Maintenant, nous pourrions perdre les lignées. »